Interview

Qui est Megan Northam, la nouvelle graine du cinéma français à l'affiche de Pendant ce temps sur Terre ?

Révélée dans la série Salade grecque de Cédric Klapisch, Megan Northam tient aujourd'hui le premier rôle du nouveau film de Jérémy Clapin, Pendant ce temps sur Terre. Une science-fiction habitée et rafraichissante, à l'image de sa comédienne.
Megan Northam dans Pendant ce temps sur Terre
© ONE WORLD FILMS / CARCADICE / FRANCE 3 CINEMA / AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINEMA

Avec sa grâce brute et son naturel pétillant, Megan Northam est de ces actrices qui donnent foi en l'avenir du cinéma français. Pourtant, le cinéma n’avait rien d’une évidence pour la jeune femme. Elle le dit elle-même : “actrice, ce n’était pas un métier que je voulais faire quand j’étais petite.” C’est avec cette même franchise radieuse qu’elle nous avoue d’ailleurs ne pas avoir grandi avec la télévision à la maison. Enfin si, elle avait la télévision, mais celle-ci dormait “dans un placard bien comme il faut” durant la semaine et ne sortait que le dimanche, jour de fête où Megan et ses sœurs avaient le droit de visionner une cassette VHS ou un film sur la chaine d’Arte. “Parfois, on réussissait quand même à regarder Ford Boyard”, confie-t-elle, entre deux rires. Aussi, lorsque ses parents lui proposent de prendre des cours de théâtre, c’est toujours un avec un “non” ferme qu’elle décline. À la place, Megan Northam s’essaye à d’autres activités allant de la musique à la danse en passant par l’athlétisme. “Mais peut-être que j’étais dans le déni, je ne sais pas trop…”, nuance l'artiste, quelques secondes plus tard. “Mon père est scénographe pour le théâtre et l’opéra et je me souviens que j’adorais aller voir ce qu’il se passait dans les coulisses, auprès des costumières et des couturières. Mais dès que je croisais un acteur, j’étais au bout de ma vie. Je les trouvais tellement impressionnants.”

Le déclic ? Il est apparu progressivement, au fil d’une poignée d’expériences marquantes ayant nourri le désir, la curiosité et la confiance de la jeune femme. Parmi ces temps forts, ou ces piqûres de rappel qui lui font dire “n'oublies pas que tu aimes le cinéma” comme elle aime le dire, il y a la découverte de Barry Lyndon de Stanley Kubrick. “Comme le film est très long, j’ai eu le temps d’analyser ce qu’il s’y passait, de vraiment regarder les décors et les costumes”, nous explique Megan Northam. Elle cite ensuite La Belle et la Bête de Jean Cocteau, qu'elle voit au Cinématographe, un cinéma d'art et d'essai où sont régulièrement organisées des sorties scolaires. “Ce film m’a un peu traumatisée, mais ça reste une expérience forte. Après ça, j’ai voulu comprendre comment le cinéma pouvait provoquer de telles émotions.”, raconte-t-elle. Au collège, Megan évoque les cours d’analyses filmiques de son professeur de français, avec qui elle est par ailleurs toujours en contact aujourd’hui. “C’était clairement hors-programme, mais c’était génial !”, relate-t-elle. Plus tard, l’adolescente choisit de rythmer ses années lycées avec une option cinéma. Alors qu’elle n’est pas considérée comme “bonne élève” par le corps enseignant, ce sont ces fenêtres de liberté d’expression et de créativité qui vont lui donner la confiance nécessaire pour avancer et s’affirmer vers l'âge adulte. “Le système scolaire repose sur des notes et des comparaisons entre les élèves. Je n’aimais pas le fait qu’on nous classe avec d’un côté, ceux qui allaient y arriver dans la vie, et de l’autre ceux pour qui ça ne serait pas le cas.”

© ONE WORLD FILMS / CARCADICE / FRANCE 3 CINEMA / AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINEMA

Le regard des autres et les premières validations

Aujourd’hui âgée de 29 ans, Megan Northam remet justement en cause ces aprioris avec un parcours qui montre qu'il n'y a jamais qu'un seul chemin pour s'accomplir et “réussir sa vie”, si cela fait encore sens. En jouant dans des films de son lycée, mais aussi dans le court métrage Nous ne serons plus jamais seuls de Yann Gonzalez, elle s'expose pour la première fois à l'exercice d'être filmée et s'avère y être plus à l'aise qu'elle ne le pensait. Elle raconte : “On me faisait remarquer que j’étais douée. Peu de personnes dans le cursus scolaire m’ont encouragée comme ça. C'est bête car c’est une histoire de validation... Ça a toujours été ça ensuite : des rencontres avec des gens qui m’ont donné de plus en plus confiance.”

