Le combat de Marie-Hélène Lahaye pour un accouchement respecté

Accouchement les femmes méritent mieux Marie-Hélène Lahaye
Depuis 2013, Marie-Hélène Lahaye milite pour un accouchement plus respectueux. Auteure du blog "Marie accouche là", elle publie "Accouchement : les femmes méritent mieux", un ouvrage dans lequel elle délivre un message politique et féministe très à propos.

"Un bébé si je veux, quand je veux. Et comme je veux". Tel est le credo de Marie-Hélène Lahaye. Cette Belge au franc parler, juriste de formation, a ouvert son blog en 2013, Marie accouche là, pour questionner sur l'accouchement.

"Un an auparavant, j’ai eu la chance de vivre un accouchement respecté et donc de découvrir ce que sont les sensations de mettre un enfant au monde. Mais pour d’autres, ce paroxysme émotionnel, physique, toutes ces sensations extrêmes, sont perturbées par des médecins qui leur disent ‘vous devez faire ci, faire ça, vous coucher dans cette position, ne pas bouger’. Très rapidement, j’ai parlé de mon accouchement à mes amies qui m’ont racontée qu’elles n’avaient pas vécu la même chose que moi et ont confirmé cette intuition : accoucher peut être traumatisant. De fil en aiguille j’ai décidé d’ouvrir mon blog. J’ai reçu beaucoup de témoignages de femmes qui, pour certaines, parlaient de torture. Dès les premiers billets il y a eu beaucoup de partages."

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Cinq ans après, elle publie Accouchement : les femmes méritent mieux (éd. Michalon), un livre qui reprend l’essentiel de ses réflexions sur l'accouchement, ses dysfonctionnements et le (long) chemin qu'il reste encore à parcourir pour que ce moment si particulier ne soit plus vécu dans la souffrance, qu'elle soit physique ou psychologique. 

Quels sont, selon vous, les dogmes de l’obstétrique qui posent problème aujourd’hui ?

"Il y en a un qui est fondamental, c’est de penser que les femmes sont incapables de mettre leur enfant au monde elles-mêmes. C’est l’idée qui traverse toute la médecine et la société :  qu'elles ont forcément besoin de quelqu’un d’autre pour les aider à accoucher.

De là découle toute cette médicalisation, cette mainmise sur les femmes, toutes ces injonctions, croyances qu’on leur incruste dans la tête : qu’elles sont fragiles, faibles, que leur corps est inadapté, qu'elles seraient donc potentiellement dangereuses pour leur bébé et risqueraient de mourir… Forcément, recevoir ce message au moment où l’on devient mère a un impact sur sa construction en tant que telle. 

Or, c’est l’inverse. Ce que je démontre dans mon ouvrage, c’est que nous sommes des mammifères comme les autres et que l’écrasante majorité des femmes est capable de mettre son enfant au monde seule. S’il y a un accompagnement à apporter, il doit répondre à leurs besoins fondamentaux : être bienveillant, apaiser leur douleur, les soutenir face à ces émotions très fortes. 

On le voit notamment parfois dans des articles de presse qui relatent de manière un peu légère les accouchements inopinés et dont le titre est systématiquement ‘Son mari l’aide à accoucher’ ou ‘Le mari accouche sa femme’. Même dans ces moments, où il n’y a pas de figures médicales, on sous entend que les femmes ont eu besoin d’une autre personne, qui a 'tout fait', alors que non, c’est la mère qui a tout fait pour mettre son enfant au monde.. Si son mari n’avait pas été là, elle aurait tout de même accouché."

Quelles peuvent être les conséquences des violences obstétricales ou verbales vécues pendant l’accouchement ?

"On donne aux femmes une image dévalorisée d’elles-mêmes alors qu’une grosse partie du problème se trouve dans la façon dont elles ont été prises en charge.

