Première fois nommée à la tête chez France Médias Monde il y a cinq ans, celle qui déclarait «quand une société discrimine les femmes, il est rare qu’elle se porte bien.» lançait son premier chantier au sein de l’entreprise. Instaurer la parité dans le comité des directeurs, veiller à l’égalité salariale et à la représentation féminine à l’antenne comme au choix de documentaires et de films réalisés par des femmes.

Du haut de son bureau du dernier étage, Marie-Christine Saragosse vient d'être re-conduite pour veiller sur le rayonnement de l’actualité française à l’étranger. Très éloignée de l’image polie du haut fonctionnaire de l’Etat, c'est une femme solaire, née dans une famille pied-noir d'Algérie d’un père professeur de gymnastique et d’une mère institutrice, qui vous embarque sur le terrain de la franchise… et de la confidence.

Entretien avec une femme inspirante.

Désirée de Lamarzelle : Le meilleur conseil que l’on vous ait donné dans la vie professionnelle ?

Marie-Christine Saragosse : Je pense qu’il vient de mon directeur lorsque j’étais débutante dans la vie professionnelle. Il m’a conseillé d’arrêter de m’excuser. Je ne m’en rendais pas compte d’ailleurs. Je ne suis pas sûre que c’était seulement des excuses. Je pense que c’est parce que j’essayais de concilier les points de vues, de ne pas y aller en frontale, et je trouve que c’est pas mal quand même d’essayer de concilier les points de vues parfois.

Combattre ou s’adapter ?

Ça dépend des situations. Je pense qu’il faut être capable de combattre tout en essayant de s’adapter, c’est un peu celui qui veut la paix prépare la guerre. Il ne faut pas non plus refuser de combattre. Il faut aussi monter au créneau.

La première fois que vous vous êtes sentie libre ?

Je crois que je me suis toujours sentie libre. La première fois, je me souviens quand j’ai marché et il y avait un petit square c’était en Algérie dans une ville qui s’appelle Skikda, ma mère m’a lâché la main et j’ai marché et là je m’en souviens encore.

Quel est le principal cliché sur les femmes dans la vie professionnelle ?

On a un peu tendance à penser que les femmes sont émotives. Moi, ce n’est pas parce que je suis une femme que je suis émotive mais c’est parce que j’aime les émotions. Je trouve qu’elles font grandir, je trouve qu’elles aident à manager mieux. On m’a expliqué pendant des années qu’au travail on n’avait pas d’émotions. Pourtant c’est un facteur puissant d’évolution dont on se priverait. Et donc je pense que l’une des signatures féminines c’est justement de revendiquer que l’émotion fait partie de la vie et donc aussi du travail.

Votre commentaire sur la phrase de Françoise Giroud :

 La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente 

Oui. Sûrement. En même temps on rêve toutes que ça ne passe pas par nous mais c’est vrai qu’au moment où on a inscrit la parité dans les conseils d’administration, je me souviens que les gens disaient : « il n'y a pas de vivier ». Jean-François Copé a dit " On va bien finir par trouver des femmes aussi incompétentes que des hommes qui actuellement peuplent les conseils d’administration", c’est exactement la même phrase. Oui, je pense qu’on a le droit à l’égalité, même sans être extraordinaire. C’est ça la vraie égalité.

Une femme d’influence qui vous inspire

Ma mère. C’est une femme qui m’a influencé mais je trouve qu’elle chante tellement juste la vie. Elle a le « la ». Souvent je la regarde, elle est vraiment très inspirante. Ma fille aussi d’ailleurs. On fait ça en famille.

Une phrase de Yourcenar « le conformisme est une mauvaise maladie »

Si on écoute le son, « con » et « formisme », c’est même une double maladie. Je pense qu’elle a raison et qu’autant les héritages c’est beau, autant se conformer sans avoir digéré les choses, c’est une soumission qui ne me plait pas.

Un autre métier que vous auriez pu exercer ?

J’aurais été danseuse dans un premier temps comme j’avais commencé à le faire, avec l’envie de faire des chorégraphies, de monter une troupe. C’est peut être ça que j’aurais pu faire.

La petite phrase qui trotte dans votre tête

La joie engendre la victoire.

Un rêve de gosse ?

Je les ai réalisé. Mais ça m’arrive d’en réaliser de nouveaux. Par exemple monter les marches à Cannes alors que j’ai grandi dans cette ville. C’est un petit moment de joie presque enfantine. Enfin j’aspire tous les jours  à réaliser de grands rêves:
L’idéal d’un monde plus juste, de la liberté, de l’égalité des hommes et des femmes, du respect de l’autre, de la diversité, de la liberté de conscience, de la joie de vivre, de l’art de vivre, de la culture. J’essaie de transformer mes rêves en action. C’est un cheminement.