L'affaire serait-elle enfin close ? Mercredi 17 octobre, Wojciech Janowski a été condamné à la prison à perpétuité, « reconnu coupable de tous les faits », et donc, d'être à l'origine du double meurtre de sa belle-mère, la milliardaire Hélène Pastor, 77 ans, et du chauffeur-majordome de cette dernière, Mohamed Darwich, 64 ans. lls ont été tués lors d'une fusillade le 6 mai 2017, dans un guet-apens qui s'est déroulé devant l'hôpital l'Archet, à Nice. La Monégasque, qui avait fait fortune dans l'immobilier, s'était rendue à l'hôpital pour visiter son fils malade, prénommé Gildo.

Parmi les onze accusés, Wojciech Janowski, qui a été le compagnon de la fille d'Hélène Pastor, Sylvia, pendant 28 ans, avait rapidement été soupçonné d'être le cerveau de ce double meurtre.

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La veille du verdict, c'est par la voix d'un de ses avocats, le ténor du barreau Éric Dupond-Moretti, que l'accusé principal avait reconnu les faits pour la première fois du procès, devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhônes) : « Wojciech Janowski est coupable d'avoir commandité l'assassinat d'Hélène Pastor. Laissez-moi vous dire pourquoi ces mots, que vous attendiez de lui, sortent de ma bouche. », rapporte L'Express. « Ces mots, il a tenté de les exprimer, il a voulu s'exprimer mais n'a pas été cru, il s'est vu opposer tout au long de la procédure un mépris permanent, un mépris de classe. »

L'accusation avait avancé que Wojciech Janowski voulait renflouer ses sociétés en détournant la part d'héritage de Sylvia. « Il lui reste une seule chose, un seul espoir, mourir ailleurs qu'en prison et le pardon de celle qu'il a aimée », avait plaidé Me Febbraro, son second avocat. 

« Je ne lui pardonnerai jamais »

Du sommet de son luxueux immeuble du 19, boulevard de Suisse, à Monaco, Sylvia Ratkowski, l'héritière de la fortune Pastor – des magnats de l'immobilier monégasque, un empire de 12 milliards d'euros – fait éconduire les curieux. Les deux intendants et sept agents de sécurité qui quadrillent le hall de marbre du « Schuylkill », où vit également l'ex-champion de formule 1 finlandais Mika Häkkinen, sont inflexibles. « Les consignes de la patronne sont très claires », lâche un costaud en chemise blanche et cravate.

Retranchée dans la tour édifiée en 1970 par son grand-père, Gildo Pastor, Sylvia Ratkowski, 57 ans, se prépare à vivre l'un des moments les plus douloureux de son existence. Tout l'été, elle a ressassé le témoignage qu'elle livrera lors du procès qui se tiendra du 17 septembre au 19 octobre devant la cour d'assises des Bouches-du-

Rhône, à Aix-en-Provence. Les dix hommes mis en cause dans l'assassinat de sa mère, Hélène Pastor, et de son chauffeur, Mohamed Darwich, abattus le 6 mai 2014 devant l'hôpital L'Archet, à Nice, y comparaîtront. La septuagénaire rendait visite à son fils, Gildo Pallanca-Pastor, demi-frère de Sylvia, victime d'un accident vasculaire cérébral, quand un homme a surgi sur le côté du véhicule et a fait feu à plusieurs reprises avant de prendre la fuite avec son complice.

Quatre ans après, Sylvia Ratkowski devra, à la barre, revenir sur ces quelques jours au cours desquels sa vie s'est effondrée : en effet, celui que la justice accuse d'être le commanditaire de l'assassinat de la milliardaire de 77 ans n'est autre que l'homme avec qui elle a partagé sa vie pendant vingt-huit ans, Wojciech Janowski. « Je ne lui pardonnerai jamais. J'espère qu'il sera lourdement condamné pour ce qu'il a fait à ma mère et à Mohamed, et pour toutes les années où il m'a menti et où il m'a abusée », aurait prévenu la quinquagénaire lors de l'une de ses dernières auditions par la police judiciaire de Marseille.

J'espère qu'il sera lourdement condamné pour ce qu'il a fait à ma mère et à Mohamed

La douleur de Sylvia Ratkowski est aujourd'hui aussi forte que les illusions dont elle s'est longtemps bercée concernant son compagnon. Héritière discrète née d'une aventure de jeunesse d'Hélène Pastor, Sylvia a vécu dans l'ombre de cette dernière : une femme au caractère bien trempé qui a toujours cantonné sa fille à la gestion de la société immobilière (elle encaisse les loyers les plus chers du monde), la tenant éloignée du reste des affaires familiales.

