Quelle sexualité avec l’endométriose ?

Par Clémentine Billé
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Douleurs de règles, douleurs lors des rapports, fatigue, irritabilité : il peut être bien difficile d’être connecté à son corps, à sa sensualité et sa sexualité quand on est atteinte d’endométriose. Des solutions existent, à commencer par comprendre le fonctionnement de la maladie, suivre le traitement qui nous correspond et s’adapter à ses propres symptômes.

“Jusqu’à mes 27 ans je pensais que je n’aimais pas le sexe”, lâche d'entrée Margaux*. Il y a neuf ans, le diagnostic tombe enfin : la jeune femme est atteinte d’endométriose. À partir de là, tout son rapport au plaisir, à la sexualité et à son corps va changer.

"J’avais une libido très basse et j’avais des douleurs lors de la pénétration : je ne prenais jamais de plaisir, explique-t-elle. Sans même compter les douleurs dès la semaine qui précédait les règles."

À l’origine des troubles sexuels, les douleurs menstruelles 

L’endométriose provoque des douleurs pendant les règles mais aussi pendant les rapports.

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L’endomètre, hors grossesse, est évacué pendant les menstruations. "Mais il y en a toujours un peu qui va depuis l’utérus couler dans les trompes et se déverser dans le bas ventre : c’est le reflux", décrit Isabella Chanavaz-Lacheray, gynécologue-obstétricienne à l’Institut Franco Européen Multidisciplinaire d'Endométriose. Ils concernent toutes les femmes. "Dans les jours qui suivent la fin des règles, un processus de ménage doit se faire, et tout ce qui a été déposé dans le ventre est détruit", explique-t-elle. Sauf qu’une femme sur dix ne fait pas ce processus, sans qu’on sache pourquoi : c’est ça, l’endométriose."

C’est dur d’être ouvert sur ta sexualité dans ces conditions.

Les cellules de l’endomètre s'accrochent où elles sont tombées et créent des lésions. Celles-ci peuvent être partout dans le ventre : "À chaque période de règles, elles aussi vont avoir leurs mini-règles qui vont irriter et enflammer les tissus sur lesquels elles sont accrochées". D’où les douleurs menstruelles.

Margaux tombait parfois dans les pommes pendant ses règles. Tatiana, 32 ans, restait pliée en deux. Ses douleurs ont gagné en intensité pendant trois ans avant le diagnostic en 2022. "J’avais mal un ou deux jours avant, mes règles duraient de 10 à 14 jours et ensuite j’avais besoin de trois ou quatre jours pour m’en remettre”, décrit-elle. “C’est dur d’être ouvert sur ta sexualité dans ces conditions, reconnaît Tatiana. La douleur jouait aussi sur mes humeurs : j’étais tout le temps crevé, et donc souvent agacée voire triste".

La douleur lors des rapports, des lésions au vaginisme

Pour certaines femmes, l’endométriose n’est pas seulement superficielle mais profonde.

"De règles en règles, chaque greffe d’endomètre saigne, sur laquelle se repose une nouvelle lésion, qui elle-même saigne, etc", décrit Isabella Chanavaz-Lacheray. Les lésions infiltrent les tissus ce qui va provoquer l’apparition de nouveaux symptômes en fonction de l’endroit où ça se trouve. Par exemple, explique la spécialiste ,"si ça se développe au niveau du fond du vagin, ça va provoquer des douleurs lors des rapports quand la verge touche le fond". D’où les dyspareunies dont souffre Margaux.

Chloé Loiacono aussi a enduré ces douleurs : elle est à la fois atteinte d’endométriose et est sexologue spécialiste de la maladie. Menstruée à 10 ans, diagnostiquée à 22 ans et opérée 16 fois depuis : elle a subi une hystérectomie et son endométriose s’est étendue à son système digestif et thoracique.

"J’avais l’envie, j’étais très amoureuse, mais dès qu’on passait à la pénétration, c’était horrible : il y a des positions qui étaient impossibles", explique Chloé. Elle est alors en couple depuis plus de 5 ans, follement amoureuse, et son compagnon ne sait pas à quel point elle a mal. Alors elle persiste. "Je faisais bien semblant, et il ne faut surtout pas faire ça, reconnaît-elle. Il savait que ce n’était parfois pas confortable, et en réalité on ne faisait pas l’amour très régulièrement."

Au diagnostic, tout s’éclaire. "J’avais une lésion énorme entre le vagin et le rectum", confie-t-elle. L’opération dure huit heures, elle met des mois à s’en remettre. Puis elle goûte enfin au plaisir lors de la pénétration

Chez certaines femmes, l’appréhension de la douleur provoque aussi parfois un mécanisme de défense appelé le vaginisme. "À la longue, la personne va développer des contractures réflexes à l’entrée du vagin pour se protéger, ce qui va provoquer des dyspareunies d’introduction”, décrypte Isabella Chanavaz-Lacheray.

Margaux en a souffert. Elle a eu quelques brèves histoires avec des garçons avant d’avoir des relations avec des filles. "Je faisais le minimum, et donc je ne faisais pas de pénétration : mon cerveau a d’ailleurs fini par prendre le dessus, c’était bloqué, livre-t-elle. C’est comme si tu essayais d'introduire quelque chose de vraiment trop gros, trop fort et que ça déchirait de l’intérieur".

Adapter sa sexualité à sa maladie

Et après des années de souffrances, elles ont toutes pu enfin s’adapter à leur maladie grâce au diagnostic, et donc au bon traitement.

Toutes ont d’abord eu une opération chirurgicale pour enlever des kystes et des lésions. Tatiana après un premier traitement par injection, prend la pilule en continu, ce qui a résolu les douleurs de règles. Le bémol : des problèmes de lubrification qu’elle n’avait pas avant.

Margaux aussi prend la pilule en continu. Il lui a fallu trois ans pour trouver celle qui lui convient : les autres provoquaient des dérèglements hormonaux, notamment des sécheresses vaginales et une perte complète de sa libido.

Chloé a subi de lourdes interventions, dont certaines ont laissé des cicatrices. Elle a dû apprendre à aimer son corps, marqué. Elle a appris à connaître la maladie et surtout son corps. "Chaque femme a son endométriose donc chaque femme est unique dans la localisation de sa maladie", explique Isabella Chanavaz-Lacheray. Chloé sait où sont ses lésions et a adapté sa sexualité en fonction. Certaines positions sont plus propices que d’autres et il lui serait impossible d’avoir une sexualité où la pénétration est toujours au cœur de l’acte. Elle a appris aussi à s’écouter : "Si j’ai passé une journée où je me suis sentie gênée, pas bien, je sais que ça ne sert à rien de se lancer".

Au-delà du traitement, toutes ont adopté une hygiène de vie qui correspondait à leur maladie. Avec l’alimentation d’abord, car le moindre trouble digestif peut être douloureux, et avec des séances de kinésithérapie ou d’ostéopathie accompagnées de spécialistes de l’endométriose. Le diagnostic a ouvert un nouveau chapitre de leur vie, mais elles savent qu’elles vivront avec l’endométriose pour le reste de leur vie, y compris sexuelle.

*Le prénom a été changé

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