Maladroite, malheureuse, voire inquiétante… l’expression de "réarmement démographique" utilisée en janvier 2024 par le président Emmanuel Macron pour lancer son plan de "lutte contre l’infertilité" a suscité l’indignation.

Et pour cause : sa sensibilité autoritaire, presque mécaniste sonne comme une provocation envers les couples qui peinent tout bonnement à mener à bien une grossesse.

Certes, la natalité recule encore (6,6 % de naissances en moins en 2023 qu’en 2022, selon les chiffres de l’Insee). Mais "la question relève davantage de la santé publique, de la santé sexuelle et reproductive que de la démographie", comme le souligne Laurence Rossignol, sénatrice PS du Val-de-Marne, dans un article sur Public Sénat

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3,5 millions de personnes étaient touchées par l’infertilité en 2021 (rapport remis au ministre de la Santé en février 2022 par le professeur Samir Hamamah, chef du service biologie de la reproduction au CHU de Montpellier, et Salomé Berlioux, fondatrice de l’association Chemins d’avenirs). En moyenne, un couple hétérosexuel sur quatre peut être un jour concerné par des difficultés à procréer.

Comment les prétendants à la parentalité peuvent-ils mettre toutes les chances de leur côté ?

Afin de choisir les stratégies pro-fertilité les plus pertinentes, les médecins explorent les différents facteurs qui peuvent expliquer les difficultés à procréer : l’âge, la génétique, l’anatomie, l’aspect immunitaire, les hormones, le mode de vie, l’environnement. 

Sensibiliser les jeunes à la notion de réserve ovarienne

"Le premier bébé arrive quand les femmes ont en moyenne 31 ans, alors que la meilleure fenêtre de fertilité se situe entre 20 et 35 ans", explique la Dre Véronique Bellec. D’après la spécialiste en médecine de la reproduction et en médecine fœtale, pour influer sur la fertilité, il serait bon de commencer par l’éducation des jeunes, filles et garçons, pour redonner clairement une information qui semble perdue.

"Dans le programme de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) au lycée, on parle de contraception, et c’est fondamental", indique l'experte qui accompagne les couples en difficulté de procréation. Pour l'auteure de Donner la vie, Science et Magie ? (Editions Josette Lyon), on apprend qu'on peut se prémunir d'une grossesse - et c'est important - mais on n'aborde pas vraiment la question de la réserve ovarienne, regrette-t-elle. 

"Certaines littératures nous indiquent qu’une femme de 30 ans a 12% de ses réserves d’ovules et à 40 ans, seulement 3%", avance sur son site la Québécoise Marie Fortier, une infirmière clinicienne et formatrice en périnatalité qui a fondé une plateforme dédiée à la fertilité.

Mieux informer sur la pénibilité des traitements PMA 

Autre impasse informationnelle : "on propose la PMA sans évoquer forcément la pénibilité des traitements", explique la Dre Bellec. Et de citer les résultats de l’étude "Les Fécondation In Vitro (F.I.V.) en France, quel taux de réussite ?" (INED – Institut National des Études Démographiques, 2021) : en cas d’échec lors de la première FIV, 27% des couples renoncent au traitement, sans faire de deuxième essai.  Un tiers abandonnent après la seconde tentative et 42%, après la troisième.  

Selon la professionnelle de santé, on ne précise pas non plus suffisamment que dans les centres de PMA, les médecins assurent un accompagnement technique, sans toujours avoir le temps de suivre le versant émotionnel d’un processus très éprouvant, surtout pour les femmes.

"Il faut aussi communiquer de manière plus transparente sur les chances de succès, c’est à dire de naissance d’un enfant : 20% par transfert d’embryon après une FIV, 15% par insémination artificielle", complète la Dre Bellec.

La PMA* n'est pas la garantie d'un bébé au bout du parcours.

Anticiper la baisse de fertilité grâce à la cryopréservation des ovocytes ?

Jadis réservée aux femmes avec une réserve ovarienne effondrée dès leur jeune âge, ou après un traitement oncologique, cette technique est ouverte à toutes les femmes de 29 à 37 ans depuis la loi de bioéthique de 2021. Les candidates pourront utiliser leurs ovocytes jusqu’à 45 ans.

