Ce 20 janvier 2021, un nouveau pan de l'Histoire des États-Unis s'ouvre. Joe Biden est investi 46e Président des États-Unis, après l'avoir emporté face à Donald Trump en novembre dernier. Autre fait historique : sa vice-présidente, Kamala Harris, est la première femme à devenir Vice-présidente des États-Unis. 

Nommée en août dernier par Joe Biden, elle avait mis d'accord médias et personnalités publiques. 

En mars déjà, l'ancien vice-président de Barack Obama avait fait part de sa décision de choisir une femme comme bras droit dans la dernière ligne droite de la campagne. Un choix équivoque, dans des États-Unis post-#MeToo, alors que la victoire de Joe Biden à la primaire démocrate avait déprimé nombre d'électrices démocrates. En effet, le nouveau président des États-Unis était au même moment accusé d'agression sexuelle par une ancienne collaboratrice.

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La nomination de Kamala Harris avait été acclamée de toutes parts chez les démocrates : Hillary Clinton avait parlé d'un "choix historique", Bernie Sanders d'une femme capable de "réformer la santé", tandis que de son côté, Barack Obama l'avait reconnue "plus que prête pour le job". Et chez les stars américaines, de Sarah Paulson à John Legend en passant par Charlize Theron, tous ont eux aussi avaient applaudi la décision de Joe Biden.

Première femme noire et indienne à remporter la vice-présidence 

Fille d'un père d'origine jamaïcaine et d'une mère indienne, Kamala Harris est la première femme noire et indienne de l'histoire des États-Unis à être colistière pour une élection présidentielle.

Elle est la troisième femme, par ailleurs, à représenter l'un des deux plus grands partis américains à cette fonction, après Geraldine Ferraro en 1984, et Sarah Palin en 2008.

Un choix aussi progressiste que prudent, et qui fait écho à deux événements politiques majeurs ayant eu lieu aux États-Unis ces dernières années.

D'abord, la défaite d'Hillary Clinton lors de la présidentielle de 2016 contre Donald Trump, alors que beaucoup la pensaient gagnante. Cette élection représentait un espoir immense pour l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en politique.

Deuxième événement : les élections de mi-mandat en 2018, qui ont montré une véritable avancée politique, en plaçant au pouvoir un nombre historique de nouvelles élues, dont issues de minorités, à l'image d'Alexandria Ocasio-Cortez ou encore, Ilhan Omar.

Il semblait donc logique que Joe Biden, par ailleurs accusé d'agression sexuelle par son ancienne assistante, fasse le choix, pragmatique, de nommer une femme pour l'accompagner, s'il venait à être élu.

Outre son genre, Kamala Harris a aussi été choisie pour ses origines. Avec les manifestations anti-racistes qui ont frappé les États-Unis après l'assassinat de George Floyd, l'opinion publique avait intimé à Joe Biden de choisir une femme soit, mais de préférence noire, dans l'optique qu'une "alliée" de Black Lives Matter sensibilise le gouvernement aux inégalités raciales.

Enfin, la candidature de Kamala Harris permettait, dans un objectif progressiste encore une fois, de rajeunir la campagne de Joe Biden, de 22 ans son aîné. S'il remporte les élections, il serait le plus vieux président de l'Histoire des États-Unis, à 77 ans. Son âge lui faisant perdre des électeurs, inquiets qu'il soit trop rigide, trop traditionnel, Kamala Harris vient donner un coup de frais à sa campagne. Et se pose comme intérimaire de choix si Biden vient à être malade ou diminué pendant son mandat.

En un mot, elle fait gagner à Biden une grande partie de l'électorat de gauche, bien qu'elle s'estime elle-même "centriste".

Kamala Harris, ancienne critique des politiques de Joe Biden

Et c'est sûrement pour cette raison que Joe Biden l'a choisie, en dépit du fait qu'elle l'a souvent critiqué par le passé et semblait avoir de nombreuses convictions divergentes. Même si elle était proche du fils de Biden, Beau, mort en 2015 à 45 ans, elle fut aussi l'une des grandes rivales du candidat démocrate, notamment au début des primaires.

L'administration de Donald Trump dit d'elle qu'elle aurait même qualifié Joe Biden de "raciste" lors des primaires en 2019. Une allégation fausse, bien que la candidate en lice pour la vice-présidence ait en effet été ferme lors des débats officiels avec Biden.

Elle lui a en effet reproché de s'être opposé dans le passé aux politiques de transport des enfants afro-américains vers les quartiers où la population est essentiellement blanche, dans le but de favoriser leur insertion dans les écoles reconnues.

Joe Biden et Kamala Harris, à la cérémonie où elle est devenue sénatrice, en 2017

"Cette petite fille, qui a réussi grâce à ces politiques d'intégration, c'est moi", lui avait-elle lancé, pour lui montrer qu'en n'étant pas favorable au "busing" comme on l'appelle, Joe Biden participait à la ségrégation des personnes noires et blanches à l'école. Une occasion pour elle de faire une énième démonstration de son style oratoire particulièrement incisif, qui n'a rien à envier à celui d'"AOC".

Face à ces critiques frontales de Kamala Harris envers les politiques de Joe Biden ces dernières années, le candidat républicain à sa propre succession avait dit ne "pas comprendre" comment Joe Biden pouvait tolérer et nommer une femme qui lui "a manqué de respect". Donald Trump avait par ailleurs affirmé que Kamala Harris était "opportuniste, "méchante et vicieuse" et qu'elle serait de la "gauche radicale".

Une ancienne procureure parfois controversée

Même si sa nomination est historique, Kamala Harris n'a pas toujours été la candidate progressiste qu'on vante, se montrant souvent très consensuelle lors de ses décisions judiciaires en tant que procureure. Lui sont reprochés notamment ses choix en matière de "petits délits", qui ont porté préjudice aux minorités, les noirs-américains représentant la majorité de la population carcérale aux États-Unis.

On l'accuse aussi d'avoir parfois été passive, alors même qu'elle est l'une des rares à pouvoir réformer le gouvernement américain pour qu'il soit moins élitiste. "Kamala Harris avait la réputation d'une procureure qui attendait plutôt qu'elle ne montrait le chemin, qui ne bougeait sur les sujets polémiques que lorsqu'elle voyait qu'ils étaient politiquement viables", a jugé en juillet le quotidien Sacramento Bee.

Certains de ses détracteurs disent aussi que bien qu'elle soit effectivement issue de deux minorités, raciale et de genre, Kamala Harris serait plus ou moins proche "de l'establishment", sous-entendu, de l'élite américaine.

Effectivement, contrairement à celles à qui on la compare au Sénat, Kamala Harris a la différence d'être née de deux parents ayant étudié dans de prestigieuses universités américaines, ce qui aurait facilité son insertion dans le monde politique. Son père enseigne à Stanford, université privée d'où sont issus 20 prix Nobel et où Internet est né, tandis que sa mère est une chercheuse reconnue, spécialisée sur le cancer.

Reste qu'à chacune de ses nominations et élections, elle fut parmi les premières femmes non-blanches en poste. Un exploit qu'il faut remarquer, bien qu'"historiquement, le choix d’un colistier a peu d’impact sur une élection", avait rappelé l'ancien porte-parole du parti républicain, Doug Heye.