C’est une évidence : respirer est vital pour la survie du corps. Mais cela est tout autant indispensable pour notre santé mentale.

Si des études ont déjà montré les effets du travail respiratoire sur la gestion des angoisses, de nouveaux travaux publiés dans la revue Cell viennent appuyer la conclusion selon laquelle une expiration profonde et correctement réalisée serait salvatrice pour notre psyché. En effet, les chercheurs de l’Université de Stanford ont observé que les personnes qui pratiquaient un travail respiratoire de "soupir cyclique" (quatre secondes d’inspiration et huit secondes d’expiration) pendant cinq minutes durant 28 jours ont noté une "réduction de l’excitation physiologique, une diminution du stress et une amélioration de l’humeur".

D'autant que les chercheurs ont étudié plusieurs groupes de personnes effectuant chacun un exercice de respiration ou de méditation spécifique. Les experts ont remarqué que les personnes qui pratiquaient l’expiration ont obtenu de meilleurs résultats que celles qui s’adonnaient à la pratique de la pleine conscience.

Mais comment expliquer un tel lien entre respiration et détresse émotionnelle, et s’approprier l’exercice du souffle pour combattre le stress ?

La respiration, un facteur déterminant de notre espérance de vie

Ces conclusions ne sont pas étonnantes compte tenu des explications de Jean-Marie Defossez, physiologiste et coach en respiration et gestion du stress. "Il y a une corrélation très forte entre certaines capacités respiratoires et l’état du corps dans son état de bien-être et dans son espérance de vie", avance le spécialiste. 

Des chercheurs ont d’ailleurs découvert que le facteur déterminant de notre espérance de vie, quel que soit notre état de santé, est le volume expiratoire propulsé en une seconde, qu’ils appellent FEV1.

Et pour mieux comprendre le mécanisme qui s’opère entre le souffle et le corps, il faut se focaliser sur le diaphragme, ce muscle complexe, en forme de coupole, qui sépare l’abdomen du thorax.

Le rôle central du diaphragme

C’est bien simple, "le diaphragme est au centre de la toile", avance Jean-Marie Defossez. Ce muscle est en lien anatomique avec la totalité du corps : dès qu’un élément dysfonctionne, il dysfonctionne lui aussi.

En situation de stress, cette cloison ne parvient pas à se relaxer. "Le mouvement de montée et de descente du diaphragme est très petit dans ces cas-là, et cela donne une ventilation suffisante pour la survie, mais pas optimale, car notre mouvement respiratoire est bridé et se bloque au moment de l’inspiration", détaille le physiologiste.

En effet, l’expiration est un mouvement respiratoire qui n’est possible qu’en cas de relâchement. Dans le corps, lorsque le diaphragme est relâché au maximum, "il arrive aux mamelons et descend à deux centimètres sous les côtes les plus basses", explique Jean-Marie Defossez. En état de stress, le muscle s’abaisse et reste bas, en pressant les viscères, les intestins, le foie ou encore les organises génitaux féminins.

Alors, "à force d’être sous pression, cela met le corps dans un état de compression physique et psychique", ajoute notre expert.

De l’art de renouveler l’air dans ses poumons

Les bienfaits de l’expiration se jouent aussi sur la capacité des individus à vider l’air qui se trouve dans leurs poumons. Lorsque notre corps fonctionne poumons vidés, les tensions disparaissent, "et le cerveau va comprendre que c’est son corps, mais dans un état de détente profonde", explique Jean-Marie Defossez.  

À l’inverse, si une personne respire avec les poumons pleins, le cerveau va se lier à un corps stressé. En effet, notre expert nous explique que des chercheurs ont observé l’influence de la respiration sur notre psychisme, notamment la conscience de soi.

Ainsi, si nous sommes capables d’expirer correctement avant de remplir à nouveau nos poumons, tout va bien. Mais si nous reprenons de l’air alors que nos poumons sont encore pleins, l’air ne se renouvelle pas. En clair, en période de stress, les poumons restent pleins et notre capacité de vidage pulmonaire se réduit.

Une connexion insoupçonnée entre le souffle et le cerveau

Le lien qui s’établit entre la respiration et le cerveau est une donnée particulièrement utile dans la compréhension des effets du souffle sur le stress.  Lorsqu’on ne va pas bien, il est alors possible de tromper son cerveau, car "en respirant comme si on allait bien, le cerveau va croire qu’on est relâché et fonctionner autrement", indique Jean-Marie Defossez.

C’est là qu’intervient d’ailleurs le nerf vague, un nerf très long qui parcourt l’organisme du crâne à l'abdomen, et dont le rôle dans la gestion du stress a déjà été prouvé dans plusieurs travaux.

De leur côté, les chercheurs de l’Université de Stanford ont observé que les expirations plus longues stimulent ce nerf de manière à réduire les réactions de stress, de lutte ou de fuite au niveau physiologique.

Stress : quels exercices d'expiration pratiquer pour le combattre ?

Ainsi, si l’on veut agir contre le stress, il convient d’améliorer sa capacité d’expiration en travaillant sur le diaphragme. Des cours de respirologie existent d’ailleurs pour tenter d’y parvenir. Cette méthode douce pour calmer le stress s’est installée en France depuis quelques années et améliore le bien-être et la maîtrise des émotions.

"Elle consiste, par des exercices simples, à apprendre à maîtriser sa fonction respiratoire", explique Agnès Stacke-Overli, thérapeute psychocorporelle, à Ouest-France. "Ainsi, on prend le pouvoir sur son corps et on sait mieux gérer ses émotions, ses effets, ses sensations."

Coach en respiration, Jean-Marie Defossez met par ailleurs en garde contre certains mythes autour des techniques respiratoires, notamment autour de la stimulation du diaphragme. "On ne le libère pas en le massant ou en appuyant dessus", lâche-t-il. De bonnes sensations pourront se faire sentir pendant dix minutes ou une demi-journée seulement. Mais cela demande un long travail, notamment sur le psychisme de la personne, pour comprendre déjà d’où vient le stress ressenti".

Au quotidien, il est bon d’avoir une routine qui nous permet de repartir à zéro et de balayer les crispations que se sont installées au fil des jours. "Si vous faites des expirations profondes avec des postures d’étirements, ça peut changer une journée", assure Jean-Marie Defossez.

Pour l’expert, le meilleur moment pour travailler son souffle est au réveil. À ses yeux, le mouvement le plus optimal est de bâiller en s’étirant : on déploie la cage thoracique et on la laisse ouverte au moment de l’expiration.Ce physiologiste fait également pratiquer le "souffle des dieux", un exercice qui libère le diaphragme, abaisse le sternum et restaure l’ouverture de côtes basses.

En pratique, il s’agit d’abord de réaliser l’expiration en "chaud" : bouche grande ouverte, expirez tout l’air possible, sans à-coups, en éloignant les mains de votre corps. Ensuite, passez à l’expiration en "froid", lèvres rapprochées, comme pour refroidir un aliment, et expirez de la même manière, tout en levant les mains vers le ciel.

Ces deux exercices passés, inspirez de la façon la plus sonore possible, en faisant bruisser l’air entre les lèvres, les joues creusées. Aspirez le plus possible. Recommencez enfin les deux premiers exercices et finissez cette fois par un relâchement zen, en inspirant tranquillement la bouche fermée et la nuque parfaitement relâchée.

Jean-Marie Defossez rappelle que ce type d’exercice est particulièrement efficace au quotidien pour se sentir mieux. Il explique d’ailleurs systématiquement aux personnes qu’il rencontre et à qui il apprend ces gestes que "si vous faites cela chaque jour, vous prendrez soin de vous".