![Marie Drucker, le 20 juin, à Paris.](https://cdn.statically.io/img/img.lemde.fr/2024/06/27/0/0/1200/1500/664/0/75/0/ec656c1_340436-3379763.jpg)
« Longtemps, la cuisine a été un non-sujet pour moi. Enfant, j’ai toujours goûté à tout assez facilement, mais mes parents travaillaient beaucoup et ne s’intéressaient pas particulièrement à la nourriture. Ils appréciaient les bonnes choses, ni plus ni moins. Dans ma lignée maternelle, on cuisinait bien – des plats simples, sans fioritures. Pour ma grand-mère, les épices, les condiments, les sauces, c’était une façon de “repeindre la façade”, de masquer les produits de piètre qualité.
Chez nous, c’étaient les escalopes à la crème avec des coquillettes, le veau en cocotte, le poulet rôti, le steak accompagné de pommes de terre sautées. Cela nous arrivait de réchauffer des raviolis en boîte ou de faire frire du poisson pané surgelé. Quant à la cantine de l’école, on nous y apprenait à détester les légumes, avec des purées de chou-fleur, des épinards à la crème rance ou d’épouvantables endives au jambon. Je ne comprends pas comment on peut donner ça aux enfants et penser qu’ils vont le manger.
J’ai commencé à travailler à l’âge de 19 ans dans l’information. Pendant les vingt années qui ont suivi, je n’ai jamais trouvé le temps de cuisiner comme je le voyais faire chez mes amis et confrères. Je ne me sentais pas capable de réaliser quoi que ce soit qui pourrait me plaire, même si les plats transformés n’entraient pas chez moi. Mon éducation culinaire, mon rapport à la santé et à l’écologie, je les ai forgés seule, par curiosité et appétit.
Une revanche sur la cantine
J’ai goûté à de nombreux plats, eu la chance de dîner dans de bons restaurants et d’interviewer plusieurs chefs. Rapidement, j’ai développé une certaine exigence gustative. Et puis vient un jour où la nécessité nous pousse aux fourneaux et l’on se rend alors compte que c’est assez amusant, même plaisant, et que finalement ce n’est pas si difficile de préparer des mets qui ont du goût.
Mon fils est né il y a neuf ans, et c’est pour lui que j’ai réellement commencé à cuisiner. Un an après sa naissance, j’ai quitté le journalisme pour me lancer dans le documentaire et le cinéma. J’ai commencé à avoir un peu plus de temps et à m’approprier des recettes : l’épaule d’agneau confite aux petits légumes, les maquereaux à la sauce crème fraîche, moutarde et herbes ou encore les endives au jambon “à ma façon”, qui est l’un des plats préférés de mon fils – une version sans béchamel, que j’ai customisée avec de la coriandre, du jambon très fin, du bouillon…
C’est ma revanche sur la cantine, et l’une de mes victoires en cuisine, car j’ai aussi réussi à réconcilier bon nombre d’amis avec ce plat d’enfance souvent honni. J’aime bien cuisiner, mais je ne me considère pas cuisinière, contrairement à d’autres qui savent bricoler un truc en cinq minutes, par réflexe ou par passion. J’ai décidé de faire des livres pour parler à des femmes comme moi, qui ne sont pas des cordons bleus mais ont à cœur de préparer des choses simples, savoureuses, équilibrées. L’accès à une alimentation plus saine et moins coûteuse est un enjeu capital : c’est même une question de démocratie. »
Bien manger pour être en forme !, de Marie Drucker, Michel Lafon, 176 p., 22,95 €.
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