J’ai initié la première rupture amoureuse de ma vie, le 14 février 2004. 

Alors en classe de CP, du haut de mes 7 ans, j’ai coupé les ponts avec Fabian, mon amoureux de l’époque, alors qu’il venait de me déclarer sa flamme devant toute la cour de récré, en m’offrant un bracelet orné de coeurs (qu’il était allé choisir avec ses parents quelques jours plus tôt). 

Pointés du doigt par nos camarades qui criaient aux amoureux et mimaient des bisous, je lui ai simplement dit, devant toute la classe attroupée, que je ne l’aimais pas - mais j’ai quand même gardé le bracelet, pourtant trois fois trop grand pour moi. 

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Si la culpabilité m'a longtemps accompagnée, je constate finalement que je n'ai été qu'une briseuse de coeur parmi tant d'autres. Car, d’après la (très non-officielle) journée du "Red Tuesday" - les 48h avant la fête des amoureux, où l'on observerait un pic de ruptures, d'après un sondage mené par le site illicitsencounters.com et repris par The Irish Post -, il y aurait plus de ruptures aux alentours du 14 février

Saint Valentin : quand l'attention maladroite effraie l'autre 

Barbara*, 36 ans, a été de celles et ceux qui ont décidé de rompre, un 14 février. À l’époque lycéenne, elle est en couple depuis quelques mois avec son petit-ami. Et c'est le geste - quelque peu étrange - de ce dernier à la Saint Valentin, qui l’a fait fuir. 

"Il m’a offert un classeur rempli de poèmes et la moitié d’entre eux étaient à propos de son ex, qui se trouvait être l’une de mes amies", se remémore la trentenaire. 

"C’est très envahissant comme cadeau, ça peut faire un peu peur, confirme Véronique Kohn, psychologue spécialiste des relations amoureuses. Peut-être qu'en abordant son ex-compagne, il a voulu se montrer authentique, tout dire à sa nouvelle partenaire. Mais pour l'autre, ça fait beaucoup, et cette stratégie de séduction peut finalement être contre-productive".

Justement, après cette démonstration gênante, Barbara décide de mettre un terme à la relation. "Je ne me voyais pas passer outre ce moment, je ne pouvais pas continuer à le fréquenter, ça aurait été trop bizarre", sourit-elle aujourd’hui, en se remémorant l'anecdote. 

Une fête qui nous oblige à faire le point sur la relation

Parfois, la fête des amoureux est aussi perçue comme le moment de faire le point sur son couple et sur les envies futures des partenaires. C’est en tout cas comme ça que le ressent Mathieu, 26 ans. Il y a trois ans, il a ainsi décidé de rompre avec sa petite-amie de l’époque, quelques jours avant le 14 février. 

"Cette date est un stimulus et l'on ne peut pas faire comme si c'était une journée comme les autres. On est obligé de questionner sa vie amoureuse, son couple. Si l'on se sent bien dans la relation, on se célèbre, mais si l'on se rend compte que l'on n'est plus aussi heureux que l'année passée, on va avoir des pensées négatives et être rivé sur le problème, ce qui peut engendrer des décisions hâtives", analyse Véronique Kohn.  

C'est exactement ce dont témoigne Mathieu. "Je voyais mes amis en couple préparer des attentions pour leurs copines, prévoir telle ou telle chose. C’est en voyant tout ce qu’ils mettaient en place par amour que je me suis retrouvé à réfléchir sur les sentiments que j’avais envers elle", se souvient-il. 

Alors, il comprend qu’il "n’aime plus" celle qui partage sa vie depuis plusieurs mois. Et pour éviter d’avoir à "mentir" pendant la Saint Valentin, il décide de lui en parler directement. "C’est une rupture, donc ça ne fait jamais plaisir, mais je pense que le fait de ne pas avoir attendu, de ne pas avoir fait semblant avec elle, ça a été moins pire que de rompre le lendemain d’une fête où tout le monde montre à quel point il s’aime", analyse le jeune homme. 

Largué le 14 février : quelles répercussions sur le coeur brisé ? 

En effet, de l’autre côté de l’histoire, celles et ceux à qui l'on brise le cœur à quelques heures, pendant ou juste après la Saint Valentin, souffrent particulièrement. 

"Selon notre cadre de référence et nos blessures, ça peut faire plus mal qu'à d'autres moments de l'année, oui", acquiesce la thérapeute. Justement, dans un billet pour Medium, la journaliste Anggun Bawi raconte comment elle a (mal) vécu sa rupture un 14 février. 

 "C'était ce mois de l'année où l'on ne veut vraiment pas être seul. Au lieu de recevoir des roses, j'ai reçu un SMS disant que je n'étais pas assez. Être largué, ça fait mal. Mais c'est 10 fois plus blessant quand c'est fait le jour de la Saint-Valentin. Vous pensez que votre vie est finie. Personne ne t’aimera plus jamais. Il est également difficile maintenant de croire en l’amour parce que vous avez l’impression d’avoir déjà été trahi", témoigne-t-elle

Quand la Saint Valentin fait peur et nous pousse à quitter l'autre

D'autant que dans certaines situations, les personnes rompraient juste avant le jour J pour éviter de célébrer une fête qui les angoisse, financièrement comme amoureusement. D’après des recherches menées par le site de rencontre Seeking, c'est même une nouvelle tendance qui se dessine et que l'on nomme le "Cupid's Shuffle". 

"Ces personnes ont tendance à s'engager dans une danse stratégique, une manœuvre par laquelle l'une des parties choisit de rompre avant la Saint-Valentin pour éviter les attentes en matière de cadeaux et de gestes romantiques", explique Emma Hathorn, experte en relations amoureuses chez Seeking.com

Sauf qu’une fois la fête passée, ces derniers reviennent comme si la rupture n'avait jamais eu lieu. Et si cela peut s'expliquer par une appréhension de la pression financière ou sociale liée à la fête, cette manière de faire peut avoir de réelles répercussions sur le couple, comme sur la santé mentale des partenaires

"On va forcément regretter. Sur un coup de tête, on ne se rend pas compte de ce que l'on perd, par peur de l'échec ou de souffrir. Finalement, on anticipe presque la Saint Valentin, on se dit qu'on n'est pas la hauteur. On appréhende le futur en pensant à tout ce qui n'a pas fonctionné dans le passé. La Saint Valentin est un stimulus du passé", appuie Véronique Kohn.

Voilà pourquoi, même si les témoins de cet article ne regrettent pas leur choix, la psychologue recommande de se laisser du temps, pour mûrir une décision, quand celle-ci semble être précipitée par un événement (à la Saint Valentin, comme à Noël).

Enfin, si célébrer le 14 février vous angoisse, la clé est d'en parler, en amont, avec votre partenaire, pour se détacher de toute pression. "Faire le point à une période plus calme et où la comparaison est moins tentante peut aussi aider", conseille également la spécialiste.