Vrai bémol, d’après la Dre Véronique Bellec : ces dernières ne savent pas toujours que pour réaliser cette action, on leur propose entre 2 à 3 cycles de stimulation des ovocytes suivis d’une anesthésie générale pour tenter de ponctionner une vingtaine de ces derniers. "Ces cycles de stimulations vont altérer temporairement mais fortement la réserve ovarienne. Il sera donc difficile d’envisager une grossesse spontanée dans les mois suivants. Par ailleurs, les chances de succès d’une grossesse par PMA après décongélation des ovocytes n’est pas énorme. L’agence de biomédecine avance une probabilité de 15% pour chaque tentative", pointe-t-elle.

"Peut-être que ces chiffres seront meilleurs dans une dizaine d’années ? En attendant, la question du projet de vie à court et moyen termes devrait être posée au moment de faire leur choix".

Changer son mode de vie pour agir sur sa fertilité

En marge des protocoles médicaux, les pros s’accordent à dire que le mode de vie est un levier majeur pour optimiser notre fertilité.

Il peut être à l’origine de bien des dysfonctionnements, comme certaines réactions auto-immunes anormales. "En priorité, il faut éviter les toxiques (alcool, tabac, cannabis…) mais aussi la chaleur au niveau des testicules. Attention aux ordinateurs sur les genoux ou le ventre et aux smartphones dans les poches : des études récentes montent que les ondes sont mauvaises aussi bien pour la spermatogénèse que pour la fécondité féminine".

On peut aussi utiliser des leviers comme l'alimentation - facteur impondérable d'une bonne hygiène de vie - et le sport. 

Chez la femme, la Dre Bellec invite à privilégier les acides gras insaturés et riches en Oméga 3 favorables au bon fonctionnement du circuit hormonal et donc, de l’ovulation. On adopte donc huile d’olive, de colza, cameline et noix (3 cuillères à soupe d’huile non chauffée par jour sont recommandées, ndlr), graines de lin, noix, poissons gras comme le saumon ou les sardine et maqueraux. Et à chaque repas des végétaux riches en anti-oxydants, en fer et en acide folique (salades, épinards, cresson, brocolis, choux...).

On modère la consommation de café et de sucres rapides pour un bon équilibre insulinique.

Des compléments alimentaires pro fertilité associant vitamines, minéraux, oligo-éléments et Oméga 3 sont aussi commercialisés par différents laboratoires. Attention toutefois à en référer à un professionnel de santé, car les compléments ne sont pas à prendre à la légère

Une bonne balance énergétique et une réserve minimum de masse grasse sont nécessaires pour maintenir des ovulations régulières chez la femme. 

L'experte évoque par ailleurs les intolérances alimentaires, comme celle au gluten, qui peuvent diminuer la fertilité en provoquant une mauvaise absorption intestinale des nutriments.

Enfin, le sport peut également être un bon outil : pour se faire il faudra respecter un bon équilibre alimentation/sport, en fuyant la pratique sportive intense. "Une bonne balance énergétique et une réserve minimum de masse grasse sont nécessaires pour maintenir des ovulations régulières chez la femme, et pour l’homme, un taux de testostérone et une qualité du sperme optimaux. Il s’agit là d’un sujet sensible, souvent insuffisamment pris en compte", éclaire la pro.

Pas tou.tes égaux en matière de fertilité

S'il existe des leviers pour tenter de maximiser sa fertilité quand on a un désir d'enfant, il faut aussi rappeler qu'on n'est pas toutes égales en matière de fertilité.  

Si la contraception hormonale peut "endormir" pendant des années, certaines femmes vont tomber enceintes 6 mois après l'arrêt de la pilule quand d'autres galèreront pendant 10 ans.

Cause potentielle : le facteur génétique qui s’explique de plusieurs manières. Exemple : l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Ces toxiques capables de mimer l’action de certaines hormones impactent plus ou moins certaines lignées. "C’est une inégalité difficile à mesurer", concède la Dre Bellec. "Parfois, nos grands-parents ont été exposés ; la perturbation se transmet via leurs gamètes à la première, puis à la seconde génération".

