Cinéma

Comment Galatéa Bellugi s'est-elle imposée comme l'une des meilleures actrices de sa génération ?

L'actrice franco-italienne, deux fois nommée aux César, agrandit sa filmographie avec Gloria! de Margherita Vicario et Elle & lui & le reste du monde d'Emmanuelle Belohradsky, deux films très différents qui valent tous deux la peine d'être découverts au cinéma en juin. L'occasion de rencontrer celle qui les anime : la merveilleuse Galatéa Bellugi.
Galata Bellugi
Stylisme : Isaure Simon-Dujat
Maquillage et coiffure : Shaila Moran
© José Castellar

Galatéa Bellugi impose un talent autant qu'un charme enchanteur. Sur son visage, et puis dans sa voix aussi, ce charme irradie. Des détails de lumière que l'on n'a pas pu s'empêcher de remarquer en tant que cinéphile. L'actrice franco-italienne est en effet apparue dans trois films l'an passé : La Fille d'Albino Rodrigue de Christine Dory, La Passion de Dodin Bouffant de Trần Anh Hùng et Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, qui lui a valu une nomination au César de la meilleure actrice dans un second rôle au début de l'année 2024. Si le trophée a été attribué à son homologue Adèle Exarchopoulos, la jeune comédienne s'estime déjà gagnante. Avec de l'espoir et de la reconnaissance à revendre, elle se hisse en tête d'affiche de quelques nouveaux films, dont Gloria!, le premier long métrage de la réalisatrice et musicienne Margherita Vicario, à voir en ce moment au cinéma.

© Nour Films

Le charme Galatéa Bellugi

Née d'un père italien et d'une mère danoise, Galatéa Bellugi grandit dans le monde de la comédie sans pour autant rêver d'en faire partie. “Petite, je pensais que le cinéma n’était qu’un jeu”, confie-t-elle lorsque nous l'interrogeons sur ses souvenirs d'enfance. Elle intègre la troupe du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, où travaille son père acteur, et fait ses premiers pas sur les planches à l'âge de 6 ans. Elle poursuit sa scolarité et se lance même dans des études internationales, à Montréal puis à Copenhague. “À ce moment-là, je me disais que ce serait sympa de pouvoir continuer à faire du cinéma tout en apprenant la vie à l’extérieur du milieu”, explique-t-elle. “J’étais dans une université un peu particulière, où les travaux de groupe étaient largement mis en avant. Ça m’a permis d’échanger, de débattre et de développer un regard critique sur le monde. J’ai pu construire mes idées. J’avais notamment des cours sur l’analyse de discours qui m’ont appris à me poser des questions. C’est surtout ça que l’université offre : un espace où l’on peut se poser des questions. Ça sert dans le cinéma comme dans la vie en général.” Mais Galatéa revient à la comédie grâce à sa sœur, Alba Gaïa, qui est une véritable source d'inspiration pour elle : “Quand je l'ai vu jouer dans 3 x Manon [une mini-série télévisée française de Jean-Xavier de Lestrade, ndlr], il y a quelques années déjà, c’était incroyable. Je la voyais dans une autre vie, à travers un autre personnage. Je me suis dis que j’adorerais faire ça à mon tour.”

En 2018, Galatéa Bellugi touche le public français grâce à son rôle habité dans L'Apparition de Xavier Giannoli, qui lui vaut un nomination au César du meilleur espoir féminin. Plus tard, elle entre définitivement dans nos cœurs en campant le double juvénile d'Eva Ionesco dans Une jeunesse dorée. À 26 ans, Galatéa Bellugi est l'une des grandes promesses du cinéma français, et européen, puisqu'elle accepte également des partitions italiennes. La première fois, c'est pour la suite du Garçon invisible de Gabriele Salvatores. La seconde, c'est dans Amanda, un film sensible, et irrésistiblement absurde, de la réalisatrice Carolina Cavalli. La dernière, c'est dans Gloria!, où elle incarne Teresa, une jeune femme qui transforme le monde qui l'entoure en une musique joyeuse, fédératrice et étonnamment moderne pour son temps. En effet, l'histoire se déroule au XVIIIème siècle, à l'Institut Sant'Ignazio de Venise. Sorte de couvent pour musiciennes orphelines, l'institution confine les jeunes femmes sous les ordres du maître de chapelle Perlina. Alors que le Pape s'apprête à leur rendre visite, celui-ci se voit confier la commande d’un concert exceptionnel. Face à la pression et au manque d'inspiration, il ne tarde pas à reporter son exaspération sur les musiciennes, qui vont redoubler de créativité pour s'octroyer le peu de liberté à leur portée.

