On sait déjà que les stéréotypes de genre freinent les femmes dans leur carrière, notamment de par le syndrome de la bonne élève. Mais d'après une nouvelle étude, parue le 13 juillet 2023 dans la revue Sex Roles, ces derniers auraient même "un impact significatif sur les performances motrices et l’apprentissage des adolescentes dans le sport".

En effet, les chercheur.ses israéliens affirment "qu’une exposition prolongée à des stéréotypes de genre négatifs peut entraver le développement des compétences", reprend PsyPost. En 2021, une première étude menée par la même équipe de recherche et publiée dans le Journal of sport and exercice psychology avait déjà démontré qu'une courte exposition à des stéréotypes de genre négatifs affectait les performances motrices des jeunes filles pendant environ trois jours, mais que l’effet disparaissait par la suite.

Mais pour cette étude, les scientifiques ont pris en compte le fait que, dans nos "sociétés stéréotypées", nous sommes confrontées à des "informations stéréotypées plusieurs fois par semaine via diverses sources". Une nouvelle méthode d'observation qui leur a permis de comprendre que ces derniers avaient, en fait, un impact durable sur le développement des compétences et capacités chez les jeunes sportives. 

L'effet de menace du stéréotype mis en cause

Dans leur premier compte-rendu, les scientifiques avaient pointé du doigt "l'effet de menace du stéréotype". "La menace des stéréotypes survient lorsque des individus, conscients des stéréotypes négatifs sur leur groupe, éprouvent de l'anxiété ou ont peur de confirmer ces stéréotypes. Cette anxiété peut entraver leur performance, ce qui en fait une prophétie auto-réalisatrice", rappelle PsyPost.

L'idée de ces nouvelles recherches était donc d'observer les effets d'une exposition répétée à cet effet de menace, sur une période prolongée. 

Exposer les jeunes sportives aux stéréotypes sur la durée

Afin d'étudier ces effets sur les performances sportives des filles, les chercheur.ses ont constitué un échantillon de 46 adolescentes israéliennes âgées en moyenne de 14 ans et joueuses débutantes de futsal (football en salle). Pendant deux semaines, le groupe a été scindé en deux : le premier était exposé à la "menace des stéréotypes" et l'autre ne l'était pas. 

Par exemple, il a été dit au premier groupe : "Vous allez effectuer une tâche faisant appel à des capacités athlétiques naturelles et dont il a été démontré qu'elle produit des différences entre les sexes. Il a été démontré que les garçons réussissent mieux dans cette tâche", cite l'étude. 48 heures plus tard, ces mêmes joueuses ont dû lire une fiche expliquant que les hommes avaient historiquement dominé ce sport.

En revanche, les adolescentes du groupe neutre ont "appris que le futsal est un sport dans lequel les hommes et les femmes peuvent aussi bien performer", informent les chercheurs. "Nous avons ensuite effectué une vérification des manipulations pour nous assurer qu'elles étaient efficaces. Cela impliquait de poser aux participantes des questions liées au genre et au sport pour évaluer leurs croyances et leurs perceptions". 

Enfin, la phase finale de l'étude consistait à faire un point d'évaluation concernant la précision des frappes des adolescentes (qui a été testée tout au long de l'expérience). Précisément : "Les pré-tests ont fourni une mesure de base de la précision des coups de pied pour les deux groupes avant toute manipulation de stéréotypes. Les séances de pratique ont permis aux chercheurs d'observer les changements de performances au fil du temps. Les tests de rétention évaluaient la capacité des participantes à conserver leurs compétences, tandis que les tests de transfert évaluaient leur capacité à adapter leurs compétences à de nouvelles situations", résume PsyPost.

Un développement des compétences entravé et des conséquences à long terme

"La capacité de transfert est essentielle pour déduire l'apprentissage moteur et évaluer l'adaptabilité des changements de performances motrices liés à l'apprentissage moteur", a expliqué Seyyed Mohammadreza Mousavi, auteur principal de l'étude.

Et les résultats sont sans appel, au cours des séances d’entraînement, le groupe neutre a montré "une amélioration de la précision de ses coups de pied au fil du temps", contrairement au groupe exposé aux stéréotypes.

"Cela suggère que l’exposition à la menace des stéréotypes a entravé le développement des compétences de ce dernier groupe. Cela s’apparente à une prophétie auto-réalisatrice selon laquelle l’anxiété causée par les stéréotypes affectait négativement leurs performances. Les effets négatifs de la menace des stéréotypes ont persisté au fil du temps. Le groupe neutre a surpassé le groupe stéréotypé dans les tests de rétention et de transfert, ce qui indique que l'impact des stéréotypes de genre pourrait avoir des conséquences à long terme sur les performances motrices", alertent les scientifiques.

D'autant que l'étude a également souligné que l'exposition aux stéréotypes de genre entravait la capacité des participantes à transférer leurs compétences dans de nouvelles situations. "D'après nos résultats, une exposition plus longue (ou le fait de vivre dans une société stéréotypée où l'individu est confronté à de nombreux signaux liés aux stéréotypes) pourrait constituer un obstacle au progrès et diminuer la capacité d'adaptation de l'apprenant. Cet effet négatif peut être lié à l'apprenant et être présent dans les cours d’éducation physique, les sports récréatifs, les sports de compétition et même dans des zones sans rapport avec la source de menace", a assuré le chercheur, interrogé par PsyPost.

En conclusion de leurs travaux, les scientifiques préconisent "une sensibilisation aux stéréotypes à grande échelle par le biais de cours éducatifs dans les écoles et les universités, de programmes télévisés et des médias sociaux", car "de tels efforts peuvent contribuer à réduire les effets pernicieux de la menace des stéréotypes, non seulement dans le sport mais aussi dans divers autres domaines de la vie".

Toutefois, ils précisent également que d'autres études devront être menées pour confirmer leurs découvertes. La leur étant portée sur un échantillon restreint.