Vous pensiez avoir le droit à une vieillesse paisible ? Finies, enfin, les inégalités au travail, les doubles journées à rallonge, les carrières freinées. Mais la retraite, mesdames, n'a rien d'égalitaire. Au contraire, même après des années de labeur – au travail, au foyer et/ou les deux – la reconnaissance n'arrive pas. Pire, c'est encore et toujours cette bonne vieille inégalité qui prime.

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Tout commence sur le lieu de travail. Selon l'Insee, 80% des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes et les écarts de salaire avoisinent les 24% entre les deux sexes. Évidemment, cela a une incidence sur le niveau de la retraite ensuite. Et pas des moindres. Car, comme le rappelle Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l’égalité, à nos consoeurs de Elle*,
« conçu dans les années 45, dans une société patriarcale, le système de retraite actuel est inadapté. Il n’est plus d’actualité. Il reflète les inégalités professionnelles et tend à les amplifier et le système de compensation est lui-même obsolète et inégalitaire puisqu’il dépend du salaire. »

Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les chiffres. Ceux de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et de son panorama 2018 « Les retraités et les retraites » sont éloquents.

Une retraite en moyenne inférieure de 39% de celle des hommes

D'abord, pour les femmes, la pension de droit direct, c'est à dire la retraite dont on parle classiquement, celle acquise en contrepartie de l'activité professionnelle, est inférieure de 39% en moyenne à celle des hommes. En 2016, elle s'élève à 1065 euros par mois pour les femmes et à 1739 euros pour les hommes. Un écart qui reflète, comme un miroir grossissant, celui des salaires.

Cette différence peut néanmoins s'atténuer car « après l’ajout des droits dérivés, l’écart de pension s’établit alors à 25% », note la DRESS. De quoi s'agit-il ici ? Des pensions de réversion, dont les femmes bénéficient en majorité, c'est-à-dire qu'elles touchent une partie de la retraite de leur époux après son décès. Attention cependant, ces pensions ne concernent que les couples mariés, tant pis donc pour celles et ceux ayant vécu en concubinage ou simplement pacsés. Les femmes représentent 89% des bénéficiaires de ces pensions de droit dérivé. Elles sont également surreprésentées parmi les personnes percevant uniquement cette pension de réversion, sans cumul avec d'autres droits à la retraite. C'est-à-dire qu'elles ne touchent que cet argent de leur défunt mari, et pas de retraite propre.

« Sujet sensible », d'après Le Monde** qui rappelle que l'avenir de ces pensions de réversion après la réforme des retraites a été l'objet d'une vive polémique au printemps dernier. S'il le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye « a assuré que ce mécanisme ne serait pas supprimé pour celles et ceux qui le touchent déjà, on ne sait pas encore comment seront harmonisés les dispositifs très hétérogènes qui existent aujourd’hui. »

Seule consolation, si l'on en croit la DRESS, « les femmes représentent une part grandissante des retraités de droit direct, car elles sont de plus en plus nombreuses au fil des générations à avoir participé au marché du travail. Leur part est passée de 50,8% en 2004 à 52% en 2016. » En clair, de plus en plus de salariées, avec aussi de meilleurs diplômes, creusent leur trou et se préparent une retraite bien méritée.

Les carrières en pointillés

Autre problème rencontré par les retraitées : les carrières hachées. Car qui s'arrête de travailler ou met ses ambitions entre parenthèses quand arrivent les enfants ? Les mères, dans l'écrasante majorité des cas. À tel point que, les hommes cotisent, en moyenne, 40 trimestres de plus que les femmes. « Reflet d’une moindre participation de ces dernières au marché du travail », souligne la DRESS. L'écart tendrait pourtant à se réduire au fil des générations, notamment du fait de l'arrivée massive de ces dames sur le marché du travail.

Aussi, les politiques publiques ont pu compenser cette inégalité, notamment avec les trimestres de majoration accordés aux femmes à chaque naissance. Ainsi, pour chaque bébé, une femme acquiert quatre trimestres de retraite au titre de la grossesse et de l'accouchement. La pension peut également être majorée dès trois enfants, mais pour les deux parents, creusant ainsi de nouveau l'écart femmes-hommes, dans le cas d'un couple hétérosexuel.

À l'heure actuelle, le gouvernement s'apprête à mener une réforme des retraites. L'occasion de se rappeler que l'égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale du quinquennat et qu'il serait bon que les travailleuses ne soient pas oubliées.

*Elle.fr, « Les femmes et la retraite : 3 questions à Olga Trostiansky », 14 janvier 2019

**Le Monde, « La réforme des retraites corrigera-t-elle les inégalités femmes-hommes ? », 15 janvier 2019