Islande, Norvège, Suède, ces pays squattent régulièrement le haut du classement des contrées les plus égalitaires au monde. Y aurait-il une recette miracle à adopter ? Car si ces nations réussissent mieux que les autres à atteindre l'égalité de genre, c'est bien que les enfants doivent aussi être éduqués selon ces valeurs, ou au moins travailler sur ces questions à l'école.

« C'est un petit plus complexe que cela », nuance d'entrée de jeu Francesca Borgonovi, analyste à la direction de l’éducation de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). La spécialiste nous rappelle en effet que si globalement les Islandais, Norvégiens ou Suédois sont champions de l'égalité, on y compte toujours moins de filles que de garçons dans les filières scientifiques, techniques, d'ingénierie ou de mathématiques. Elle salue néanmoins les nombreuses expérimentations en cours dans ces pays, où une attention particulière est accordée aux questions de genre. En voici quelques exemples.

Vidéo du jour

En Norvège : petits garçons aux petits soins

« Gutter gir omsorg ». Derrière cette poésie norvégienne se cache le nom d'un dispositif lancé dans la ville portuaire d'Arendal, à l'école Myra, dans le cadre du projet « Fritt Valg » (libre choix). Littéralement, le concept se traduit par « les garçons donnent des soins ». Comme son nom l'indique, grâce à cette initiative, les garçonnets s'essayent à la bienveillance et doivent assumer des responsabilités de care – une compétence trop souvent perçue comme réservée aux femmes.

Par exemple, ils peuvent créer des « sentiers d'activité physique », soit des parcours sportifs adaptés aux plus petits, auxquels ils serviront de guides, d'accompagnateurs ou de soutien. Ou alors, ils passent un moment avec les plus jeunes à la bibliothèque et leur lisent des histoires. Ainsi, de manière très concrète, ils apprennent à prendre soin des autres tout en étant responsabilisés. La mesure a connu un tel succès qu'elle a même été estampillée « exemple à suivre » dans le plan d'action gouvernemental pour l'égalité de genre en 2014. Sur Internet, une boîte à outils contenant toutes les recettes du projet « Fritt Valg » (libre choix) est depuis mise à disposition des enseignants et animateurs de crèche.

En Suède : un carnet de bord des interactions

Voilà plusieurs décennies que des projets autour de l'égalité filles-garçons ont été développés en Suède. Dès les années 1990, la lutte contre les stéréotypes sexistes a occupé une place de choix dans les établissements scolaires. Et les instits ont aussi mis la main à la pâte.

Au début des années 2000, par exemple, dans certaines écoles maternelles, les enseignants ont été encouragés à tenir un carnet quotidien de leurs activités. Pourtant convaincus de traiter les filles et les garçons de manière égale, ils se sont aperçus grâce à ce journal de bord qu'ils restaient enfermés dans des schémas sexistes lors de leurs interactions avec les enfants. Les maîtres et maîtresses répondaient ainsi plus vite aux besoins ou aux questions des écoliers, les autorisant également à prendre plus de place ou à faire plus de bruit que les écolières. Sans le vouloir, les enseignants inculquaient donc à leurs élèves l'idée que les hommes s'avèrent plus importants que les femmes et qu'ils disposent de plus de pouvoir qu'elles. Des signaux quasi imperceptibles, mais marquant durablement les enfants, dont les professeurs ont pris conscience grâce à leur carnet de bord. Et qu'ils ont donc pu corriger.

En Islande : des études de genre dès le secondaire

Tout commence en 2007 quand une enseignante de Borgarholtsskóli décide de proposer à ses élèves de lycée un cours sur le genre, en option. Le succès fulgurant de sa classe l'amène alors à former d'autres professeurs du secondaire. Outillés et bien inspirés, ils deviennent à leur tour capables de transmettre leur savoir sur le sujet. On est loin de la polémique française sur les ABCD de l'égalité et la fumeuse « théorie du genre ». Bien loin même, puisque la réussite a essaimé dans tout le pays et que des cours optionnels en études de genre ont été proposés dans 23 écoles secondaires sur 33 dans le pays, sur proposition des enseignants. Les associations de défense des droits humains et des droits des femmes militent désormais pour rendre cette matière obligatoire.

Ces initiatives semblent toutes simples et c'est bien là leur avantage. Faciles à mettre en place, de tels dispositifs pourraient inspirer nos propres méthodes d'éducation. Et pourquoi pas permettre de hisser la France en haut du podium mondial de l'égalité.