Le printemps, c'est surtout la saison du sol

Par Masami Charlotte Lavault
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Chaque mois, la floricultrice Masami Charlotte Lavault partage un enseignement de son jardin parisien*, situé au cœur de Belleville. En avril, elle nous explique comment prendre soin de ce peuple du dessous qui s'active pour que les fleurs jaillissent à la fin de l'été.

Je ne crois pas avoir jamais entendu quiconque habitant dans l'hémisphère nord affirmer ne pas aimer le printemps : le soulagement de laisser derrière soi la rigueur hivernale, la fête intérieure en anticipation des jours longs à venir, la tiédeur de l'air qui ferait presque croire que nos peaux et l'atmosphère ont la même température.

C'est fascinant d'imaginer que près de 7 milliards d'esprits – car 90 % de la population mondiale vit dans la moitié nord de la planète – partagent probablement ces pensées simples, quasiment au même moment, tout cela grâce aux 23 petits degrés d'inclinaison de l'axe de notre Terre. 

Le spectacle du printemps

Une idée qui semble aussi vivre dans bien des têtes, c'est que le printemps est une saison d'abondance de vie, de fleurs, de fruits et de légumes frais.

Pourtant, étymologiquement, le printemps, c'est le premier temps, 'primus tempus'. Dans ma ferme florale parisienne, je le vois bien, le spectacle commence à peine : le champ ressemble plutôt à des coulisses mal rangées.

On voit de-ci de-là des pousses qui poussent, certaines bizarrement en avance, d'autres très en retard, des graines qui sortent capricieusement de leur sommeil – joliment appelé dormance – et tout ce peuple végétal quitter ses habits marron pour enfiler son verdissant costume du premier acte.

Au deuxième acte, le début de l'été, les solaires feux de la rampe inondent la scène, résolument verte ; on entend des chœurs de feuilles et de vent.

Vidéo du jour

Ce n'est qu'au troisième acte qu'arriveront les fleurs et, à l'approche de l'automne, les fruits. Patience, donc. Mais sous les planches, sous le velours brun de la terre, s'active sans relâche un immense bureau de production, de communication, d'administration, de logistique : des millions d'espèces de bactéries, de champignons, d'algues, d'insectes…

L'équipe de l'ombre

Une fine équipe dont certains membres sont les pionniers de la vie sur terre, apparus il y a trois milliards d'années.

Ce cosmos (monde, en latin) qui vit sous nos pieds, je me suis promis de le soigner toute l'année et, pour moi, le printemps, c'est surtout la saison du sol.

Je me sens cultivatrice de fleurs et éleveuse de micro-organismes.

Et l'un des meilleurs services qu'on peut rendre à ce peuple du dessous, c'est de le couvrir – de foin, de bois broyé, de feuilles, de plantes vivantes et photosynthétisantes – car il aime travailler dans l'ombre. Alors oui, en avril, on ne le découvre pas d'un fil.

(*) pleinair.paris

Ce papier est initialement paru dans le n°824 de Marie Claire, daté de mai 2021.

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