Le compte à rebours avant le début de la Coupe du Monde 2018 qui se déroulera en Russie a débuté. A partir du jeudi 14 juin 2018 et pendant un mois, les aficionados du football vont vibrer, chanter, crier, pleurer pour soutenir les joueurs de leur équipe nationale. Parmi eux, Emilie, Eloïse, Lisa, Aurélie et près de 14 millions de Françaises*. Loin des poncifs genrés qui ont longtemps plané sur le petit monde du football, les femmes n’hésitent plus à revendiquer ouvertement leur amour du ballon rond. Selon une étude commandée par Havas Sports & Entertainment et publiée en mars 2017, 43% des Français “fans de foot” sont des femmes.

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De plus en plus de femmes en tribune et derrière leur télévision

“On voit de plus en plus de filles dans les tribunes des stades de foot, et cela fait vraiment plaisir à voir !”, confie Lisa, 25 ans, ex-abonnée du Parc des Princes. Une observation partagée par Emilie, 36 ans, digital manager et créatrice du hashtag #MeufDeFoot. “Je pense qu’on peut dire que les clichés sont en train de s’effacer tant dans la pratique sportive que dans la “consommation” du foot. Les équipes féminines sont reconnues, les supportrices plus nombreuses dans les stades et personnellement, je le remarque aussi sur les réseaux sociaux : les supportrices sont là et bien là”, déclare-t-elle, enjouée. Sans compter la présence d’expertes ès football, pointues et reconnues, sur la quasi-totalité des plateaux et des bords-terrains

Malgré tout, les clichés ont la dent dure : “en tant que supportrice, on va régulièrement te demander si t’aimes vraiment le foot. Pourtant, je n’ai jamais vu personne demander la même chose à un homme”, se désole Emilie. Même son de cloche pour Aurélie, 28 ans, qui ne compte plus les fois où on l’a testée sur la règle du hors-jeu. “Si les clichés perdurent, c’est en partie en raison de la pub, du marketing. Pour le match Real-PSG du 14 février dernier par exemple, il y avait plein de pubs et d’offres qui proposaient des Plan B pour ‘occuper’ les femmes ce soir-là”, s’exaspère-t-elle.

“Souvent, on m’a reproché d’aimer le foot pour tel footballeur ou le cinéma pour tel acteur”, renchérit Eloïse, 31 ans, journaliste à Paris. “Peut-être que si Zidane n’avait pas marqué deux buts ce soir de juillet 98, je ne serai pas devenue fan de tout ça. Mais peu importe. Aujourd’hui garçon ou fille, chacun est capable d’aimer cette surpuissance de l’instant où tout peut basculer”, confie-t-elle. Un constat corroboré par les statistiques : toujours d’après la même étude*, “qu'ils soient hommes ou femmes, les fans du ballon rond (36 %) vivent chaque match comme un véritable spectacle, un moment de divertissement”.

Pas le même maillot, mais toujours la même passion

Qu’elles ne ratent pas un match de Ligue 1 ou qu’elles suivent de loin les résultats de leur équipe de quartier ou des Bleus, ces férues de football ont la même passion pour les ambiances de stade, les moments de joie, de ferveur et d’unicité. Aurélie, originaire d’Angers, suit de plus ou moins près les tribulations du SCO. Ces dernières années, alors que son club côtoie les plus grands de Ligue 1, elle n’hésite pas à aller les supporter dans les travées du stade Raymond Kopa. “Quand Angers a affronté le PSG, c'était dingue. Il y avait Zlatan, juste là, à Angers, près de mon ancien collège”, se remémore-t-elle. Avant d’ajouter, “mais ce qui me prend vraiment aux tripes, c'est lorsqu'un pays, une nation joue. En 98, c'était le fameux 'Black-Blanc-Beur'. Tous réunis sous une même bannière. Il n'y a que le sport pour parvenir à une telle cohésion. 

J’aime regarder des matchs toute seule, tranquille, chez moi

L'enthousiasme d’Emilie pour le football est né dans l’Oise. “J’ai grandi à Creil, tous mes potes jouaient au foot. J’allais les voir jouer et je suis tombée dedans”, se souvient Emilie. Et comme de nombreuses personnes de sa génération, elle a basculé dans le football professionnel en 1998 avec la bande à Zidane, “comme une vraie footix”. Une madeleine de Proust footballistique que partagent également Lisa et Eloïse. “C’est certainement mon plus beau souvenir, même si ce n’est pas très original. J’avais 6 ans et pourtant je m’en souviens comme si c’était hier !”, se rappelle la supportrice du Paris Saint-Germain.