Le syndrome de stress post-traumatique est une conséquence validée scientifiquement. Il découle d'un moment où la femme a cru qu’elle allait mourir, qu’elle a vécu l’accouchement comme une torture. D'autres sont touchées par la dépression post-partum. Il est intéressant de voir que dans les études faites sur le sujet, on s’intéresse à ce que la mère aurait comme prédisposition, ce qu’elle aurait pu vivre dans le passé, comme si l’explication se trouvait en elle. Mais on se rend compte, à travers leurs témoignages, qu’il y a deux facteurs qui reviennent très souvent : un accouchement qui s’est mal passé et un sentiment de solitude. Cette idée que ce trouble serait provoqué par l’accouchement et donc par les actes des médecins est encore quelque chose qui n’est pas admis.

Les études montrent que 50 à 80% des jeunes mères vivent un baby blues. De nouveau, aucune explication scientifique. On ne sait pas l’expliquer alors on met tout sur le compte des hormones. L’excuse bidon. Effectivement, on constate qu’il y a une variation hormonale à ce moment-là, mais les femmes retrouvent tout simplement le niveau hormonal d’avant leur grossesse. C’est quasiment intrinsèque de considérer qu’une femme est déprimée après l’accouchement. 

Lorsque l’on voit les témoignages de femmes qui ont vécues un accouchement respecté, qui se sont senties maîtresses de leurs corps et ont vécu un moment extraordinaire, on constate également que ces femmes ont très peu fait de baby blues."

Épisiotomie, péridurale, césarienne sont-elles finalement des "armes de domination des femmes" parmi d'autres ?

"Tout dépend de comment elles sont utilisées. Ce n’est pas la technique en tant que telle qui me gêne, mais ce que l’on en fait qui est à analyser.

Prenons la péridurale par exemple : si une femme la demande parce qu’elle a mal et qu'on la lui donne, c'est très bien, c’est pour cela que cette technique existe. Quand c’est pour les femmes et dans l’intérêt des femmes, il n'y a pas de problème.

Mais si c’est dans l’intérêt d’autres personnes, par exemple dans celui des soignants qui disent que c’est mieux de travailler dans un environnement silencieux avec toutes ces femmes qui sourient, sont bien gentilles et polies, cela pose question. Idem lorsque cette technique est utilisée dans l’intérêt de l’hôpital afin de gérer le flux des femmes qui accouchent et d'optimiser la rotation dans les salles d’accouchement tout en maintenant une certaine cadence. Là encore, je me questionne : où se trouve l’intérêt des femmes ?

Parfois, il arrive même que ce soit le mari qui en fasse la demande parce qu’il ne supporte pas le spectacle auquel il assiste et dans lequel il est tout a fait passif ! Il n'aime pas la voir crier, mais ce n’est pas forcément de la douleur. On crie aussi dans les montagnes russes ! C’est quelque chose qui en effet est très impressionnant et le mari, parce qu'il n'est pas préparé psychologiquement, la pousse à prendre la péridurale pour se soulager lui.

C’est pareil pour l’épisiotomie. Lorsque l'enfant est en état de souffrance fœtale, on peut y avoir recours pour accélérer la naissance et c’est très bien. Mais faire une épisiotomie de routine pour éviter les déchirures du périnée, on ne doit plus le faire."

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Comment expliquer que certaines maternités pratiquent très peu l’épisiotomie quand d’autres ont tendance à la systématiser ?

"Des maternités comme celles de Nanterre et Besançon s’en tiennent aux recommandations du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), tout simplement. Elles s’appuient sur la littérature scientifique et montrent que tous les bénéfices attendus par l’épisiotomie telle qu’elle était pratiquée pendant tout le XXème n’étaient pas démontrés. Elles ne prévient pas les déchirures du périnée, voire les aggrave, et complique la cicatrisation. Elle a des effets secondaires négatifs sur les femmes, ne prévient pas l’incontinence, la descente d’organes… Elle ne doit être utilisée qu’en cas de menaces graves pour la santé de l’enfant, et c’est une situation rarissime.

L’écrasante majorité des actes médicaux sont inutiles et même contraires au bon processus de l’accouchement. Mais on fait peur aux femmes de façon à les leur imposer, sans doute parce que les soignants ont eux-mêmes peur de beaucoup de choses.