Sans doute parce qu'elle s'inquiétait de voir Sylvia éperdument amoureuse de Wojciech Janowski. Consul général honoraire de Pologne sur le Rocher depuis 2012, président d'une entreprise de nanotechnologies, ce sexagénaire était aussi connu pour sa fondation contre l'autisme, présidée par la princesse Charlène. Ensemble depuis la fin des années 80, le couple a élevé Olivia, la première fille de Sylvia Ratkowski, aujourd'hui âgée de 33 ans, avant de donner naissance à Lara, qui a maintenant 21 ans.

Un businessman aux affaires troubles

À l'été 2014, ce sont les policiers qui ont, petit à petit, fait tomber le masque d'un Wojciech Janowski passé maître dans l'art de la manipulation. Ils ont démontré à Sylvia Ratkowski ce que sa mère avait depuis longtemps deviné. Manifestement, cette image de gendre idéal n'avait pas longtemps abusé Hélène Pastor. La milliardaire avait d'ailleurs chargé un détective privé monégasque, Patrick Boffa, de creuser son passé.

Dès 1995, Hélène Pastor disait à Sylvia que son compagnon, Wojciech, profitait d'elle

Ce dernier l'avait très vite percé à jour : « Il n'a jamais été diplômé de l'université de Cambridge, assure à Marie Claire Patrick Boffa, qui a enquêté épisodiquement sur Wojciech Janowski durant vingt-quatre ans. Idem pour son titre de directeur d'hôtels et de casinos dont il se targuait parfois : il a brodé autour de la seule année 1985-86, qu'il a passée comme chargé des relations publiques des tables de jeux américains pour la Société des bains de mer de Monaco. »

“Dès 1995, Hélène Pastor disait à Sylvia que son compagnon, Wojciech, profitait d'elle, lui volait son argent.” Patrick Boffa, détective privé

Dès lors, Hélène Pastor, qui versait chaque mois 500.000 euros à sa fille, n'aurait eu de cesse de la mettre en garde contre ce businessman aux affaires troubles. « Depuis 1995, Hélène prévenait Sylvia que son compagnon, Wojciech Janowski, profitait d'elle, lui volait son argent », a confirmé le détective privé aux enquêteurs, à la mort de la vieille dame. « Certes, Janowski n'avait pas accès aux comptes de sa compagne, explique Thomas Giaccardi, avocat de Gildo Pal-lanca-Pastor. Mais, très peu au fait de ses propres affaires, elle lui virait chaque mois les sommes qu'il lui réclamait. »

7,5 millions d'euros détournés

Au fil des ans, Wojciech Janowski aurait ainsi détourné des sommes considérables : sur les dix-huit mois qui ont précédé l'exécution d'Hélène Pastor, l'analyse des flux financiers a révélé que Sylvia Ratkowski avait rétrocédé à son compagnon 7,5 millions d'euros sur les 9 millions reçus de sa mère. En le découvrant, la quinquagénaire serait tombée des nues : « Je me suis rendu compte que mon concubin me faisait payer les choses plusieurs fois et majorait toutes les grosses factures en m'annonçant des sommes qui étaient complètement différentes de la réalité, sachant que je ne voyais aucune facture car je lui faisais entièrement confiance. »

Plus grave : en se plongeant dans ses comptes pour les besoins de l'enquête, Sylvia Ratkowski aurait découvert que Wojciech Janowski, avec l'argent qu'elle lui versait chaque mois, payait sa propre assurance maladie, mais pas la sienne. Qu'il lui faisait croire que les études américaines de leurs filles coûtaient le double de ce qu'il payait réellement. Que la Fiat 500 de collection qu'il lui avait « offerte » pour l'été était à son nom à lui, tout comme le bateau acheté en 2012, dont il n'avait pas payé la majeure partie contrairement à ce qu'il lui avait fait croire pour lui soutirer quelque 600.000 euros supplémentaires. Sylvia Ratkowski aurait ainsi fait un malaise en découvrant que la maison de Londres qu'elle avait achetée pour un million de livres avait été hypothéquée dans son dos.

Elle a surtout fini par comprendre que c'est sur ces sommes qu'elle lui versait si naïvement que Wojciech Janowski aurait prélevé les 140.000 euros destinés à faire tuer Hélène Pastor : « Je suis effrayée, anéantie. Ce qu'il a fait est machiavélique », aurait-elle soufflé un jour.

