Les présentations de collections Croisière sont coutumières des voyages lointains, de tous les dépaysements. Mais pour sa Cruise 2022, Nicolas Ghesquière, directeur artistique de Louis Vuitton, a choisi la proximité.
Dans cette oeuvre à ciel ouvert, il y a une vision universelle.
L’évasion presque immobile. Menant au passage une réflexion subtile sur le sens du mouvement… et, parfois, sa vacuité.
Ville nouvelle pour vie nouvelle
Cap sur Cergy-Pontoise, ville nouvelle au nord-ouest de Paris. Géographie nouvelle pour ouvrir une histoire neuve, après l’année qui vient de s’écouler. Ville de l’écrivaine Annie Ernaux, aussi, dont elle a si souvent fait le matériau de ses textes ("Les jours de soleil comme aujourd’hui les arêtes des immeubles déchirent le ciel, les panneaux de verre irradient. Je vis dans la Ville Nouvelle depuis douze ans et je ne sais pas à quoi elle ressemble" écrit-elle dans "Journal du dehors", éditions Gallimard).
Le créateur a-t-il pensé à l’auteure culte en choisissant pour théâtre de son défilé "L’axe majeur", œuvre monumentale du sculpteur et plasticien Dani Karavan ? Peut-être. En tout cas, comme à Rio ou Kyoto précédemment, il a orchestré un jeu d’écho entre l’architecture, le paysage et les vêtements qui défilaient.
"Dans cette oeuvre à ciel ouvert, il y a une vision universelle, une sorte de graphisme bucolique, entre le naturel et l’artificiel, quelque chose de très serein, un bel équilibre", dit Nicolas Ghesquière.
Il faut voir, en effet, cette passerelle carmin se détacher sur le ciel bleu et les étendues de pelouse et de forêt, ce sol réfléchissant, ces colonnes presque antiques s’élevant vers l’infini.
On peut voyager dans sa chambre, se créer ses propres horizons.
Dans ce décor intemporel et sur le rythme électronique d’un morceau d’Arcade fire ("Entre la nuit, la nuit et l’aurore/Entre les voyants, les vivants et les morts"), le créateur a propulsé des silhouettes affûtées, comme toujours, marquées par les figures géométriques, le futurisme, l’idée de conquête, spatiale ou intime.
Le tout s’entrechoquant avec des références rétro - vestes d’uniforme, robes trois-trous, capes médiévales, jupettes modernistes…
"C’est un voyage immobile, qui passe par le vêtement, commente encore Nicolas Ghesquière. On peut voyager dans sa chambre, se créer ses propres horizons. Cette drôle d’année aura pu servir à cela, inventer ses moments de sérénité". Comme une synthèse joyeuse de ce qu’on a traversé.