De son côté, Éloïse avait 11 ans ce fameux soir de finale : “j’étais en vacances sans mes parents pour la première fois et je découvrais la joie collective. C’est marrant, j’ai la sensation d’avoir plus de souvenirs de ma vie à partir de cet instant-là”. C’est aussi à partir de ce soir-là que son amour du ballon rond a grandi, pour faire perdurer ce sentiment de joie et cultiver sa différence. “C’est vrai que j’étais la seule fille de ma classe qui passait son temps à chroniquer des matchs de foot dans des mes cahiers ou à acheter l’Equipe et France Football”, s’amuse-t-elle.

Mange, prie, aime (le foot)

Depuis ses 11 ans, la passion d’Eloïse est devenue “plus raisonnée”. “Je me souviens que la gamine que j’étais, embrassait son maillot avant de l’enfiler pour un match comme si ça pouvait porter chance aux Bleus”, se remémore-t-elle en riant, “aujourd’hui, le foot a beaucoup moins d’impact même si je suis très contrariée quand je ne suis pas en France pour une Coupe du Monde ou un Euro”. Pour Emilie, le football, c’est une passion. “J’aime regarder des matchs toute seule, tranquille, chez moi”, confie-t-elle. Chaque semaine, elle regarde “au moins deux matchs” du championnat de France**, et bien plus “quand c’est un gros week-end”. “On ne peut pas dire que le foot me définit, mais disons qu’il a permis à certain(e)s de me définir. Généralement, on dit de moi ‘Emilie, elle aime le foot et les burgers’”, poursuit la pionnière des #MeufDeFoot, hashtag aujourd’hui utilisé par une communauté de plus importante. “Au départ, je l’utilisais en solo, puis d’autres filles se sont greffées, de différents clubs, de toute la France. C’est même devenu une marque de tee-shirts et de sweats”, raconte-t-elle.

Comme elle, nombreuses sont les femmes qui vivent le foot - aussi - sur les réseaux sociaux. Selon l’étude d’Havas Sport, “une sur deux utilise un second écran [devant un match] contre un homme sur trois, et elles sont trois fois plus nombreuses à consommer du contenu football sur Snapchat ou Instagram. “Je suis inscrite sur Twitter. Lorsqu'il y a un match important que je ne peux pas regarder, je tape le hashtag de la rencontre et je la suis sur mon téléphone”, atteste par exemple Aurélie, pour qui le foot tient une place relativement importante dans son quotidien. “Même quand je suis en déplacement professionnel, je regarde souvent les matchs dans un bar ou alors dans le train, directement sur mon smartphone”, avoue-t-elle.

Même engouement pour Lisa, pour qui le foot a un fort impact dans sa vie. “Mon emploi du temps est souvent organisé en fonction du calendrier des rencontres. Les soirées de Ligue des champions par exemple, sont notées bien en évidence dans mon agenda. Je n’essaye même plus de donner des excuses à mes amies : il y a match, un point c’est tout. Sans compter que le résultat d’un match de Paris peut avoir une incidence sur mon humeur pour toute une semaine... “, souffle-t-elle. “Le soir de la remontada de Barcelone face au PSG en mars 2017 par exemple, j’ai eu le sentiment que mon cœur s’était arrêté de battre… et pendant plusieurs jours ensuite, j’étais vidée de toutes émotions. Même aujourd'hui, ça reste un sujet sensible, que je n’aborde jamais”, confesse la jeune femme.

Les filles du foot et les Bleus

Un autre point commun chez les supportrices françaises ? Leur amour des Bleus. Selon l’étude de 2017 d’Havas Sports & Entertainment, c’est même l’équipe qu’elles préfèrent en majorité (43 % contre 36 % pour les hommes). “Une grande fierté ce maillot de l'Équipe de France”, admet Lisa qui attend le coup d’envoi du Mondial avec impatience. “La Coupe du Monde est vraiment un événement incontournable pour tous les passionnés de foot”, acquiesce-t-elle. Une excitation partagée par Aurélie qui se prépare pour la compétition. L'Équipe de France, je vais la soutenir à fond ! J'ai plein de rituels avant un match : ne pas louper la Marseillaise, mettre du maquillage bleu-blanc-rouge …”, piaffe-t-elle. 

“L'Équipe de France est comme un album de famille. Je pourrais écrire un livre entier de “Je me souviens” avec eux. Je me souviens des drapeaux bleu blanc rouge peints sur les joues en 98, je me souviens du jour où les supporters ont envahi le stade pendant un France-Algérie, je me souviens de mon saut quand Trezeguet marque en finale de l’Euro 2000… Mon souvenir le plus marquant, c’est les larmes de Zizou, suite à son carton rouge en 2006. Une vraie tragédie grecque”, se rappelle Eloïse, presque sentimentale.

Moins nostalgique, Emilie trépigne “L'Équipe de France ? C’est la plus belle ! Nos joueurs sont frais, performants et on peut être fiers de nos Bleus ! Raisons de plus pour qu’ils la gagnent cette Coupe du Monde”. Allez les Bleus, on est TOUTES ensemble !




*Etude Havas Sports & Entertainment, mars 2017

** Ligue 1 Conforama