Nous sommes désormais tous – ou presque – ultraconnectés. Une personne sur deux passe chaque jour au moins 1h30 de son temps libre sur un écran. Et une sur dix plus de 3 heures, auxquelles s’ajoute le temps de travail sur ordinateur, selon l’étude 2024 sur l’addiction aux écrans de l’Observatoire santé Pro BTP menée avec le centre de recherche de l’Institut Rafaël.

L’usage chez les jeunes est encore plus soutenu : 25% des 18-39 ans y consacrent plus de 3h de leurs loisirs. Le smartphone, qui met à notre disposition tous les contenus offerts par le monde digital, est le principal vecteur de surconnexion. Devenu un compagnon de tous les instants, il est consulté dès le réveil par 53% d’entre nous, à table par 32% et au lit par 43%, ce qui écorne notre sommeil, altère notre mémoire, pousse à l’isolement et accroît l’anxiété. Sans compter ceux qui l’utilisent même en conduisant (44%) : "ils se mettent physiquement en danger car le risque d’accident sur la route est alors multiplié par 23", souligne le Dr Alain Toledano, président de l’Institut Rafaël et de la Chaire de santé intégrative du Cnam.

Mais la menace à moyen et long terme est encore plus sournoise.

Vidéo du jour

Premiers organes touchés par les écrans : les yeux

Les équipements numériques ont du bon, mais la lumière émise par les écrans provoque une série de troubles ophtalmologiques, à commencer par la sécheresse oculaire dans la mesure où la fréquence des clignements de paupières diminue face aux écrans.

Du coup, l’œil est moins bien lubrifié. Il s’assèche à outrance, d’où des picotements, des tiraillements et une sensation de brûlure possible. Les yeux sursollicités par les écrans doivent aussi fournir beaucoup d’efforts d’accommodation, ce qui engendre une fatigue visuelle, avec son cortège de maux de tête associés parfois à des nausées. C’est ce que les spécialistes appellent le syndrome de déficience numérique.

Les rayons de lumière bleue dérèglent en outre l’horloge biologique du corps. Reçus par les yeux, "ils sont transmis via la rétine jusqu’à des noyaux cérébraux impliqués dans le synthèse de la mélatonine (l’hormone du sommeil)", explique le Pr Martine Duclos, endocrinologue et physiologiste du CHU de Clermont-Ferrand. S‘exposer à des écrans dans la soirée leurre ainsi le cerveau en lui faisant croire qu’on est en pleine journée. Résultat : "le temps d’endormissement s’allonge et la qualité du sommeil décroît", ajoute le Pr Duclos.

Une somnolence diurne, des troubles du comportement alimentaire et des problèmes cardiovasculaires peuvent en résulter. Pour l’éviter, il est préférable de fermer les écrans au moins deux heures avant d’aller au lit. Des verres filtrant la lumière bleue sont proposés chez la plupart des opticiens, mais leur efficacité reste hypothétique selon une étude de novembre 2023 de l’université de Melbourne.

L’épidémie de myopie constatée depuis quelques années chez les jeunes semble également être une conséquence de l’abus d’écrans. 

Surconsommation des écrans : des douleurs en chaîne

Rares sont les personnes qui adoptent les bonnes postures face aux écrans. Entre le siège de bureau mal réglé, l’ordinateur mal positionné et les gestes répétitifs, des douleurs s’installent peu à peu. Ces troubles musculo-squelettiques se manifestent particulièrement dans la nuque et les épaules, mais aussi les poignets, les mains, et le dos. Le coude peut également être mis à rude épreuve suite à la flexion prolongée du bras.

C’est encore pire pour ceux qui vivent le portable vissé à l’oreille : à force d’être étiré, leur nerf cubital (qui va du coude jusqu’aux doigts) s’enflamme et peut engourdir la main. Et comme dans le tennis-elbow, les douleurs sont aussi susceptibles de gagner l’avant-bras. Quant aux accros aux SMS et aux réseaux sociaux, ils s’exposent à une tendinite du tendon fléchisseur du pouce.

Pour limiter les risques, le mieux est de réduire son temps d’écrans et d’adopter les mesures de prévention qui ont fait leurs preuves. Au téléphone, le recours à des oreillettes permet de gagner en confort et d’éloigner l’écran de ses oreilles. Même si le lien entre cancer des glandes salivaires et smartphone reste controversé, mieux vaut ne pas tenter le diable. Et à l’ordinateur, un coussin d’assise ergonomique – tel Ergoccyx d’Ergotech ou support lombaire Balance On - s’avère utile pour corriger la posture, décharger les lombaires et soulager les sciatiques, les lombalgies et les cervicalgies. 

Un impact négatif sur la santé générale

"Les personnes qui font un usage intensif des écrans passent de nombreuses heures assises – ou avachies - et consacrent de fait peu de temps à l’activité physique. Ces deux facteurs combinés élèvent leur risque de maladies chroniques et de mortalité précoce", indique le Pr Duclos. Plusieurs études ont montré que les grands utilisateurs de consoles et de smartphone affichent en effet un poids supérieur à la moyenne du fait de leur sédentarité et de leur propension au grignotage. Leur risque de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, d’infarctus du myocarde, de cancer du sein ou de cancer du côlon se retrouve ainsi forcément augmenté.

"L’anxiété générée par l’addiction aux écrans induit par ailleurs une montée du taux de cortisol, l’hormone du stress, poursuit l’experte. Autrefois, cette hausse servait à réagir suite à une agression, en mobilisant les réserves d’énergie pour combattre ou pour fuir. Mais face à un smartphone, ces réserves d’énergie vont se déposer dans les artères, c’est pourquoi on voit aujourd’hui des infarctus chez des patients de 35 ans".

Il n’y a pas trente six façons de s’en protéger : se lever régulièrement pour faire quelques pas lorsqu’on travaille à l’ordinateur (au minimum toutes les deux heures) et consacrer une part importante de ses loisirs à la vie sociale et à l’activité physique.