L'interview télévisée avait bouleversé la famille royale d'Angleterre, même conduit la reine Elizabeth II à ordonner à son fils et Lady Diana de divorcer rapidement, dans l'intérêt du pays. En 1995, devant presque 23 millions de téléspectateurs, Diana Spencer se confie au journaliste Martin Bashir, dans l'émission Panorama diffusée sur la BBC

Dans cette séquence choc, la mère des princes William et Harry se livrait sur son rôle au sein de la famille royale britannique, sa dépression et son mariage malheureux avec le prince de Galles. "Il y avait trois personnes dans ce mariage", lâchait-elle alors, en référence à la relation amoureuse entre le prince Charles, et Camilla Parker-Bowles.

Vidéo du jour

Mais comment le presque inconnu Martin Bashir - aujourd'hui l'un des plus célèbres journaliste outre-Manche, puisque sa carrière a décollé après ce coup d'éclat - avait-il pu décrocher une telle interview-choc en cette période troublée pour la royal family ?

Via Charles Spencer, frère cadet de l'invitée, à qui l'intervieweur avait montré des relevés bancaires "prouvant" que deux employés de la Couronne étaient payés pour espionner sa sœur séparée du prince Charles depuis 1992. Le but de Martin Bashir ? Pousser avec ses preuves Charles Spencer à lui faire rencontrer la princesse, pour persuader ensuite celle-ci de venir sur son plateau-télé s'exprimer (et accabler la famille royale, au passage).

Après des conclusions accablantes de l'enquête, Martin Bashir s'excuse

Mais l'an passé, le comte Spencer a publiquement fait part de ses interrogations quant à la véracité de ces documents - alors qu'une première enquête en 1996 avait blanchi le journaliste. Le 18 novembre 2020, la BBC a alors chargé Lord Dyson, ancien juge à la Cour suprême, d'enquêter sur les conditions d'obtention de cette interview. Et les conclusions de son rapport, rendues publiques le 20 mai dans un documentaire diffusé par la chaîne elle-même, sont accablantes pour Martin Bashir.

Non seulement le journaliste a falsifié des documents afin de manipuler la fratrie Spencer, mais de plus, il a menti à sa direction en affirmant n'avoir jamais présenté de fausses preuves à personne. "Si je n'avais pas vu ces relevés, je n'aurais jamais présenté Bashir à ma sœur", regrette Charles Spencer dans une lettre destinée à la BBC. "En montrant au comte Spencer ces fausses déclarations (…) M. Bashir l’a trompé et l’a incité à organiser une rencontre avec la princesse Diana", accuse le rapport, qui qualifie l'acte décrit de "grave infraction" aux règles éditoriales de la BBC.

Une semaine avant la diffusion de ce documentaire, Martin Bashir a présenté sa démission à la chaîne publique, pour problèmes de santé. Le 20 mai, il s'est excusé et dit regretter l'utilisation de ses méthodes malhonnêtes, mais affirme, dans le même temps, que ce ne sont pas ces documents qui ont encouragé Diana à s'exprimer. 

Dans une interview accordée au Sunday Times, publiée le 23 mai, il se dit "profondément désolé", en s'adressant aux princes William et Harry. "Je n’ai jamais voulu nuire à Diana de quelque manière que ce soit, et je ne crois pas que nous l’ayons fait, a-t-il poursuivi. Tout ce que nous avons fait en termes d'interview était comme elle le souhaitait, du moment où elle voulait alerter le palais, au moment de sa diffusion, à son contenu ... Ma famille et moi l'avons aimée."

Il a également déclaré : " Je ne crois que je puisse être tenu responsable de nombre des choses qui se passaient dans sa vie et des problèmes complexes qui entouraient ces décision." "Suggérer que je suis responsable individuellement est déraisonnable et injuste", conclut-il dans les colonnes du quotidien britannique. 

"Les conditions d’obtention de son interview sont loin de ce qu’une audience est en droit d’attendre", reconnaît dans un communiqué Tim Davie, directeur général de la BBC, qui dit "accepter les conclusions" de cette enquête. La grande chaîne a présenté ses "excuses inconditionnelles", tout en publiant une lettre datant de décembre 1995, écrite de la main de Lady Diana, et relayée par Le Temps, afin de prouver que cette dernière avait une réelle envie de se confier. 

Furieux et peinés, Harry et William ont réagi

Les deux fils de la princesse disparue n'avaient pas tardé à réagir aux résultats de l'enquête.

"Selon moi, la manière trompeuse dont l'interview a été obtenue a considérablement influencé ce que ma mère a dit", a ainsi déclaré le prince William, face caméra, dans une vidéo de deux minutes publiée jeudi 20 mai dans la soirée sur le compte Twitter officiel de Kensington Royal. Et d'asséner : "L'interview a grandement contribué à l'aggravation de la relation entre mes parents et a depuis blessé d'innombrables autres personnes".

Elle a été trahie non seulement par un journaliste voyou, mais par des dirigeants de la BBC qui ont regardé ailleurs

"Ce qui m'attriste le plus, c'est que si la BBC avait correctement enquêté sur les plaintes et préoccupations soulevées pour la première fois en 1995, ma mère aurait su qu'elle avait été trompée", regrette encore le prince William. "Elle a été trahie non seulement par un journaliste voyou, mais par des dirigeants de la BBC qui ont regardé ailleurs plutôt que de poser les questions qui fâchent", poursuit-il, peiné.

"Cette enquête indépendante est un pas dans la bonne direction", pense-t-il finalement, remerciant Lord Dyson pour son rapport. Si l'époux de Kate Middleton salue cette initiative tardive de la BBC, il demande à la chaîne d'enterrer l'émission Panorama, qui, selon lui,"n’a aucune légitimité et ne devrait plus jamais être diffusée". 

De son côté, le prince Harry a réagi par écrit, dans un communiqué. "Notre mère était une femme incroyable qui a consacré sa vie au service des autres. Elle était résiliente, courageuse et incontestablement honnête. (...) Les conséquences de cette culture et de pratiques non-éthiques lui ont finalement coûté la vie (...)"

Et de conclure, soucieux : "Ce qui m'inquiète profondément, c'est que ce genre de pratiques - et d'autres pires encore - sont encore répandues aujourd'hui". Une pensée à peine cachée pour son épouse Meghan Markle et le traitement médiatique, parfois haineux et raciste, qu'elle subit.