Le lotus, symbole d'élévation

Par Masami Charlotte Lavault
lotus charlotte masami
Chaque mois, la floricultrice parisienne* Masami Charlotte Lavault partage un enseignement de son jardin au cœur de Belleville. En janvier, quand les fleurs sommeillent encore, elle se souvient du Nelumbo nucifera, fleur sacrée pour les bouddhistes qui accompagne le passage dans l'au-delà.

Photo Fred Lahache Dans ma ferme floricole parisienne, je traverse encore un mois vide de fleurs. Pourtant, je considère que c'est le mois de Janus bifrons, le dieu romain des transitions, avec ses deux visages – l'un tourné vers le passé, l'autre vers le futur – qui en exprime peut-être le mieux l'essence.

Vives beautés promises à une fin certaine, les fleurs sont de si justes accompagnatrices de l'intensité des rites de passage – les naissances, les unions, les fêtes, les deuils. Une fleur bien particulière marque pour moi notre ultime transition : le lotus.

Le lotus, organe délicat

Adolescente, j'ai eu l'immense privilège – à notre époque qui cache la mort, la repousse derrière les murs des hôpitaux, des maisons de retraite, et la signifie à peine avec des rites funéraires qui ne nous laissent passer que peu de temps avec nos défunt·es – de pouvoir accompagner le départ d'un membre de ma famille japonaise. Pendant les jours de coma profond qui ont précédé son décès, nous avons pu rester à ses côtés, lui tenir la main, et lui faire écouter le Sutra du Lotus.

À travers les écouteurs qu'on lui avait glissés dans les oreilles, j'entendais des fragments de ces sons gutturaux que je ne connais qu'aux moines bouddhistes, transformant en incantation vibrante ce texte vieux de deux mille ans, qui serait le dernier enseignement que Bouddha aurait prodigué à la fin de sa vie terrestre. Quelle beauté d'avoir été accompagné·es, par le son et la pensée, par le lotus sacré, le Nelumbo nucifera.

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Parce que la fleur de cette plante aquatique émerge bien au-dessus de la surface de l'eau – ce qui la distingue des nymphéas ou nénuphars, avec lesquels on la confond parfois – elle symbolise l'élévation. Son épaisse racine, installée dans la boue et la vase (la fange des souffrances terrestres, dans la conception bouddhiste) qui tapisse le fond des étangs et autres plans d'eau stagnante, semble peu élégante de prime abord, mais se révèle être un organe délicat, fragile, cassant même.

Au fond de l'eau, au fond de la terre, le cœur de ce gros tubercule est une réplique du ciel : des chambres creuses, emplies d'air, d'oxygène – des bulles cachées, par lesquelles le lotus respire, même au plus profond de l'hiver, au plus profond de la boue.

(*) pleinair.paris

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