Accélérateurs de bronzage et crèmes anti-taches brunes sont-ils compatibles ?

Par Charlène Favry
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Entre la lutte anti-taches brunes via la tendance du whitening et les boosters de mélanine, dont le job est d'accélérer la montée du hâle et de nous faire bronzer plus rapidement, il y a de quoi s'interroger sur les dangers de jouer au yo-yo pigmentaire. On a mené l'enquête.

À mesure que les jours rallongent et que l’été se profile, la beauty industrie opère un virage quelque peu déconcertant. Dans nos rayons, les soins anti taches brunes et sérums uniformisants cohabitent avec les boosters de mélanine, qui confirment la percée amorcée dès 2010.

Mais à quoi bon tenter de mater les emballements de mélanine l’hiver si c’est pour l’aider à "monter" plus vite une fois les beaux jours revenus  ?

Notre peau peut-elle passer d’un extrême à l’autre sans conséquence ? Un paradoxe de consommation qui soulève de nombreuses interrogations et mérite une mise au point.

Montée de la mélanine : des réactions en chaîne

La mélanine est le pigment responsable de la coloration de la peau. Elle est fabriquée par les mélanocytes, situés dans la couche basale de l’épiderme.

Ces cellules sont composées de dendrites (ramifications), qui répartissent les grains de mélanine vers la surface de la peau. La fabrication du pigment résulte d’un enchaînement de réactions complexes  : les UV entraînent l’expression d’une hormone (l’alpha-MSH), qui donne l’ordre à une enzyme (la tyrosinase) d’oxyder la tyrosine, un acide aminé présent dans l’organisme.

Elle évolue ensuite jusqu’à former de la mélanine. La relation tyrosine-tyrosinase est donc un élément essentiel qui catalyse les premières étapes de la pigmentation. C’est surtout une « clé » du mécanisme sur laquelle la cosmétique peut agir.

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Favoriser les mécanismes naturels via une crème activatrice de bronzage

"On peut synthétiser cette tyrosine via notre alimentation mais la peau sera la dernière servie", explique Aurélie Guyoux, directrice scientifique de la marque État Pur. "D’où l’intérêt de l’appliquer localement via une crème: ainsi, l’enzyme tyrosinase aura plus de tyrosine à "grignoter" pour en faire de la mélanine. En somme, on apporte plus de carburant à un mécanisme naturel." À l’inverse, dans la lutte contre les taches (qui résultent d’un excès localisé de mélanine), le but est d’inhiber l’expression de la tyrosinase : la tyrosine reste en l’état, non dégradée, et la montée de pigment est stoppée.

Mais, avant tout, il est bon de tenir compte du phototype : "Stimuler le mécanisme de la tyrosine est possible uniquement sur une peau qui sait bien bronzer", tempère le Dr Françoise Roudil, dermatologue à Marseille.

Par ailleurs, on ne peut nier les mécanismes de modulation propres au corps humain. "On n’engendrera jamais une production brutale et anarchique de pigment, même en surexposant des mélanocytes à une forte dose de précurseurs", insiste Jean-Claude Le Joliff, consultant en cosmétique et professeur associé à l’université Versailles Saint-Quentin. Pas de miracle donc, sans oublier que toute cette chaîne de fabrication est dépendante des UV. Traduction : sans un minimum de rayons solaires, pas de bronzage. Avec ou sans "coup d’accélérateur".

Soins anti-taches brunes et accélérateurs de bronzage : sont-ils compatibles ? 

Mais qu’en est-il des peaux qui souffrent déjà de taches ? Seront-elles plus nombreuses et plus intenses si on utilise un soin activateur  ?

"Tant que la tache n’est pas là, stimuler sa mélanine aura un effet bénéfique et protecteur, vu qu’on se soumet à des doses d’UV moindres", explique Aurélie Guyoux. "Mais une fois que le dérèglement pigmentaire est visible, il est trop tard et il n’y a aucun intérêt à aller titiller un mélanocyte qui a tendance à dysfonctionner."

Autre son de cloche plus radical : "Quand une tache apparaît, c’est que la cellule a subi trop d’agressions et ne sait plus gérer les UV. Il faut donc choisir son camp : bronzer et accepter le caractère inéluctable de l’hyperpigmentation, ou alors s’abriter du soleil pour garder un teint uniforme", assène Jean-Claude Le Joliff. "Après, rien n’empêche de concilier bronzage intense l’été et suppression des taches au laser l’hiver, mais c’est juste incohérent, voire un peu idiot."

Pour le Dr. Roudil, il ne faut pas dramatiser : "Ce sont deux mécanismes antagonistes mais pas chimiquement incompatibles ni dangereux. C’est plutôt une question d’intuition et de bon sens." 