À tenter de bannir le plus possible de notre quotidien : pesticides, herbicides, certains plastiques alimentaires (phtalates), les colorants capillaires, les solvants, les encres industrielles, les PFAS etc.

Médicaments, gels intimes : quels risques pour la fertilité ?

Autre conseil, rester vigilant quant aux quantités de médicaments que l’on prend (attention à l’automédication). Certains altèrent la libido, d’autres la fertilité, d’autres sont incompatibles avec une grossesse. Pris en milieu de cycle, les anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’Ibuprofène ou le Paracétamol risquent d’altérer l’ovulation et la nidation.

Attention également à l’utilisation de crèmes intimes ou de lubrifiants : vérifier qu’ils ne contiennent pas de spermicides. "Même s’il est irréaliste de vouloir tout contrôler, il en va de notre responsabilité de restreindre au mieux notre exposition à ces facteurs reconnus pour altérer notre fertilité… et celle de nos descendants", prévient la Dre Bellec.

L’experte évoque également un phénomène qui commence tout juste à être documenté par certaines études au sujet de la forte baisse de la natalité en 2022 et 2023. "Certains l’expliquent par la peur éprouvée suite au choc de la crise COVID et au climat d’incertitude qu’elle a installé. Toutefois, certains collègues se posent aussi la question de l'impact du vaccin COVID sur la fertilité masculine et féminine", pointe l’experte. Cette dernière note que l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) ainsi que l'Agence Européenne des Médicaments (EMA) ont par exemple déjà reconnu l'augmentation des troubles des règles chez les jeunes femmes en lien avec les injections vaccinales COVID.

"Des études internationales interrogent actuellement l’impact de vaccin sur la fertilité", note-t-elle, mais pour l'heure pas de réponse claire à ce sujet.

Une seule certitude, pour elle : c'est une question que se posent les couples qui défilent dans son cabinet.

Cultiver la sérénité et l’intimité

Autre facteur d’inégalités : le poids de l’inconscient. "Des fratries entières n'ont aucun problème, sauf un élément isolé qui n'y arrive pas", nuance la professionnelle, qui évoque des croyances ou des peurs inconscientes (de faire une fausse couche, d’accoucher, de mourir en couches, de voir son bébé mourir à la naissance, de grossir…). "Ces enjeux psychologiques sont souvent liés à des traumatismes familiaux. Quand les examens médicaux sont bons, il est toujours temps d'analyser ces peurs avec un professionnel", rassure la pro.

Au-delà même des peurs, les rythmes de vie affectent la libido, donc potentiellement la fertilité : stress, déplacements, télétravail… 

D'autant que, cette vie à 100 à l'heure, coupe parfois les individus de leur relation à leur corps. "De plus en plus de femmes n'ont plus de relation naturelle à leur corps. Elles ne le laissent pas parler, ne l'écoutent plus", constate la Dre Bellec, pointant entre autre, l'utilisation de la pilule contraceptive qui endort le cycle naturel. "Or, la nature fait bien les choses : on éprouve généralement plus de désir au moment de l'ovulation".

Dans un désir de grossesse, la médecin recommande de revenir aux ressentis et aux élans de désir : désinstaller les applications qui nous disent quand et comment on doit faire l'amour, laisser parler son corps et faire un câlin quand on en a envie. "Votre application ne sait pas que ce mois-ci, vous avez eu une grosse contrariété qui vous a prise de court. Les chocs émotionnels perturbent énormément le cycle ovarien" illustre-t-elle. Son conseil : se donner beaucoup de douceur. 

Et ne pas hésiter à consulter si la question de votre fertilité vous taraude ou vous angoisse. Ou si vous êtes en essais sans aucune grossesse à la clé depuis plus d'un an avant 35 ans et plus de 6 mois passé cet âge.

 *Pour plus d'information sur les accompagnements médicaux liés à l'infertilité (stimulation ovarienne, insémination, PMA, don d'ovocyte, préservation des gamètes...), à écouter : le podcast "(In)fertile" de la journaliste au Monde Joséfa Lopez en 12 épisodes, disponible sur toutes les applications de podcasts.