Emma Corrin rêve de rôles en tous genres

L’actrice a été surprise par «toute la haine» qu’iel a reçue après avoir annoncé sa non-binarité sur les réseaux, même s'iel se réjouit que sa déclaration  « ait aidé beaucoup de gens ». 
Brassière Luelle Tenue Noir Kei Ninomiya Chaussures Givenchy Boucles d'oreilles Cartier Bracelet Cartier Haute Joaillerie
Brassière Luelle Tenue Noir Kei Ninomiya Chaussures Givenchy Boucles d'oreilles Cartier Bracelet Cartier Haute JoaillerieSteven Klein pour Vanity Fair

La prestation envoûtante d’Emma Corrin en jeune Princesse Diana dans The Crown a propulsé l'artiste britannique sur le devant de la scène en 2020. Depuis, Emma, qui était en une de notre numéro spécial Hollywood 2023, a tourné dans des films tels que L’Amant de Lady Chatterley ou My Policeman. Iel est également monté·e sur scène à Londres dans une adaptation du roman de Virginia Woolf, Orlando. Emma Corrin sera de retour à la télévision cette année dans la série FX Retreat, et vient de décrocher un rôle de méchant dans Deadpool 3, puis figurera au casting du film de vampires de Robert Eggers, Nosferatu. Ci-dessous, des extraits d’une conversation avec iel, au sujet du métier d’acteur et de la question de l’authenticité.

Être une personne publique sur les réseaux sociaux peut s’avérer très compliqué lorsqu’on est en pleine découverte de soi-même. À quel point pensez-vous que votre alter ego public est proche de ce que vous êtes dans la vraie vie ?
Je m’efforce d’être moi-même autant que possible. Je crois qu’il faut trouver un équilibre de façon à toujours vivre et se présenter au public avec authenticité, tout en gardant pour soi une grande part de ce que l'on est, à laquelle on peut s’accrocher sans avoir l’impression de trop donner aux autres, ce qu’on exige trop souvent de nous. C’est un apprentissage, et il arrive qu’on tâtonne.

Avez-vous des mentors qui ont pu vous aider avec tout ça ?
La plupart d’entre eux sont en fait des amis queers qui ont été amenés, par leur expérience avec le public, à s’exprimer sur leur identité de genre et leur sexualité. Ces personnes, comme Dan Levy et Mae Martin, ont été extraordinaires dans leur façon de m’accompagner et de me guider quand j’en avais besoin. Peu importe qui ont est ou le métier qu’on exerce, on a tous une personne qu’on présente aux autres, et ce qu’on ressent vraiment à l’intérieur. Chacun.e doit apprendre à composer entre ces deux entités pour se sentir vraiment soi. Dans le passé, ce processus faisait l’objet de beaucoup de restrictions. Donc c’est une grande joie pour moi de pouvoir en parler et de pouvoir partager cette partie de moi, j’espère que cela permet d’aider les autres aussi.  

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PHOTOGRAPH BY STEVEN KLEIN; STYLED BY PATTI WILSON.

Vous avez annoncé être non-binaire sur Instagram il y a quelque temps, en modifiant vos pronoms et en évoquant le fait de porter un binder. Est-ce que ça vous a fait peur ? Est-ce que vous en avez discuté avec votre équipe au préalable ?
Non, je ne l’ai pas fait ! Je leur ai envoyé un message sur WhatsApp, en leur disant simplement que j'avais l'intention de poster cette déclaration. Il n’y a pas eu de grande discussion à ce sujet. J’ai peut-être été naïve, je ne m’attendais pas à recevoir autant de messages de haine pour ça. Ça a été un retour à la réalité assez brutal. Mais ça a aidé beaucoup de gens. Dès qu’on s’interroge sur le genre et les questions qui y sont liées, ça aide énormément de voir quelqu’un vivre dans ce monde en tant que personne non-binaire. Je sais à quel point, pour moi, certains comptes ont été précieux, et c’est ce qui me motive à rester sur les réseaux sociaux aujourd’hui.

Vous avez interprété des rôles très féminins, de la princesse Diana à Lady Chatterley. Avez-vous aujourd’hui moins de désir pour ce genre de rôles ? Pensez-vous auditionner pour des rôles masculins, ou rechercher des rôles non-binaires ?
Il n’y a pas beaucoup de rôles non-binaires dans les projets qui se montent. Il faut qu’on apporte plus de soutien aux auteurices queers, qu’on développe ces projets et qu’on accueille ces histoires dans nos espaces de création. Mais par ailleurs, être non-binaire, pour moi, signifie que j’évolue dans un espace très fluide, ce n’est pas un rejet de la féminité ou de la masculinité, c’est plutôt une façon d’embrasser ces deux voies. Jusque très récemment, mon expérience sur cette terre a été celle d’une femme, et j’aime toujours ces parties de moi. C’est intéressant qu’on ne me propose pas de rôles masculins, mais ces rôles m’attirent tout autant ! Je suppose que cela a aussi à voir avec la manière dont l’industrie vous perçoit, et j’espère que c’est en train de changer. La beauté du métier d’acteur consiste à pouvoir incarner un personnage qui n’est pas complètement en phase avec notre propre expérience. C’est une sorte d’exploration. Mais j’aimerais beaucoup jouer des rôles non-binaires, des rôles masculins. N’importe quoi, pourvu que je sente que c’est juste. 

Beaucoup de gens vous ont d’abord vu à l’écran en tant que Diana. Est-ce que ce rôle a influencé votre façon d’envisager votre célébrité ?
Je me souviens que lorsqu’on m’a offert le rôle, l’un des réalisateurs de [The Crown], Ben Caron, est venu me voir. Il m’a dit : « Ta vie va changer. Fais attention au changement qui va s’opérer à partir de maintenant, tout ce qui va se passer dans ta vie de différent ou d’effrayant, tout ce que tu vas ressentir comme une intrusion, accepte de le ressentir, parce que c’est exactement ce dont il s’agit. » J’ai vécu cette chose très étrange d’arriver de nulle part et, du jour au lendemain, de voir des gens devant chez moi, frapper à ma porte, ou me suivre jusqu’à ma maison. J’ai regardé le documentaire Harry & Meghan et j’ai trouvé qu’ils parlaient très bien de ça, en particulier en ce qui concerne la presse à scandales britannique. Il faut vraiment s’assurer de maintenir une distinction entre privé et public, parce que tout est chamboulé. 

On vous verra dans la série FX Retreat. Vous y jouez une Américaine ?
Oui, je joue une Américaine, une fille de l’Iowa ! 

La série a été créée par Brit Marling et Zal Batmanglij, le duo à l’origine de The OA. Était-ce un tournage particulier ? 
Brit et Zal viennent quasiment d’une autre dimension, leurs cerveaux fonctionnent d’une façon très particulière. Ils sont tellement en avance sur leur temps, notamment quant aux histoires qu’ils inventent. C’était un tournage incroyable. On est passé de l’Islande à un studio du New Jersey, puis on est allés en Utah. Brit est très spéciale, et elle est dans la série elle aussi, c’était très drôle de jouer avec elle et d'être sous sa direction en même temps.

Pensez-vous créer vos propres projets ?
J’ai des choses en développement de mon côté. J’ai écrit un film avec mon amie Avigail [Tlalim]. C’est une expérience extraordinaire, de pouvoir écrire et d’être de ce côté-là des choses. Je veux surtout raconter des histoires, de quelque manière que ce soit. 

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Cette interview a été éditée et condensée pour plus de carté.