Lorsque l'on pense dédoublement de personnalité, on se plaît à imaginer Docteur Jekyll et Mister Hyde. Mais ce que l'on appelle communément la "double personnalité" n'a, en réalité, rien de romanesque. En psychologie, ce phénomène se nomme "trouble dissociatif de l'identité". Face à un terrible traumatisme, la dissociation de l'identité est une armure, un mécanisme de protection développé pour pouvoir vivre avec un passif accablant. Une partie de soi refoule ainsi totalement l'épreuve subie tant dis qu'une autre s'en rappelle.

Qu'est-ce que le trouble dissociatif de l'identité ?

"Dans le trouble dissociatif de l’identité, autrefois appelé trouble de personnalité multiple, deux ou plusieurs identités prennent tour à tour le contrôle d’une même personne" explique le Docteur David Spiegel* dans le Manuel MSD. "Aux États-Unis, au Canada, et en Europe, près de 90 % des personnes atteintes de ce trouble ont été sévèrement maltraitées (physiquement, sexuellement, ou émotionnellement) ou négligées durant l’enfance", ajoute-t-il dans l'article.

L'origine du trouble se trouve généralement dans la petite enfance "plus le traumatisme est vécu de façon précoce, plus ça a de conséquences sur le psychisme", souligne Etienne Dumenil**, psychologue et psychanalyste en région parisienne. De plus, il est important de ne pas confondre ce dysfonctionnement avec d'autres, comme le trouble bipolaire ou encore la schizophrénie.

Quels sont les symptômes ?

  • L'amnésie
Vidéo du jour

Les personnes victimes du trouble dissociatif de l'identité rencontrent des trous de mémoire. Par exemple, concernant les connaissances du quotidien : "Les personnes atteintes peuvent oublier temporairement comment se servir d’un ordinateur", détaille le Docteur Spiegel. Des informations personnelles, des épisodes de jeunesse, et, bien sûr, les souvenirs traumatiques peuvent également être occultés.

  • La présence de plusieurs personnalités

Dans ce trouble de la personnalité, il y a une partie qui refoule totalement l'épreuve, le traumatisme, et une autre qui s'en rappelle. De ce fait, la personnalité se trouve fractionnée. "Il y a une partie du moi qui est en contact avec la réalité et une autre qui la dénie. Par exemple, quelqu'un qui vient d'apprendre que sa femme est morte, sait parfaitement qu'elle est morte, mais va quand même l'attendre pour dîner. C'est la coexistence de deux parties distinctes qui ne se réfèrent pas à la même réalité", informe Etienne Dumenil. La présence de plusieurs identités peut également se traduire par une "dépersonnalisation" : on peut penser ou dire des choses que l'on ne contrôle pas, comme si notre corps et notre esprit ne nous appartenaient plus.  

  • La dépression et les douleurs physiques 

Troubles physiques et mentaux peuvent faire figure de symptômes : céphalées, douleurs dans le corps, anxiété, envie de se mutiler. Une dépression peut également se manifester.

  • La durée des symptômes

Chacun peut vivre, sur une courte durée, une forme de dissociation de personnalité : "Si on prend une situation commune, on est au volant sur une route que l'on connait bien, on est en mode automatique", explique le psychologue. Si bien que lorsque l'on est arrivé du point A au point B, on ne se souvient même plus comment on est venu. Ces symptômes de perte de mémoire ou de dépersonnalisation deviennent inquiétants lorsqu'ils s'inscrivent dans la durée.

Les personnes touchées par le dédoublement de personnalité

"Pour que que la dépersonnalisation réelle ait lieu, il faut qu'il ait traumatisme profond", affirme le psychologue et psychanalyste, Etienne Dumenil. Ce traumatisme survient généralement durant l'enfance, cependant, il peut s'avérer que des personnes développent à un autre moment de leur vie ce trouble, comme les soldats qui reviennent de la guerre.

Le spécialiste insiste sur le fait que le trouble dissociatif est rare et difficile à diagnostiquer. "On se reconnaît dans ce diagnostic : tout le monde se dit qu'il coexiste en lui différentes parties, être à la fois être une personne libre indépendante avec l'envie de voyager, et qui souhaite en même temps rester auprès de son conjoint et ne pas bouger", explique-t-il. "C'est tout à fait normal de ne pas toujours être d'accord avec soi-même, d'être en contradiction. On a tous en nous des personnalités multiples (...) Il n'existe pas un 'moi', mais des 'moi', qui doivent entrer en relation et bien s'intégrer entre eux", ajoute-t-il.

La dissociation de personnalité touche peu de personnes. Il faut cependant savoir que ce constat est aussi lié au fait que certaines victimes de ce trouble ignorent qu'elles en sont atteintes, ou peuvent avoir été mal diagnostiquées.

* Docteur David Spiegel, Directeur du Centre sur le stress et la santé, et directeur médical du Centre de médecine d’intégration à la Faculté de médecine de l’Université Stanford.
** Etienne Dumenil, psychologue et psychanalyste dans le 9ème arrondissement de Paris.