La loi prévoit prévoit clairement qu’il faut le consentement libre et éclairé de la femme pour chaque acte médical pratiqué, donc cela signifie sans contraintes. Le consentement libre et éclairé sous entend un refus libre et éclairé, mais quand une femme dit non à un acte, les soignants n’ont pas d’autres alternatives car ils sont dans une certaine logique et face à une femme qui refuse, ils sont complètement dépourvus. Et donc ils passent outre son consentement ou lui font peur. Ce qui est illégal."

Est-on finalement tombés dans une "standardisation de l’accouchement" ?

"Totalement. Lorsque l’on voit les derniers chiffres de l’INSERM, on se rend compte que 82% des femmes ont eu recours à une péridurale, alors que dans d’autres pays on est aux alentours de 15 ou 20%.

Uniquement parce que la norme c’est d’accoucher sur le dos, avec une péridurale et une ouverture du col de 1cm par heure. Tout le monde à cette image de la femme qui accouche sur le dos, qui hurle avec tout le monde qui s’agite autour. On a l’impression qu’il n’y a que cette vision. C’est une vison très en décalage par rapport à ce que vit réellement une femme lorsqu'elle accouche.

Attention, je ne suis pas contre la médicalisation, et je ne prône pas l'accouchement naturel à tout prix. Il est évident que les femmes qui ont besoin d'une assistance médicale, environ 10%, doivent y avoir recours. Celles qui souhaitent une péridurale parce qu’elles ont trop mal doivent pouvoir y avoir recours aussi. Mais imposer cela à l’ensemble des femmes sans distinction, c’est ce qui est choquant dans le système actuel. C’est une vision très ancienne et le dernier bastion de pression sur les femmes."

Dans votre livre, vous critiquez la "position du missionnaire" lors de l’accouchement...

"La femme devrait pouvoir bouger. C'est une aberration cette position sur le dos et c'est très inconfortable. Imaginez, vous avez tout ce poids sur le ventre qui écrase les organes, empêche la bonne circulation sanguine et de respirer correctement  ! Spontanément on a envie de se mettre assise ou couchée sur le côté. Au moment de l'accouchement on les met dans la pire position qui existe. Alors on compense ça par une péridurale. Et justement, lorsqu'on vient leur faire une péridurale et qu'elle doivent s'assoir, beaucoup d'entre elles disent se sentir beaucoup mieux.

Il y a quelque chose de délirant et encore une fois on ne pense pas au confort de la femme mais à celui du médecin. Il est dans une position où il domine la femme, il est habillé, elle est dévêtue devant lui. Et tout autre position qui serait plus adaptée pour les femmes obligerait les médecins à se mettre à leur hauteur, à genoux devant la femme. Ce qui est inconcevable car on rentrerait dans un mécanisme de domination inverse. "

Faut-il finalement privilégier les maisons de naissance ou l'accouchement à domicile pour "mieux accoucher" ? 

"La prise en charge est forcément différente dans ce genre d'endroit et il y a une philosophie d'accouchement respecté. Tout est tourné vers les besoins fondamentaux des femmes. Généralement, celles qui accouchent à leur domicile sont 'chez elles' donc elles se sentent en sécurité, elles ne sont pas dans un endroit inconnu, et donc maîtresse de ce qui se passe. La sage-femme est une 'invitée' donc il y a un rapport différent entre patiente et soignant.

Ce sont des lieux qu'il faudrait favoriser, en tout cas ne pas contraindre comme c'est le cas actuellement. L'État est contre et mène une politique anti-accouchement à domicile en privant les sages femmes d'assurance par exemple. Et on ne veut pas de maisons de naissances non attenantes aux hôpitaux

L'important c'est que les femmes aient le choix de pouvoir accoucher dans le lieu qu'elles souhaitent. Qu'il s'agisse d'un hôpital, d'une maison de naissance ou de leur domicile. Il faut repenser la façon dont on accouche à l'hôpital et s'inspirer des maternités pilotes comme celle de Nanterre, qui réfléchissent à un meilleur accompagnement. Enfin, pour celles qui ont besoin de médicalisation, il n'y a pas de raisons qu'elles soient maltraitées. On peut rendre les choses plus agréables."

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