La France serait-elle dans le déni ?

Interviewée par le site lexpress.fr, la réalisatrice Amandine Gay révèle à quel point il est toujours aussi difficile d'être noire en France, même en 2016. Dans le pays des Droits de l'Homme et de l'école publique et laïque qui donne sa chance à tous, il ne vaut toujours mieux pas naitre "noire " semble t-elle dire.

La jeune femme  militante a d'ailleurs décidé d'émigrer au Canada à Montréal, pour pouvoir travailler sans être considérée comme une noire plutôt que tout simplement comme une femme.


Je suis partie là où j'ai une chance que mes films soient produits. Là où on ne questionne pas constamment mon point de vue de femme noire.

Et d'ajouter que lorsqu'elle était comédienne, elle en avait "assez des rôles stéréotypés qu'on me proposait: droguée, prostituée, migrante, fille qui sort de prison; marre qu'on me demande de prendre l'accent africain ou antillais."



Noire et "méritante"

Ancienne étudiante à Science Po,  Amandine Gay raconte que son statut de "noire" commence dès l'enfance avec les premières remarques désobligeantes auxquelles on fait "faire la sourde oreille" pour ne pas passer pour une rabat-joie:


Oh ça va ! C'est juste un con, tu es trop émotive.



Puis étonnamment sa couleur foncée aurait tendance à pâlir, voir devenir transparente, avec un parcours d'étudiante banlieusarde qui ne correspond pas aux clichés des filles "noires" en rupture scolaire.
 


Une vraie fille noire, selon l'image véhiculée par les médias, c'est celle de Bande de filles." explique t-elle à lexpress.fr

Vidéo du jour

Amandine Gay et "ses amies", n'ont pas leur place dans l'imaginaire collectif. Bardées de diplômes, elles ont pourtant bien du mal à se faire une place dans le monde du travail.

"Avoir un job mal payé et vivre en banlieue n'est pas nécessairement lié à un manque d'éducation. Pendant mes études à Sciences-Po, je faisais de la mise en rayon dans les supermarchés, la nuit. Comme moi, la plupart de ceux qui faisaient ce job étaient des jeunes des minorités, tous étudiants."





Un documentaire qui "ouvre la voix"

Présenté sous forme de récit, à la fois sensible et juste, le documentaire donne la parole à 24 femmes. Toutes en commun d'avoir été sans cesse renvoyées à leur couleur de peau, qu'il s'agisse de leur parcours ou de leur quotidien.

Une chance que ce film voit le jour après de trois ans d'obstination...

"Sans soutien du CNC, j'ai dû faire appel au financement participatif, une solution très précaire." Diffusé le 17 décembre à Bruxelles, le film a fait salle comble.



"Ouvrir la voix" est diffusé ce soir et demain au cinéma La Clef à Paris (34 Rue Daubenton - 75005)

Extraits d'interview recueillis dans le site lexpresse.fr