J’avais toujours considéré l’obéissance et la politesse comme des qualités, voire des vertus. Jusqu’à ce fatidique après-midi de juillet où je me suis rendu compte que ma droiture dépassait les bornes des limites : lors d’un arrêt sur une aire d’autoroute, j’ai préféré manger debout. La raison ? Les tables - vides - de la terrasse n’étaient autorisées que pour celles et ceux qui avaient acheté leur repas sur ladite aire. Je ne vous raconte pas le regard ahuri de mon cher et tendre qui m’observait à distance, bien installé sur sa table de pique-nique.

Depuis ce jour, j’ai commencé à lister toutes les fois où j’ai flirté avec la loi pour voir si mon obéissance n’était pas maladive. Spoiler : si. La première fois, vers 5 ou 6 ans, j’ai volé une gomme en forme de chat, dans un grand magasin à Caen. La peur m’avait envahie et j’avais tenu trois secondes avant d’avouer mon larcin à ma mère, qui m'avait ramené illico presto dans le rayon pour m'excuser auprès de la vendeuse. Grosse honte. Plus tard, quand j’étais adolescente, j’ai accompagné des amis dans un parc - fermé - la nuit : il fallait grimper au-dessus d’une grille pour entrer. Je suis restée perchée en haut de la grille, comme figée, incapable de défier la loi. Ridicule. Et une autre fois, j’ai fraudé une fois les transports en commun et me suis effondrée en larmes dans les bras d’un agent de la RATP avant même qu’il me demande un titre de transport. En dehors de ces anecdotes ? Rien.

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Non, non, jamais, je n’oserais

Evidemment que durant mon enfance et mon adolescence, j’ai désobéi à mes parents, mais en dehors du petit cercle familial, non. Aucun cours séché. Pas de bulletin trafiqué. Et depuis, ce sens de la justice complètement démesuré m'est resté. Je ne passe jamais à la caisse prioritaire du supermarché, parce que je ne suis pas prioritaire. Je ne m’assois pas aux places réservées dans le bus, même quand il est vide. Je ne sors jamais dans la rue avec mon verre, même quand le barman ne dit rien. Et je traverse toujours sur le passage piéton, quand le petit bonhomme est vert. Toujours. Même quand le passage piéton est à 800 mètres et que la rue est déserte. Pour moi, ça me semble normal, mais pour mes proches c'est devenu un running gag. 

“Si vous demandez à un échantillon de personnes ce que leur évoque l’obéissance et le respect des règles, vous aurez très sûrement en retour des règles héritées de l’enfance, familiales ou provenant de l’éducation”, commence Aurore Le Moing, psychothérapeute en région parisienne. Selon elle, le respect des règles fait référence aux premiers apprentissages. Ces premiers apprentissages commencent très tôt, aux alentours de deux ans et la célèbre période du “non” et poursuivent, se développent et se multiplient, jusqu’à l’âge adulte. “Soit on nous a expliqué pourquoi faire ceci ou cela et respecter certaines règles tout en gardant un esprit critique et auquel cas, nous avons compris l’intérêt de s’y soumettre. Soit, on a appliqué bêtement des codes, sans y réfléchir réellement”, expose la spécialiste. D’autres enfin ont appris à respecter certaines règles, et en défier d’autres, parce que leur esprit critique était suffisamment aiguisé pour savoir quelles étaient les règles utiles pour la société et celles qui étaient vaines. La chance. A l’âge adulte, que se passe-t-il ? En réalité, on applique simplement ce qu’on a appris et retenu de notre éducation, en modérant avec notre propre expérience.

Mon incapacité latente à ne pas sortir des clous serait donc héritée de mon enfance. Finalement, cette histoire de petite gomme chat m'a peut-être beaucoup plus marqué que je l'imaginais. Ou alors je manque d'esprit critique, mais je connais cette théorie et non, je n'y crois pas. Au final, je pense surtout que je manque d’entraînement. Sauf au Uno. Parce que oui, en fait, j’ai appris à ne pas respecter les règles, mais juste aux jeux de cartes.