Elles travaillent, et pourtant, elles sont pauvres. Les femmes actives forment le gros des troupes(1) parmi les 10% de salariés les plus précaires. Elles occupent la très grande majorité des emplois à temps partiels ainsi que des CDD et intérims, mais sont en revanche sous-représentées parmi les cadres et les PDG. Mais qu’est-ce qui les conduit dans cette situation? s’interroge l’ONG Oxfam dans un rapport révélé ce lundi 17 décembre. Un texte qui formule des recommandations que Marie-Claire vous dévoile en avant-première.

«Les femmes ont tendance à être concentrées dans les mêmes métiers et secteurs où la rémunération est basse et, au sein d’un même secteur, elles sont moins représentées dans les emplois les plus rémunérés ou les plus qualifiés», explique Oxfam. Elles sont en effet concentrées dans 12 familles professionnelles, sur 87 au total. Les métiers du «soin», notamment: assistantes maternelles, aides à domicile, aides ménagères, où travaillent 95% de femmes. Des jobs mal payés, car ils furent longtemps considérés comme étant «gratuits» et relevant d’un prétendu «rôle naturel» des femmes.

D’autres stéréotypes concourent à rejeter les femmes dans la pauvreté. Selon une enquête de l’Ined effectuée en 2005, et citée par Oxfam, la moitié des Français pensent que « l’activité de la mère peut être une souffrance pour un jeune enfant ». Et presque autant considèrent que «pour une femme, la famille est plus importante que la vie professionnelle». Autre facteur: l’inégal partage du travail domestique. Sur une journée, les femmes consacrent en moyenne 3h26 par jour aux tâches domestiques(2) contre 2h pour les hommes.

Plan d’attaque

Pour corriger ces inégalités, Oxfam a élaboré un plan d’attaque en sept points qui s’en prend à plusieurs murs de la forteresse: congé paternité obligatoire, budget «sensible au genre», sanctions pour les entreprises qui discriminent.... Pour limiter le temps partiel subi, dont se plaignent de nombreuses femmes(3), Oxfam recommande d’encadrer les dérogations à la durée minimale de 24 heures hebdomadaires(4). Les entreprises ne pourraient plus octroyer de temps partiel en dessous d’une durée plancher de 17,5 heures par semaine.

Reprochant à la loi sur l’avenir professionnel, adoptée cet été, d’avoir été «vidée de sa substance» (plus de «logiciel renifleur» pour débusquer les inégalités de salaire entre femmes et hommes, mais un index avec cinq critères qui permet d’octroyer une note) Oxfam propose de «publier les écarts de salaires par quartile dans l’entreprise», et par genre. C’est-à-dire le niveau de salaire au-dessous duquel se trouvent les 25% de femmes et d’hommes salariés les moins bien payés, puis le niveau des 50% les mieux payés et enfin des 75% les mieux payés. «Il pourrait aussi être envisagé de retirer certains avantages aux entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d'égalité salariale», ajoute l’ONG.

Pour revaloriser les métiers non-mixtes, l’organisation estime que les négociateurs et négociatrices des branches professionnelles devraient être amenés à réviser les classifications dans un sens plus juste. En payant de manière identique, par exemple, un directeur financier ou une directrice des ressources humaines. Une assistante de direction (titulaire d’un BTS tertiaire) ou un technicien (BTS électrotechnique). Pour ce faire, Oxfam propose, entre autres mesures, la formation obligatoire de ces négociateurs aux enjeux d’égalité femmes-hommes, à travers le guide du Conseil supérieur à l’égalité professionnelle (CSEP). Au Québec, une telle stratégie a permis une augmentation de 6% du salaire des femmes.

(1) Rapport DARES n°16, mars 2012 - Ministère du travail 

(2) « Données détaillées de l’enquête Emploi du temps 2009-2010 », Insee Résultats, n°130 Société, juin 2012
(3) Centre d'observation de la société, "Le temps partiel reprend, lentement, sa progression" - janvier 2017
(4) LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi