“Un jour je me suis éveillée. Les enfants étaient de moins en moins dépendants, le boulot de moins en moins excitant et moi bien vide”, écrit Emmanuelle, sur son blog personnel “Parler de Ma Vie”* en 2015. A 40 ans, cette maman parisienne a vécu une remise en question totale. Une “crise de milieu de vie” si l’on en croit la théorie Jungienne et les manuels de psychologie. Ce que certains appellent - à tort - la crise de la quarantaine ou de la cinquantaine, toucherait ainsi tout le monde, avec plus ou moins d’intensité. Souvent d’ailleurs, on traverse cette période sans trop de tumultes. Une étude américaine publiée dans les années 90, montrait que seulement 8% des personnes entre 45 et 55 ans était touché.

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“Au cours de notre vie, nous traversons plusieurs étapes, passages ou crises”, explique Aurore le Moing**, psychothérapeute en Ile-de-France. Avant de détailler, “cela commence dès les premiers mois avec la période du “non”, puis continue avec le complexe d’Oedipe, une période de latence qui va ensuite nous conduire jusqu’à l’adolescence. Une seconde période de latence nous emmène ensuite jusqu’à la fameuse crise de milieu de vie”. On passe aussi parfois entre temps par une autre période de doute, celle du quart de vie qui semble prendre de l’ampleur chez les trentenaires d’aujourd’hui.

Besoin de rien, envie de rien

Lors de sa crise, Emmanuelle explique qu’elle a connu une période de doute invivable. Façon Voltaire en plein “Désastre de Lisbonne” : “Que suis-je, où suis-je, où vais-je, et d’où suis-je tiré ?”. “J’avais l’impression de n’être à ma place nulle part”, écrit-elle. Selon Helen Monnet, auteure de l’ouvrage “Bienheureuse Solitude ou l’art d’être unique”***, c’est durant cette période que “la plupart des personnes connaissent de nouveaux bouleversements psycho-corporels (ménopause, andropause), où chacun va devoir faire face à une révolution qui l’amènera à des changements radicaux.

Une révolution qu’Emmanuelle, la maman parisienne, raconte en détails sur son blog. “J’ai tout remis en question, je me suis cherchée, j’ai pleuré [...] J’avais envie de superficialité. De m’imaginer dans d’autres bras, d’autres pays, d’autres envies.” Une quête de nouveautés et de changements que Aurore Le Moing explique aisément. “Le constat est assez facile à faire. Quand on arrive à 40, 50 ans, notre environnement a changé, beaucoup d’entre nous sont en couple ou mariés, ont des enfants, commencent à voir leur propres parents partir, les choses avancent et de ce fait nous devenons plus conscients de la durée de la vie, de notre vie, de celle de nos proches, car forcément plus on vieillit, et plus nous sommes confrontés à la mort [...] Ces changements, ces obstacles vont amener un questionnement sur les choix que nous avons faits, sur les décisions que nous avons prises et aussi, le plus important il me semble, sur notre propre bonheur à cet instant de notre vie.

Faire le bilan, calmement

La crise de milieu de vie, qu’elle débarque à 40, 45 ou 50 ans, a la même vocation. Elle pousse chaque individu à faire le bilan du chemin parcouru et surtout de voir si les projections et les rêves de nos 20 ans se sont réalisés, et si c’était vraiment la bonne route à prendre. Chaque crise dépend forcément de la personne qui la vit, mais on peut tirer vraisemblablement six domaines qui sont touchés : les enfants, les parents, le domaine professionnel, le couple, et le sens de la vie. “Pour moi la différence entre ceux qui surmonteront ce passage sans trop de difficultés et ceux pour qui la crise va s’avérer assez difficile, vient des choix que nous avons fait et de la réflexion que nous avons eu - ou pas justement- , sur nous-mêmes”, complète Aurore Le Moing.

A-t-on des regrets ? Des remords ? D’autres rêves ? “Je suis convaincue que la crise du milieu de vie intervient parce que l’on n’a pas assez pensé à soi, à ses choix, à ses envies, que l’on a avancé sur un chemin, plus ou moins tracé, sans prendre le temps de se poser les questions essentielles”, ajoute la psychothérapeute.

Le bout du tunnel

Si chaque crise est intime et personnelle, sa fin l’est également. Pour Emmanuelle, cela s’est fait avant tout par de l’échange. “J’ai parlé, beaucoup. Moi qui avais pour habitude d’écouter, de soutenir, de m’oublier, j’éprouvais le besoin de mettre des mots sur des émotions trop souvent enfermées [...] Et puis un jour au bout du chemin, un beau matin, un poids est parti. Je ne sais pourquoi ni comment mais le ciel s’est éclairci. L’horizon était bienveillant et j’ai repris le cours de ma vie, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, mais tellement moi”.

* Parler-de-ma-vie.fr

** Aurore Le Moing, psychothérapeute en région parisienne

*** “Bienheureuse Solitude ou l’art d’être unique”, de Helen Monnet, Ed. Larousse, 16,95 euros