Atténuer les contrastes, le pari des marques 

Un bon sens qui n’a pas empêché certaines marques de vouloir réunir les extrêmes. Chez by Terry, l’idée est de stimuler et réguler en même temps la prolifération des grains de mélanine pour une pigmentation plus homogène, grâce à un extrait de pois vert, riche en cytokines.

Chez Esthederm, l’approche est différente, comme nous l’explique Isabelle Benoît, Directrice scientifique  : "Nous avons identifié deux types de stimulation de la mélanine, soit directement dans le mélanocyte sous l’influence des UV, soit indirectement via les kératinocytes." Ces derniers, soumis à un stress anormal, envoient des messages hormonaux pour que les mélanocytes fabriquent encore plus de mélanine. "Pour eux, c’est un peu la double peine : ils vont foncer sous l’influence d’un double signal. Or, c’est cette stimulation indirecte qui est exprimée dans la formation des taches." Le pari de la marque  ? Optimiser la pigmentation directe tout en "désactivant" la pigmentation indirecte. Bilan : la tache fonce moins vite que le reste de la peau, le contraste de couleur est atténué. "Les consommatrices ont des envies contradictoires. L’idée est de mieux les éduquer pour qu’elles puissent bronzer raisonnablement sans aggraver leur cas", conclut Isabelle Benoît.

Quel que soit le parti pris des labos, le message à retenir est, selon nous, le suivant : les boosters de hâle ne sont pas un laisser-passer pour aller s’exposer plus avec un sentiment d’impunité. Ils ne changent rien à notre vulnérabilité face au soleil, qui reste le grand responsable du vieillissement prématuré, et donc de la formation des taches. On vous conseille donc de les envisager tout simplement pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des alliés de plus dans une prise en charge globale de la peau face au soleil

De nouvelles formules pour bronzer avec moins de soleil

Vous l’aurez compris, les activateurs de bronzage sont avant tout utiles en prévention sur une peau sans désordres pigmentaires, pour bronzer mieux à moindre risque. Dès la fin des années 1980, des marques comme Lancaster ou Esthederm se sont intéressées à la stimulation de la synthèse de mélanine et ont mis au point des formules top secret. "Récemment, l’offre s’est étoffée", reconnaît Jean-Claude Le Joliff. "Les dérivés de tyrosine sont plus nombreux sur le marché, et on trouve aussi des peptides en affinité avec les récepteurs d’alpha MSH, qui agissent comme un leurre et stimulent le mécanisme pigmentaire à la source."

C’est le parti pris de Lierac ou de Sampar, qui ont intégré ces peptides, dits promélanotropes, dans leurs formules. D’autres préfèrent miser sur l’apport de tyrosine pure ou des flavonoïdes précurseurs, ou encore sur des extraits végétaux comme le caroubier, dont on extrait des sucres (souvent de l’inositol) qui décuplent le stock de pigment disponible et accentuent la couleur du hâle obtenu pendant l’exposition. Associés à des boucliers antiradicalaires, des agents hydratants ou encore des filtres protecteurs, ils donnent naissance à une nouvelle génération de "super solaires".

"À terme, l’objectif des labos est d’arriver à stimuler à la fois le mécanisme de la tyrosinase et celui de l’alpha-MSH pour offrir un joli bronzage avec le moins de soleil possible. L’idée étant d’armer toujours mieux la peau face aux dangers du soleil", conclut Aurélie Guyoux, chez État Pur. 

Soins solaires et belle peau : sont-ils compatibles avec les boosters de mélanine ?

Booster de mélanine et gélules solaires ? Les compléments alimentaires solaires sont des cocktails antioxydants à base de caroténoïdes et probiotiques qui améliorent, de l’intérieur, les défenses de la peau contre les radicaux libres libérés par les ultraviolets et responsables des allergies et du photo-vieillissement. Ils sont donc assez complémentaires. 

Booster de mélanine et autobronzant ? Ce dernier provoque une réaction chimique de « caramélisation » en surface, qui disparaît au fur et à mesure que la couche cornée s’élimine. Avec un activateur, on stimule le "vrai" bronzage. Pas d’incompatibilité donc, mais à quoi bon cumuler vrai et faux bronzage ?

Booster de mélanine et sérum "lumière" ? Pas facile de savoir si ces sérums pro-éclat, qui parlent habilement de luminosité, d’homogénéité, d’action anti-terne, abritent des actifs antitaches. Et, si oui, lesquels et dans quelle proportion ? Par précaution, si vous faites une cure de tan booster, remisez au placard votre sérum au cas où il contiendrait un inhibiteur de tyrosinase. Le coupler avec un booster de la même enzyme s’avère contre-productif, les deux formules s’annulant purement et simplement.

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