Et si on apprenait à s'adresser à soi-même avec la même bienveillance et empathie que celles que l'on offre à nos proches ? Exposée ainsi, l'interrogation paraît simple, pourtant nombreux.ses sont celles et ceux qui ne savent pas "bien" se parler

Car si la mode est au self-talk motivant, quid de la douceur ? Car un discours négatif à propos de soi-même - souvent internalisé dès le plus jeune âge - pèse lourd sur notre santé mentale. En 2012, une étude menée par l'université de Lethbridge (Canada) arguait que "la majorité de nos discours sur nous-mêmes sont négatifs et ils travaillent donc contre nous plutôt que pour nous. Ces paroles internes négatives créent des sentiments de colère, d'irritation, de frustration, de désespoir et de déception".

Le souci, c'est que nous sommes tellement habitué.es à nous flageller intérieurement qu'il peut être difficile de mettre le doigt sur ces mots silencieux. Marine Paucsik, maîtresse de conférences en psychologie clinique à l'Université Savoie Mont Blanc au LIP/PC2S, nous donne les clés pour s'en détacher.

Pourquoi nous parlons-nous majoritairement négativement ? 

Avant même de combattre cette habitude, il faut comprendre ses origines. D'après la psychologue, elle peut s'expliquer par plusieurs choses. 

"Nous évoluons dans un système politique et éducationnel basé sur la compétition et qui valorise le fait d’être exigeant envers soi-même. La société implique beaucoup de croyances : si on veut, on peut. C’est une injonction qui nous amène à avoir des propos critiques à notre propos".

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Mais plus on va exigeant.e avec soi, moins on se donne la chance de parvenir à ce que l'on veut. Dans une dépréciation constante, notre psyché en prend un coup. "D'autant qu'on n'a pas forcément conscience des pensées autocritiques, parce qu’elles sont furtives ou en toile de fond".

Et la plupart du temps, ces pensées négatives sont généralisantes. "Elles ne sont pas forcément spécifiques en rapport avec une tâche précise, mais plus focalisées sur nous-même. Après un échec, on va simplement se dire 'je suis nulle' et pas 'je n'ai pas réussi telle ou telle tâche' et cela va amener des émotions difficiles : de la honte, de la tristesse, des angoisses...", liste Marine Paucsik.

De plus, la spécialiste remarque que nous avons souvent des croyances positives sur l'autocritique (être dur avec nous-même va nous booster), et des négatives quant à la pensée positive (si je me sens fière de ce que j’ai fait, je vais prendre la grosse tête). 

Un comportement qui heurte notre santé mentale

Et au fil du temps, notre psyché sature. On peut ainsi nourrir une mauvaise estime de soi, ou encore se retrouver dans un tourbillon d'émotions qu'on ne parvient pas à traiter, car on ne comprend pas leur origine. 

"On oublie souvent que nos pensées influencent nos émotions et nos comportements. Elles donnent une couleur particulière à tout ce que l'on fait", appuie la spécialiste. "Si l'on n'apprend pas à se préserver, on rentre dans un cercle vicieux où le facteur qui nous blesse constamment n'est autre que nous-même", prévient-elle.  

Comment apprendre à se parler avec amour et bienveillance ? 

Mais alors, comment se détacher d'un schéma si ancré ? Tout d'abord, il faut du temps. "Il faut prendre de la distance. Prendre conscience que l'on n'est pas indulgent avec soi-même est la première étape, puis on s'entraîne à essayer de les modifier", recommande la psychologue.

Attention toutefois, aucune baguette magique n'existe pour supprimer toutes les pensées négatives de notre esprit. La clé est donc de développer des pensées qui seront plus utiles à notre avancée et à notre bonheur. "Pour illustrer, on peut se demander ce qu’un ami nous dirait dans cette situation ou encore inverser les rôles : si un de nos amis est face à ce dilemme, que lui dirions-nous ?". 

Quant au fake it until you make it (fais semblant jusqu'à ce que tu y arrives), ce n'est pas pour tout le monde. "Des études ont montré que, chez les personnes avec une faible estime de soi, se forcer à avoir une image positive peut avoir des effets contreproductifs. L’écart qu'il y a entre la pensée positive et la réalité amène encore plus de jugement et de honte. Il ne faut pas se convaincre, mais changer de point de vue et en essayant de pointer son attention sur tout ce dont on est fière". 

De même, il ne faut pas non plus se taper sur le dos de la main à chaque fois qu'une pensée négative envers soi nous traverse l'esprit. "C'est humain, on ne va pas culpabiliser en plus. L'idée, c'est juste de réajuster", acquiesce Marine Paucsik.

Enfin, si vous sentez que vous ne pouvez pas vous détacher de ces dernières et qu'elles vous envahissent, une thérapie brève peut aider. "On va aider à rebalancer les choses et à apaiser les ruminations", explicite la spécialiste.