Vous êtes vous déjà senti.e honteux.se d’être triste ? Ou coupable d’être en colère ? Sachez que c’est une réaction totalement normale et que ces émotions empilées ont même un nom : les méta-émotions

Le Robert définit le mot “méta” comme un “élément qui exprime la succession, le changement ou encore ce qui dépasse, englobe”. Auprès de Banner Health, le psychiatre Srinivas Dannaram le couple au terme “émotion”, pour expliciter “le reflet ou l’examen d’un ressenti ou de l'expérience émotionnelle que nous sommes en train de vivre". 

Et si ces dernières peuvent être identifiées par la personne qui les ressent à l'instant T, les spécialistes assurent que la plupart du temps, les méta émotions ne sont pas considérées comme des éléments à adresser.

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“Même si nous en avons tous connues, nous ne sommes pas familiers avec l'idée que les sentiments peuvent avoir des sentiments. Ainsi, vous remarquerez peut-être votre culpabilité mais ne l'associerez pas à votre tristesse, par exemple”, poursuit l’expert.

Tout simplement parce que, notre psyché déjà embuée par une émotion forte, ne peut que rarement conjuguer avec l'idée d'être à l'affût d'un énième ressenti à traiter. Et là est le problème. Car nombreux sont les expert.es en la matière qui alertent : il est impossible de bien réguler ses émotions, quand on fait l'impasse sur celles qui sont secondaires à nos sentiments primaires.

Mais alors, comment apprendre à les reconnaître pour ne pas qu’elles soient noyées par les autres et peut-on les supprimer, pour ne pas avoir à gérer plusieurs couches de sentiments en même temps ? 

Méta émotions : des ressentis souvent balayés qui abîment notre santé mentale

"Les méta émotions jouent un rôle vraiment essentiel pour notre bonne santé mentale", débute la thérapeute Mairead Molloy, interrogée par Stylist. Selon la spécialiste, ne pas les accepter pourrait contribuer à l'entretien d'"un sentiment dépressif, anxieux et d'un mal-être psychique général".

Également questionnée par le média anglophone, la thérapeute et coach Zoe Aston illustre la façon dont nous refoulons ces émotions secondaires. "Pour éviter d'être triste, une personne peut décider qu'elle sera toujours l'amie joyeuse. Cependant, elle finira inévitablement par se sentir anxieuse, voyant que malgré tous ses efforts pour être heureuse, elle n'y parvient pas. Ce qui la rendra triste, sans pour autant qu'elle puisse mettre un mot sur son mal-être, alors qu'elle est en train de réprimer".

Mais il est compliqué d'adresser ces ressentis plus difficiles à pointer du doigt, quand on a déjà du mal à comprendre les émotions que l'on ressent au quotidien.

"Pour beaucoup, les sentiments sont improductifs. Leur système de croyance leur dit que l'exploration, le partage et la discussion de leurs sentiments aggravent les problèmes et sont une perte de temps. Et c'est comme ça que pullulent les méta émotions : ces personnes ont généralement des sentiments inconfortables à propos de leurs sentiments. Par exemple, lorsqu'ils ressentent de la colère, ils sont déçus d'eux. Quand ils ressentent de la tristesse, ils se sentent gênés...", illustre la thérapeute familiale Elizabeth Earnshaw, pour Mind Body Green.

Des réflexes émotionnels qui prennent racine dans l'enfance

Et bien souvent, ce sont les mêmes paires d'émotions que nous ressentons. Cette spécificité répond du fait que bien souvent, ces connexions entre ressentis trouvent leur origine dans notre enfance.

"Nos émotions sont ancrées dès le plus jeune âge, avant même que notre cortex préfrontal nous permette de penser logiquement. Cela découle généralement de ce que nous enseignent nos parents, nos professeurs, nos pairs, mais aussi de ce que nous lisons ou voyons à la télévision", explicite Zoe Aston.

"Par exemple, si un enfant est triste et qu'un parent lui a dit de rejeter cette tristesse, l'enfant apprend que la tristesse doit être évitée. Cela se cimente dans notre système de croyances à mesure que nous vieillissons et la tristesse sera ainsi teintée d'une méta émotion", appuie-t-elle dans les colonnes de Stylist

Selon la thérapeute, l'enfant peut grandir et devenir un adulte qui ressentira de la culpabilité, de la honte ou de la colère, lorsqu'il sera triste. Pour autant, ces habitudes peuvent être renversées, par l'accompagnement d'un.e psychologue, la pratique de la méditation ou toute autre activité qui booste l'estime de soi.

Comment les méta émotions influent sur nos relations

Et au-delà d'abîmer notre santé mentale, ces méta émotions non-adressées fragilisent aussi nos relations.

"Lorsque je travaille avec des couples, le problème est souvent que les deux personnes sont activées par des émotions différentes en même temps", témoigne Zoe Aston.

Dans le jargon, on appelle même ce phénomène "l'inadéquation des méta-émotions". Ce dernier intervient lorsque des personnes proches réagissent à des situations similaires de différentes manières, provoquant des sentiments contradictoires et des malentendus dans la relation (professionnelle, amicale ou amoureuse).

"Les méta émotions affectent donc la façon dont nous jugeons les autres. Par exemple, si quelqu'un se met souvent en colère au travail et que vous pensez que la colère est une mauvaise émotion, vous pouvez qualifier cette personne de mauvaise. Mais, si on vous a appris dès le plus jeune âge que la colère est une émotion acceptable et utile, vous pourriez décider que cette personne est très compétente", poursuit la thérapeute.

Comment reconnaître et gérer ces émotions ? 

Mais alors, que ce soit pour notre propre bien-être, celui de nos relations ou même celui de notre prochain, comment fait-on pour reconnaître ces émotions refoulées et les apprivoiser ?

"La prise de conscience est la clé", pour Zoe Aston. "Avoir une très bonne maîtrise de votre récit autour des émotions - donc, ce qui les provoque, nldr - en particulier des émotions fondamentales comme la colère, le chagrin, la honte, la tristesse, le bonheur et l'amour, peut vous aider à apprendre à identifier quand ces sentiments sont activés et comment les gérer".

Car, traiter ses méta émotions demande de la réflexion. "Cela implique une ouverture critique sur ses propres expériences émotionnelles. Lorsque vous réfléchissez à la raison pour laquelle vous vous sentez coupable de vous sentir triste ou pourquoi vous êtes énervé de ressentir de la colère, vous reconnaîtrez que certaines réponses physiques ou psychologiques ne sont pas utiles. Ensuite, vous pourrez changer cette façon de réagir. C'est de l'auto-coaching", résume le Dr Dannaram.

L'idée serait donc de les comprendre et de les gérer et non pas de tenter de s'en débarrasser. "Tout comme travailler un muscle, travailler sur ses émotions peut nous causer de la douleur, mais en fin de compte, cela nous rend plus forts. Cela nous aide à acquérir une résilience émotionnelle et à tolérer des émotions plus complexes et plus profondes", prévient la thérapeute interrogée par Stylist. 

Et ce travail personnel ne vous sera pas seulement bénéfique. Comprendre et savoir gérer - toutes - ses émotions, c'est aussi développer de meilleures compétences interpersonnelles et résoudre plus facilement les conflits. "En portant plus d'attention à vos méta émotions, vous apprendrez à montrer aux autres comment traiter leurs émotions de manière positive", explicite Dr Dannaram.

"C’est impossible de s’en détacher, alors autant les embrasser", résume, pour terminer, la thérapeute familiale Elizabeth Earnshaw, pour Mind Body Green.