À 86 ans, Dolores Huerta n'a rien perdu de son énergie pour défendre les droits des femmes, devenant même une icône militante et influente. Récemment, au festival de Sundance (festival américain de cinéma indépendant), Carlos Santana a présenté un film documentaire sur son parcours. De quoi lui donner sa place dans l'Histoire, elle qui a inspiré le fameux "Yes We Can" de Barack Obama.

Comme Dolores Huerta l'expliquait à l'AFP, le rôle des femmes dans l'Histoire est trop minimisé :

La participation des femmes dans l'Histoire doit aussi être reconnue, j'espère que ça incitera d'autres femmes à s'engager.

Mais Dolores Huerta n'est pas que féministe, elle est aussi écologiste, contres les armes à feu, fervente défenseuse des travailleurs agricoles et représentante de la communauté latino aux États-Unis.

Dolores Huerta, un modèle pour la communauté latino

Descendante d'immigrés mexicains, élevée par une mère célibataire pendant la Grande Dépression, elle est une représentante de l'évolution de la population américaine. Elle a grandi dans une famille qui prônait la diversité culturelle, et on lui a transmis les valeurs du partage et de la tolérance qui l'ont poussée à réfléchir sur les droits civils, comme elle aime le raconter.

"Quand nous parlons de forces spirituelles, je pense que les femmes hispaniques sont plus familières avec les forces spirituelles. Nous savons ce qu'est le jeûne et cela fait partie de la culture. Nous avons le sens des relations et le sens du sacrifice."

dolores huerta eva longoria
Gimini/ABACA

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Le décor est planté. Dolores Huerta est une force tranquille, entre douceur et détermination. Et son activisme communautaire commence très tôt, alors qu'elle est étudiante, quand elle subit de nombreux préjugés raciaux. Ses origines hispaniques l'ont convaincue que des choses devaient changer dans la société, qu'on ne pouvait plus connaître une telle discrimination. Son combat pour les droits des latinos a été son premier combat.

Dolores Huerta et les droits fondamentaux pour les travailleurs agricoles

Cette lutte est liée à son combat pour les droits des latinos. Co-fondé dans les années 60 par Dolores Huerta et César Chavez (dirigeant du centre d'aide communautaire de Stockton), l'Union des travailleurs agricoles (UFW) consiste à lutter pour les droits fondamentaux des travailleurs agricoles : de l'eau, une assurance-chômage, des toilettes, des pauses, un salaire minimal. Autant d'éléments qui nous paraissent normaux aujourd'hui, mais pour lesquels elles s'est battue.

Entre grèves, marches spectaculaires, discours, boycott, Dolores Huerta a organisé avec Chavez une vraie révolte et a prouvé sa force de militer à ceux qui en doutaient encore. Un combat qui lui est certainement venu de son père, Juan Fernandez, travailleur agricole engagé.

C'est alors qu'un slogan devenu emblématique est né : "Si si puede" (emprunté par Barack Obama pour le slogan de sa campagne de 2008 : "Yes We Can"). Grâce à son engagement, les travailleurs agricoles disposeront de plus de droits, dont une réduction de l'utilisation des pesticides et une nouvelle assurance maladie.

Dolores Huerta et le sens du sacrifice

Dolores Huerta est mère de 11 enfants dont le premier est né lorsqu'elle avait 17 ans. Une preuve formidable qu'on peut allier vie professionnelle et vie privée, sans jamais oublier ses engagements. Son implication forte pour faire évoluer la société, elle l'a transmise à ses enfants, nés de trois pères différents.

Autre preuve de courage : Dolores Huerta n'a pas disposé d'une éducation riche, ni d'une scolarité "modèle". C'est ainsi qu'elle reprend ses études, alors qu'elle est déjà mère, pour devenir professeur. Elle partira ensuite enseigner à l'Université du Pacifique, en Californie. Quelques années plus tard, elle crée un groupe de travail, toujours basé sur l'engagement : la Community Services Organization, consistant à se battre contre la ségrégation et les discriminations. Le tout comme un point de départ à tous ses combats, notamment son féminisme.

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The Washington Post / Contributeur

Dolores Huerta contre les violences policières et les armes à feu 

Arrêtée plus de vingt fois suite à ses nombreuses présences dans les manifestations, Dolores Huerta puise la force de ses combats dans son vécu.

En 1988 à San Fransisco, elle est passée à tabac et grièvement blessée par la police lors d'un rassemblement contre la politique de George Bush Père. Elle en sortira avec six côtes cassées et la rate perforée. Largement décrié par la population américaine, ce débordement mènera à un changement : le règlement de la police de la ville finit par être modifié, et le contrôle de discipline des agents de sécurité est renforcé. 

Vingt ans plus tôt, elle se tenait sur un podium aux côtés de Robert Kennedy, quelques minutes avant son assassinat. Autant d'éléments qui la font entrer dans l'histoire. Ces épisodes la marquent profondément, mais elle persiste sans aucun doute. Voyant l'horreur sous ses yeux, elle en tire un engagement très féroce : lutter contre la violence policières et contre les armes à feu. 

Dolores Huerta, féministe infatigable

Comme toute grande féministe, son engagement est venu de sa mère, déjà très impliquée dans la défense des droits des femmes.

La personne dominante dans ma vie est ma mère. Une femme intelligente et douce.

Infatigable militante, Dolores Huerta est carrément devenue une icône de l'Amérique, adoubée par les plus grandes personnalités du pays. Pas avare de bonnes "punchlines" qui marquent les esprits, elle dit sans détour qu'on ne considère pas assez les femmes et le rôle qu'elles ont à jouer : "J'appelle ça l'Hys-toire (allusion à l'hystérectomie), l'opération consistant à enlever l'utérus."

Démocrate, elle a soutenu Hillary Clinton et n'est qu'au début des manifestations et autres réunions de formation pour contrer les prochaines initiatives de Donald Trump. Avec son arrivée au pouvoir, l'administration revient sur de nombreuses conquêtes féministes, notamment le droit à l'avortement.

Les plus grands l'admirent et s'en inspirent, notamment Barack Obama qui lui a remis la médaille présidentielle de la liberté en 2012. Mais sa reconnaissance auprès des dirigeants n'est pas nouvelle : en 1993, elle recevait la médaille de la liberté Ellis Island et intégrait le National Women's Hall of Fame de Seneca Falls. Cinq ans plus tard, en 1998, elle recevait le prix Eleanor Roosevelt, et en 2002, le prix Puffin.

dolores huerta barack obama
Alex Wong / Employé

La consécration de son militantisme, c'est peut-être ce documentaire qui lui est dédié, présenté au Festival Sundance. À propos de la mise en avant de ses nombreux combats, elle aura une réaction : déplorer que tout ceci soit encore d'actualité : "C'est la nature des luttes : deux pas en avant, un pas en arrière, mais il faut continuer."

Et de poursuivre :

Manifester ne sert à rien si ça ne se traduit pas en votes.

Jane Fonda la qualifie d'icône, c'est peut-être bien le cas...