Pourtant, son premier tournage sur un long métrage, Megan Northam n'en garde pas vraiment un bon souvenir. C'était pour le film Robuste de Constance Meyer. Nous sommes alors en 2021 et la France, comme une bonne partie de la planète, est totalement ralentie par la crise du Covid-19. “C’était pendant le confinement, soit une période où l’on a quand même été bien fracassé·es physiquement et moralement. J’ai eu beaucoup de chance de faire partie du peu de personnes qui ont continué à travailler voire, pour ma part, qui ont commencé à travailler à ce moment-là. Mais c’est vrai que ce n’était pas du tout l’idée que je me faisais d’un tournage : on était sous masque, il n’y avait pas de moments partagés avec l’équipe, on ne pouvait rien faire, l’ambiance était assez froide”, décrit l'actrice. “C’est aussi un métier où il y a beaucoup d’égo, et je n’étais pas prête à ce monde-là. Sans te mentir, j’ai terminé le tournage en me disant que je ne serai pas comédienne…” Heureusement, Megan Northam enchaîne peu de temps après avec Les Passagers de la nuit, écrit et réalisé par Mikhaël Hers, dont le casting se compose de Noée Abita, Charlotte Gainsbourg, Quito Rayon Richter et Emmanuelle Béart, entre autres. Ce second tournage se passe mieux que le précédent, et réconforte la jeune femme avec l'envie de jouer.

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Noée Abita
© Nord-Ouest Films / Pyramide Distribution

Le tournant Salade Grecque

S'il y a bien une rencontre que Megan Northam n'oublie pas, c'est celle avec Cédric Klapisch. Après avoir conté les péripéties formidables de Romain Duris et Kelly Reilly en éternels Xavier et Wendy dans L'Auberge espagnole (2002), Les Poupées russes (2005) puis Casse-tête chinois (2013), le cinéaste français a imaginé une suite à sa célèbre trilogie générationnelle. Sortie au printemps dernier sous la forme d'une série, disponible sur Prime Video, celle-ci donne un rôle principal à Megan, qui incarne Mia, une étudiante de 22 ans partie faire un Erasmus à Athènes, où elle décide finalement d'abandonner ses cours à la faculté en faveur de son activisme politique et écologique. Au côtés de son frère, son personnage découvre – comme ses parents une vingtaine d'année plus tôt – les joies et les peines de la vie en communauté, aux côtés de colocataires venus des quatre coins du monde. Le tournage s'étend sur plus de six mois. “Je me suis retrouvée loin de ma famille et de mes proches pour la première fois. C’était comme un vrai Erasmus !”, dit-t-elle. Un sentiment que partage également son partenaire de jeu, Aliocha Schneider. Interrogé à ce sujet en novembre dernier, il déclare : “Il y avait comme un miroir entre la réalité et la fiction car on était une bande de jeunes comédiens partis jouer à l'étranger. On est vraiment devenus proches les uns des autres. C’était intense. Ça a même inspiré mon dernier album…” Une joie teintée de nostalgie brille sur le visage de Megan Northam lorsque nous abordons le sujet. Elle confie notamment que la fin fut difficile : “Tu es désorientée car tu as perdue tes réflexes et tes repères. Pour autant, on ne peut pas dire que tu retournes à “ta vraie vie”. Pendant six mois, tu es en tournage et c’est ça ta réalité. Simplement, tu es en dehors de ta zone de confort. Et tu changes, beaucoup plus que je ne le pensais. Mon amour pour ce moment de vie ne cesse de grandir avec le temps. J’ai eu beaucoup de chance de vivre ça avec des gens aussi adorables et bienveillants.”

