Cachez ce rose que je ne saurais voir… Dans la famille des couleurs les plus détestées, le rose figure parmi les plus citées.
De prime abord associé à l’amour, à la douceur, au soin, le rose est aussi péjorativement perçu comme une teinte féminine et enfantine.
Une couleur genrée, ami de la jeunesse et de la fragilité, mais aussi, selon sa teinte, de la superficialité et de la vulgarité (féminine, toujours). Pourtant, autrefois couleur des garçons, le rose regagne peu à peu en popularité, devenant progressivement symbole de force et d’indépendance.
Le rose, entre féminité et enfance
Quand on pense au rose, on pense immédiatement aux petites filles.
Fondamentalement, la couleur nous évoque malgré nous, les jouets des filles - à la poupée Barbie - leurs vêtements, leur décoration de chambre... Bref, à tout ce qui touche aux filles. Aux filles et moins aux femmes. Car le rose, en plus d’être genré, est associé à l’enfance, à l’immaturité, à la naïveté.
Pourtant, “dans l’histoire le rose a aussi été une couleur d’homme. Tout simplement parce que c’était une variation du rouge. Le rose est devenue une couleur féminine quand on a érotisé la chair. Quand la chair devient sexualisée, cette couleur va devenir de plus en plus féminine”, explique Pierre-William Fregonese, auteur de L'invention du rose dans une vidéo pour Brut.
Une couleur d'abord "masculine", dont l’association avec la féminité a commencé vers le milieu du 19ème siècle. C'est ce que confirme à CNN Valerie Steele, autrice de Pink : The History of a Punk, Pretty, Powerful Color : “la féminisation du rose a vraiment commencé là-bas. Le rose est devenu l’expression de la délicatesse”, dévoile-t-elle.
De fil en aiguilles, le rose s’est peu à peu rattaché aux qualités et attributs (soi-disant) féminins que sont la douceur, le calme, l'empathie. Puis la couleur s'est sexualisée, s'associant à l’érotisme et à l’amour.
Une couleur synonyme d'amour, de calme et de soin
Mais le rose est aussi associé à des émois positifs.
Chantal Maille, psychanalyste et psychothérapeute explique sur son site que “la signification de la couleur rose est émotionnelle, car elle évoque des sentiments tels que la douceur, l’affection et la tendresse dans leur forme la plus pure. De plus, pour beaucoup, c’est le symbole de l’amour romantique et du bonheur”.
Et une étude de 2020 est venu le confirmer : les chercheur.euses ont examiné les associations émotionnelles de 4 598 personnes de 30 pays différents, révélant que les gens associent certaines couleurs à des émotions spécifiques. Selon les résultats de l’étude, 50% des répondant.es reliaient le rose à l’amour.
Une couleur qui fait aussi penser à la joie - “la vie en rose” - à l'apaisement et au soin. Par exemple, la campagne de sensibilisation au cancer du sein est rose, tout comme les produits associés à l’hygiène personnelle, ainsi que ceux liés aux bébés, sont aussi généralement présentés dans ces teintes.
Le rose est votre couleur préférée…
Alors si vous aimez le rose, qu’est-ce que cela signifie ? D’abord, les études établissant des liens entre les couleurs et les traits de personnalité manquent de fondement scientifiques.
De plus, “la psychologie derrière toute couleur peut dépendre de nombreux facteurs différents. Les expériences passées, les influences culturelles, les goûts personnels et d’autres facteurs peuvent tous avoir un impact sur ce qu’une personne ressent à propos d’une couleur particulière, y compris le rose”, rappelle Kendra Cherry, auteure de Everything Psychology Book, à Very Well Mind.
Mais d’après le site spécialisé Adobe, en tant que teinte à la frontière du rouge, le rose nous affecte “physiquement, mais il apaise plutôt qu'il ne stimule”, peut-on lire dans un article dédié.
Et comme chaque couleur, tout va dépendre de la teinte. “La teinte spécifique du rose peut influer sur les associations et les significations. Un rose clair est souvent perçu comme doux, apaisant et paisible, tandis qu'un rose vif peut être perçu comme audacieux, excitant et alarmant”, détaille l’experte au média.
"Toutes les couleurs ont des complications. Mais je pense que le rose est l’un des plus controversés"
Finalement, encore aujourd’hui, le rose est ambivalent, complexe, équivoque.
“Toutes les couleurs ont des complications. Mais je pense que le rose est l’un des plus controversés – et l’un des plus clivants, aussi. Elle suscite des émotions très fortes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises”, déclare toujours Valerie Steele, à CNN.
Et pour les femmes, il est synonyme de coût. En effet, si vous avez déjà acheté des rasoirs, des déodorants, des crèmes, quelque chose au rayon “fille”, vous êtes tombé.e sur des produits bleus pour les hommes et roses pour les femmes. Avec des différences le prix allant parfois de 2 à 3 euros d’écart : c’est ce qu’on appelle la taxe rose (augmentation du prix des articles destinés aux femmes).
En parallèle, hommes, femmes et féministes se battent pour se réapproprier cette couleur, qu'elles veulent désormais assimiler à la puissance, à l’élégance, à la maturité, à la liberté. “Le rose connaît aujourd'hui une phase 'cool' : Il est branché, il est androgyne, il est fort. Et il est là pour rester”, précise l’autrice au média américain.
Une couleur qui se réhabilite peu à peu, aussi haïe qu’adulée, qui nous apaise autant qu’elle nous exaspère.
“La société s'éloigne de plus en plus de l'idée qu'il s'agit d'une teinte enfantine et sur-sexualisée. Tout le monde reconnaît que le rose peut être beau et puissant, féminin et féministe. Les hommes s'y intéressent également, comme ils le faisaient au XVIIIe siècle. Nous sommes en train de recadrer le rose”, conclut Valerie Steele.