D'autant plus machiavélique que Janowski aurait réussi à convaincre son coach sportif, Pascal Dauriac, qui s'occupait aussi de Sylvia Ratkowski plusieurs heures par semaine, d'organiser l'assassinat… Grâce aux analyses de flux financiers, la police a vite remonté la piste de ce quadragénaire adepte d'arts martiaux qui travaillait pour le couple depuis douze ans. Interpellé à Eze (Alpes-Maritimes), où il vivait avec sa compagne, il a reconnu avoir, poussé par Wojciech Janowski, demandé à son beau-frère de recruter deux hommes de main à Marseille pour exécuter la vieille dame. A la clé : 30.000 euros pour lui et 110.000 euros à distribuer aux intermédiaires et auteurs de l'assassinat.

À sa sixième audition, accablé par les confessions très détaillées de Pascal Dauriac, Wojciech Janowski a fini par avouer être le commanditaire de l'assassinat d'Hélène Pastor. A l'en croire, la milliardaire, suivie pour des accès dépressifs, était tyrannique avec Sylvia Ratkowski. A tel point que le cancer du sein dont souffrait cette dernière n'était, selon Wojciech Janowski, que la conséquence de « l'ambiance familiale sordide » entretenue par sa belle-mère. Il aurait fomenté l'assassinat d'Hélène Pastor « pour que les souffrances de (sa) femme s'arrêtent » : « C'était ma seule motivation, l'amour et la passion que je porte à ma femme », a-t-il répété à de nombreuses reprises. Confrontée à ces déclarations, Sylvia Ratkowski a explosé, niant catégoriquement tout « harcèlement » de la part de sa mère.

Criblé de dettes

D'ailleurs, au fil des investigations, les enquêteurs n'ont pas tardé à cerner un tout autre mobile, plus trivial : la cupidité. Wojciech Janowski aurait-il fait tuer sa belle-mère afin que Sylvia Ratkowski, qu'il manipulait à sa guise, puisse percevoir sa part entière de l'héritage ? Il aurait pu y puiser sans limite les fonds dont il avait besoin. Depuis des années, Wojciech Janowski investissait tout l'argent donné par sa compagne dans les affaires qu'il menait, notamment en Europe de l'Est.

Or, la plupart s'étaient soldées par des échecs. Ses investissements dans les matières premières ou les énergies renouvelables n'ont pas abouti. Pire : derrière son apparente réussite monégasque se cachait en réalité un homme d'affaires criblé de dettes, condamné en 2012 par un tribunal de commerce polonais à payer 22 millions d'euros pour une ancienne raffinerie dont il s'était porté acquéreur sans en avoir jamais réglé la note. « L'assassinat de Mme Pastor est la conséquence de cette condamnation, a confirmé aux policiers Grzegorz Wojtaszek, le vendeur de la raffinerie. Fin 2014, la créance devenait exigible, mais le manque d'argent et le risque que tout soit révélé ont conduit Janowski à regrouper les fonds par le biais de l'héritage ». Doux euphémisme.

C'est sur l'argent que lui versait naïvement Sylvia que Wojciech aurait prélevé les 140.000 euros destinés à faire tuer sa mère.

Finalement, quelques semaines après avoir reconnu être le commanditaire de l'assassinat d'Hélène Pastor, Wojciech Janowski est revenu sur ses aveux. Désormais défendu par le ténor du barreau Eric Dupont-Moretti (qui n'a pas souhaité nous répondre), il a livré un tout autre scénario aux enquêteurs : c'est Pascal Dauriac lui-même qui aurait organisé le crime et serait passé à l'acte afin de convaincre la famille Pastor de se payer une protection qu'il aurait assurée. Wojciech Janowski prétend qu'entre 2012 et 2014 Pascal Dauriac lui aurait déjà extorqué 500.000 euros.

Ulcérée par le cynisme de son ex-compagnon, Sylvia Ratkowski a radicalement démenti cette énième version : « Wojciech n'est évidemment pas une personne à se laisser menacer sans réagir et à payer sans réaction. Si tel avait été le cas, il l'aurait envoyé bouler en lui disant : “Espèce de sale con.” » Le 17 septembre, lorsque Sylvia Ratkowski s'avancera à la barre, sa colère sera sans doute à la mesure de l'illusion vertigineuse dont elle s'est bercée vingt-huit années durant. Des années d'amour aveugle, à l'issue desquelles Wojciech Janowski, encore si sûr de lui, lui avait presque avoué le crime : « Enfin, on va être heureux », avait-il murmuré en enlaçant Sylvia Ratkowski le lendemain des funérailles de sa mère.