De l'amour des premiers films

Ce qui passionne Galatéa Bellugi dans Gloria!, c'est la volonté de porter le message de sa réalisatrice. Comme beaucoup d'acteurs·ices, c'est même souvent ce qui la conduit à accepter un rôle. À travers son film, que cherche à nous dire le cinéaste ? Quelle est la force qui l'a mené à écrire son œuvre ? Pour Margherita Vicario, il s'agit de retracer l’histoire des compositrices italiennes et européennes oubliées, et notamment des filles de chœur des orphelinats de Venise, afin de repenser la place des femmes dans la musique. Elle-même auteure, compositrice, et interprète, elle a soin de réaliser un premier long métrage ambitieux, piochant autant dans le répertoire des films d'époque que dans celui du fantastique. Surtout, elle se plaît à imaginer des séquences comme des scènes de théâtre, où la musique se mêle au chant et à la danse de ses actrices, toutes préparées à former ce groupe de sœurs soudées et à se glisser dans la peau d’excellentes musiciennes. D'ailleurs, Margherita Vicario co-signe la bande-originale très dynamique, et franchement réjouissante, de Gloria!. “Encore aujourd’hui, les femmes qui écrivent leur musique sont beaucoup moins connues que les hommes. Il suffit d’ouvrir Spotify pour s’en rendre compte. Et malheureusement, ce n’est pas que dans la musique que l’on voit ça. C’est dans la science, dans le cinéma et dans plein de domaines différents. Il y a tant de femmes qui ont été mises de côté”, explique Galatéa Bellugi. Elle ajoute : Margherita nous a transmis les raisons pour lesquelles elle faisait ce film. Ça a apporté une autre dynamique à l’équipe car on avait tous envie de défendre profondément ce que l’on était en train de faire.”

© BAC Films

Cet intérêt pour les premiers élans d'un·e cinéaste, Galatéa Bellugi le nourrit jour après jour. Dans Chien de la casse (2023) déjà, elle mettait son jeu au service d'un projet-passion, celui du réalisateur Jean-Baptiste Durand.“C’était son premier film, et il m'a offert un rôle qui était plus proche de moi que certains que j’ai pu faire avant. J'étais portée par son écriture. Tu sens que c’est quelque chose qu'il a toujours eu envie de défendre. Souvent, un premier film est presque viscéral pour un réalisateur”, exprime la comédienne. Actuellement sur le tournage du prochain film de Jérôme Bonnell [Tout recommencera avec Swann Arlaud et Emmanuelle Devos, ndlr], avec qui elle avait tourné sa toute première scène dans Les Yeux Clairs (2005) lorsqu'elle était enfant, Galatéa Bellugi nous révèle avoir joué dans L’Engloutie de Louise Hémon, drame en pleine montagne et premier long métrage de la jeune réalisatrice à voir prochainement en salles. “Il y a quelque chose de très fort dans les premiers films”, reconnaît-elle. Gloria! n'échappe pas à la règle. Sous la direction de Margherita Vicario, l'actrice joue en italien, apprend le piano et s'entraîne même à chanter. Un vrai défi, avoue-t-elle entre deux rires. Par chance, Galatéa Bellugi est bien entourée. Avec les autres filles du groupe composé par Margherita, elle apprend à donner des conseils comme à en recevoir, ce qui l'aide dans la création de son personnage. “C’est très beau de défendre un film sur ça. Un film qui raconte une amitié qui devient si forte que l’on peut presque parler de liens familiaux. C’est une sororité. Une sororité que l’on montre à l’écran en même temps qu’on la vivait derrière”, se souvient-elle.

Cette sororité, Galatéa Bellugi la cherche également en dehors des plateaux de tournage. Dans une industrie où le collectif a tout à jouer, il fait bon de croiser ces manifestations sororales le temps d'un dîner ou d'une cérémonie. C'est ainsi que Galatéa Bellugi se rappellera de sa seconde venue aux César, tout du moins. Bien que l'actrice reconnaisse le concept un brin étrange (si ce n'est dépassé) de ce système de récompense, elle prend plaisir à noter les changements ayant eu lieu lors de la dernière édition, à l'instar du discours important de Judith Godrèche sur les violences sexistes et sexuelles au cinéma. Elle déclare : “Étant jeune, je n’ai pas été confrontée à la même chose que les autres générations. Mais c’est rassurant de se dire que l’on peut parler de ces sujets et que l’on peut être prévenue.” Désormais, Galatéa Bellugi ne rêve que d'une chose : pouvoir continuer à travailler sur des films qu'elle aime. Ce qu'elle fait dans Elle & lui & le reste du monde d'Emmanuelle Belohradsky, au cinéma le 19 juin prochain. “Il s'agit d'une comédie romantique. C'est la première fois que je m'attaque à ce genre ! Ce que j'adore, c'est le fait que durant toute la première partie du film, on ne me voit pas. Je suis coincée dans un ascenseur et on entend seulement ma voix au téléphone avec l'opérateur, joué par Victor Belmondo, qui me vient en aide.” Intrigué·e ? Nous aussi !

© Marvelous Productions / Noname Films / Les Improductibles

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