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Aliocha Schneider

Outre Salade grecque, l'actrice s'est également fait connaître dans Notre-Dame, la part du feu (2022), une fiction en six épisodes qui s'intéresse à l'incendie qui a touché la cathédrale parisienne la nuit du 15 avril 2019, mais aussi à l'impact de ce drame sur différentes personnes à travers le pays. Diffusée sur Netflix, la mini-série touche un large public et permet à Megan Northam de renouer avec le format sériel qu'elle affectionne particulièrement pour le temps qu'il accorde à l'évolution des personnages. “Il fait arrêter avec l’idée d’avoir un personnage qui reste dans une même ligne car les êtres humains sont complexes et paradoxaux, explique-t-elle. Les séries permettent peut-être de le montrer davantage.” Pourtant, c'est en toute franchise que l'actrice nous avoue ne pas avoir une grande culture en la matière : “Moi qui n’avais déjà pas la télé à la maison, les séries c’était encore autre chose ! Même sur Friends, qui est quand même un classique que tous mes potes on vu, je suis à la bourre.” Loin d'être un obstacle à ses ambitions, ce manque d'heures passées sur les plateformes de streaming semble plutôt être une promesse de vent frais sur l'industrie. Une industrie qui voit fleurir en son sein une jeune femme bien pensante et désireuse d'aventures.

© Jérome Plon / Prime Video

Pendant ce temps sur Terre ou la grande aventure de Megan Northam

“J’étais justement en tournage en Grèce lorsque j’ai reçu le scénario. Je n’avais pas beaucoup de temps pour le lire, mais ça ne pas pas empêchée de le dévorer. J’ai appelé Jérémy [Clapin, le réalisateur et scénariste du film, ndlr] tout de suite après.” Ce dernier lui offre le rôle principal : Elsa, une jeune femme qui vit le deuil de son frère Frank, disparu au cours d'une mission spatiale trois ans auparavant. Ce qui la séduit immédiatement ? L'écriture hyper-sensorielle de Jérémy Clapin, qui ne s'appauvrît pas une seconde à l'écran. À chaque plan, on peut sentir les odeurs, entendre les bruits, éprouver les sensations en même temps qu'Elsa. Sous l'emprise d'une voix extra-terrestre qui lui promet un miracle avant de la pousser dans ses pires retranchements, la protagoniste de Pendant ce temps sur Terre est pour le moins étrange. Mais elle va comme un gant à Megan Northam, qui lui apporte une belle charge émotionnelle. “Dans mes souhaits d’actrice, j’ai envie d’aller toujours un peu plus loin, ajoute-t-elle. Je suis contente en ce sens d'avoir joué un personnage féminin qui n’a pas besoin d’un homme pour exister. Alors oui, l’histoire d’Elsa est liée à son frère, mais elle n’a pas de relation amoureuse avec un homme. Elle est dans une certaine autonomie, pas du tout dans les codes sexy que l'on entend, elle va même péter un câble à un moment, ce que je trouve assez kiffant à jouer. C’était une grande opportunité de m’exprimer en tant qu’actrice.”

Cet engagement, Megan Northam l'investit également auprès de l'Association des Acteur·ices (ADA), une organisation féministe et antiraciste soucieuse de lutter contre les violences sexistes et sexuelles au sein de l'industrie du cinéma. Fondée en 2021 à l'initiative de comédiennes (Zita Hanrot, Anna Mouglalis, Ariane Labed, Alma Jodorowsky, entre autres), elle permet à ses membres d'échanger leurs expériences, mais aussi de questionner ensemble les maux du septième art, à commencer par les représentations des femmes. “On est obligée de penser à ce qu’il se passe en ce moment. Personnellement, j’ai longtemps eu besoin que le cinéma soit militant. Encore maintenant, c’est très important pour moi”, s'exprime la comédienne à ce propos. Elle poursuit : “En même temps, je suis actuellement en train de jouer une fille qui n’est vraiment pas féministe. C’est pour une série qui se passe au XIXème siècle et c’est une comtesse qui fait des crasses à George Sand. Les gens l’appellent littéralement ‘la connasse de la série’. Mais pourquoi je n’apporterai pas ce que j’ai comme luttes et comme combats intérieurs à cette femme-là ? Elle existe aussi. J’essaye de lui apporter beaucoup plus d’humanité que ce qui était écrit d’elle au départ. Voilà, je serpente comme ça, sans me fermer l’éventail des possibilités. Si je ne fais que des films militants, je vais facilement rester dans le même style de jeu, soit quelque chose de trop proche de qui je suis. Or, c’est plaisant aussi d’aller voir ailleurs. Et puis, mes valeurs ne bougent pas. Au contraire, elles s’imprègnent partout où je vais.”

© ONE WORLD FILMS / CARCADICE / FRANCE 3 CINEMA / AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINEMA

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