Comme vient le "confirmer scientifiquement" une étude d'ampleur menée par une équipe de chercheur.ses du Boston's Fenway Institute et parue le 3 août 2022 dans la revue American Academy of Pediatrics, la dysphorie de genre n'est pas un phénomène de mode.

En très clair, selon ces chercheurs, on ne "devient" pas transgenre en réponse à une quelconque pression sociale ou à une volonté de s'intégrer à un groupe.

"L'idée de 'contagion sociale' a longtemps été utilisée comme argument par le mouvement anti-trans", appuie de son côté, Dazed. C’est pour contrecarrer ce discours que les chercheurs ont mené cette nouvelle étude. 

Ces travaux viennent alimenter le débat - compliqué et houleux - qui entoure la transidentité en apportant de nouveaux arguments scientifiques. Le panel étudié compte près de 200 000 jeunes américains.

Une étude pour contrer l'argument de la "dysphorie de genre à apparition rapide"

Létude de la Boston's Fenway Institute n'a pas été amorcée dans une démarche de "vérifier" des réalités : la volonté des chercheur.ses est avant tout de répondre à une autre étude, publiée en 2018 via Plos One, arguant le contraire, à savoir que les discours et la médiatisation de personnalités trans pouvaient influencer les jeunes. 

"Il s'agit de la plus grande étude à ce jour pour examiner l'hypothèse controversée selon laquelle plus d'adolescents qui ont été assignés femme à la naissance se sont identifiés comme transgender and gender-diverse (TGD) - personnes qui ne se reconnaissent pas dans le genre qui leur a été attribué à la naissance, ndlr - en raison de la 'contagion sociale'", précise un communiqué publié sur le site du Fenway Institute

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L'étude de 2018 introduisait l'idée d'un rapid-onset gender dysphoria (ROGD) - littéralement "dysphorie de genre à apparition rapide" - engendrée par la volonté de s'intégrer au groupe. Cependant l'étude n'interrogeait pas les personnes directement concernées, mais des parents d'adolescent.es ayant entamé une transition. D'après Dazed, plusieurs des 256 répondants auraient été "recrutés sur des sites anti-trans". 

"L'hypothèse selon laquelle les jeunes transgenres s'identifient ainsi en raison d'une contagion sociale ne tient pas face à un examen minutieux des statistiques et ne devrait pas être utilisée pour s'opposer à un accès aux soins médicaux réaffirmant le genre de ces adolescent.es", appuie Dr Alex Keuroghlian, l'un des auteurs des recherches infirmant cet argument de "phénomène social", dans le communiqué.

"Notre analyse a inclus 91 937 adolescents en 2017 et 105 437 adolescents en 2019. En 2017, 2,4% des participant.es ont été identifié.es comme TGD, avec un ratio AMAB:AFAB de 1,47 pour 1. En 2019, 1640 (1,6%) participants se sont identifiés comme TGD, avec un ratio AMAB:AFAB de 1,16 pour 1", explicitent les chercheur.ses. 

AMAB et AFAB sont respectivement les acronymes de Assigned Male At Birth - ou personne assignée homme à la naissance - et de Assigned Female At Birth - personne assignée femme à la naissance - comme le précise le lexique trans édité par Le Planning Familial.  

La transition de genre n'est pas une "porte de sortie" à l'homophobie

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs se sont attelés à décrypter différents arguments et idées reçues. Outre la question de la contagion sociale, ils ont étudié l’hypothèse “selon laquelle les jeunes assignés au sexe féminin à la naissance sont plus sensibles à la contagion sociale que ceux assignés au sexe masculin à la naissance", reprend le communiqué.

Pourtant, l'étude d'envergure révèle "qu'il y a désormais, aux États-Unis, un pourcentage légèrement plus élevé de jeunes trans qui ont été assignés homme à la naissance", relève Dazed.

Autre idée questionnée, qui était soulevée par l'étude polémique précédente de 2018, argue qu'entamer une transition de genre serait "une porte de sortie à l'homophobie". 

"Avancer que pour fuir la stigmatisation des minorités sexuelles les adolescents change de genre est insensé. Si l'on prend en compte l'anxiété qu'engendre ce changement et l'augmentation constante des niveaux de violence transphobe, l'affirmation selon laquelle les jeunes voient la transition comme un moyen d'échapper à l'oppression n'a tout simplement aucun sens", martèle Dr Jack Turban, co-auteur de l'étude. 

Mettre fin aux intox qui mettent en danger la vie des personnes trans

Pour illustrer ces propos, les chercheur.ses du Fenway Institute ont comparé "les taux de victimisation par intimidation et de suicide chez les jeunes TGD et chez leurs pairs cisgenres". 

Et les résultats parlent d'eux-mêmes : ces derniers étaient "nettement plus élevés chez les jeunes TGD", rapporte l'étude. "Cela ne concorde pas avec l'idée que certains jeunes s'identifient ouvertement comme TGD parce que cela les rendra plus populaires parmi leurs pairs", illustrent, une nouvelle fois, les scientifiques. 

Si ces informations n'ont de cesse d'être répétées dans l'étude, c'est parce que celle publiée en 2018 a fait beaucoup de dégâts. 

"En juin dernier, l'Agence pour l'administration des soins de santé de Floride a fait référence à des rapports citant l'hypothèse ROGD comme justification d'une nouvelle politique interdisant l'utilisation des fonds de Medicaid - programme de justice sociale américain ayant pour but de fournir une assurance maladie aux personnes les plus pauvres, ndlr - pour des soins de santé relatifs à une réaffirmation de genre", alerte l'équipe de Boston.

En parallèle, d'autres professionnel.les de santé ont salué l'initiative des chercheur.ses américain.es. 

"Ce n'est en aucun cas une nouvelle qu'être trans ne découle pas d'une 'contagion sociale', mais nous espérons que l'ampleur et la qualité de cette recherche aideront à mettre fin à certaines informations erronées constantes. L'identité trans – comme toute identité ! – peut être attribuée à un mélange complexe de facteurs génétiques, endocrinologiques, environnementaux, culturels et comportementaux. Notre compréhension du genre change de génération en génération, et nous ne comprendrons peut-être jamais complètement comment l'identité de genre se développe", a résumé Cleo Madeleine, de l'association Gendered Intelligence auprès de Dazed.