Ce qu'il se passe dans le corps quand on a peur

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Changement climatique, pandémie de Covid-19 ou simple film d'horreur : nombreux sont les facteurs qui peuvent faire naître en nous un sentiment de peur. Mais poussée par notre instinct de survie, la peur déclenche dans notre organisme de nombreuses réactions physiologiques, censées nous permettre de survivre à une menace, réelle ou imaginée. Explications.

La peur fait partie de nos émotions primaires, tout comme la joie, la tristesse ou encore la colère.

Impopulaire car désagréable et parfois même paralysante, la peur est pourtant vitale : “la peur est l’une de nos plus grandes amies. C’est grâce à elle que le genre humain a pu survivre jusqu’à aujourd’hui”, commence Jean-Michel Jakobowicz dans son livre Exploitez les pouvoirs extraordinaires de votre cerveau (Leduc, 2023). Son but ? “Préserver notre intégrité physique et psychique”, écrit l'auteur.

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En effet, la peur a une fonction bien précise. "Elle arrive lorsqu'on se retrouve face à une situation qu'on ne peut pas réellement contrôler. Et bien qu'elle soit souvent associée à un événement négatif, la peur arrive aussi lors d'un événement considéré comme pertinent et important pour nos besoins et notre survie. On sent que quelque chose peut nous arriver. Et ceci va ensuite mettre en place toutes les réactions physiologiques", ajoute Yoann Stussi, chercheur au centre interfacultaire en sciences affectives à l'Université de Genève. 

Des réactions corporelles et psychologiques qui varient selon les personnes mais surtout selon l‘imminence de la menace. "On estime à quel point le danger est proche de nous, physiquement et temporellement, ou alors s'il est éloigné", reprend le chercheur suisse. Ainsi, lorsque nous ressentons cette émotion instinctive, “nous avons trois options : nous battre, fuir ou rester immobile (pour passer inaperçus)”, détaille de son côté Ana Margarida Pinto, doctorante à l’École normale supérieure (ENS), à The Conversation.

Mais alors, que se passe-t-il réellement dans notre corps quand on a peur ? 

Sudation, battements cardiaques et organes en action 

C'est notre capacité à agir ou non, sur l'instant, qui va venir enclencher différents mécanismes dans notre corps.

D'abord, "si la menace est éloignée, il y a aura une mobilisation des ressources physiologiques pour éviter la menace. Typiquement, on va avoir une augmentation du rythme cardiaque, une sudation de la peau, on transpire un peu plus. L'idée est qu'on va mobiliser toutes les ressources des comportements qui évitent la menace. C’est le cas quand on veut s’échapper par exemple", explique Yoann Stussi.

Si la menace est sérieuse, mais que l'on peut s'échapper, c'est notre système nerveux sympathique qui prend le relais. 

"Le système nerveux sympathique facilite l’action. Il permet une concentration des ressources d’énergies pour agir, c'est-à-dire qu'on aura une augmentation du rythme cardiaque pour permettre d'enclencher un afflux sanguin dans les membres, notamment les jambes", détaille le chercheur. Mais le système nerveux sympathique agit en coordination avec le système parasympathique. "Celui-ci est dirigé vers des aspects tels que la digestion. Donc on va diminuer l'activation de ce système parasympathique", continue-t-il.

Et c'est notre système nerveux sympathique "qui déclenche la libération d’adrénaline et d’autres hormones du stress", continue Ana Margarida Pinto. Confronté.e à ce qui nous paraît être un danger potentiellement mortel pour notre vie, notre corps se focalise sur les organes et systèmes indispensables, car “le moment n’est pas à la réflexion mais à l’action”, reprend l'auteur Jean-Michel Jakobowicz. Mais aussi complexe soit-il, ce processus physiologique ne dure que quelques millisecondes

L'amygdale comme chef d'orchestre

Autre possibilité : nous nous retrouvons coincé.e, incapables d'éviter la menace. Comment faire alors ? "Il va y avoir plus de réactions défensives, comme celle de sidération. On est complètement bloqué, on arrête de bouger. Ce phénomène est observé chez l'animal mais aussi chez l'être humain. On se fait le plus petit possible, pour ne pas se faire remarquer par la source de la menace", reprend Yoann Stussi. Et ceci se ressent directement dans notre corps : notre rythme cardiaque diminue, on transpire moins. 

Finalement, "on va essayer de déclencher un évitement des dépenses énergétiques pour éviter de bouger et de se faire repérer", ajoute le spécialiste. Nous sommes littéralement paralysé.e par notre propre organisme. Nous sommes surpris.e par la menace. Dans ce cas, il est possible que "nos yeux s’écarquillent pour améliorer notre vision périphérique afin de mieux traiter notre environnement", reprend Rachael Sharman, maître de conférences en psychologie à l'Université de la Sunshine Coast, pour The Conversation

Mais c'est notre amygdale qui va en fait décider de notre réaction, en tant que chef d'orchestre. "C'est une région impliquée dans les émotions. Certains noyaux vont permettre de détecter si le stimulus est pertinent. D'autres vont déclencher des réponses physiologique associées. Par exemple, si l'on a évalué le stimulus comme menaçant mais qu’on peut s’échapper, ils déclenchent des réactions qui mobilisent les efforts pour la suite. Si l'on ne peut pas s’échapper, ils génèrent des réponses de blocage", continue le scientifique. 

Des réactions qui diffèrent en fonction de notre vécu et du moment  

Toutefois, la peur reste une émotion subjective. Elle varie selon notre histoire, nos apprentissages et notre perception des choses sur l’instant. La peur se manifeste différemment selon les personnes et les moments : il n'y aura pas de réponse unique. "Il y a des différences interindividuelles. Cette émotion de la peur qu'on ressent n’est pas équivalente entre les personnes. La façon dont on va évaluer qu'un certain événement est menaçant pour nous peut dépendre du vécu passé", ajoute le chercheur en sciences affectives. 

De ce fait, les personnes atteintes de stress post-traumatique vont gérer différemment ce qu'ils considèrent comme une menace. "Par exemple il peut y avoir certains objets qui évoquent des souvenirs associés et déclenche des réactions de peur même si en tant que tel, ce n’est pas menaçant pour eux", ajoute Yoann Stussi. Mais, "si la peur devient inadaptée au contexte et excessive dans son déclenchement, son intensité ou sa durée, on bascule alors vers l’anxiété”, précise Philippe Fossati, psychiatre, au journal du CNRS.

Pour finir, certain.es chercheur.euses évoquent la création, dans l'hippocampe, d'"une mémoire de la peur”, une boîte à souvenirs des moments qui nous ont effrayés, où les détails de ces événements seraient stockés. "L'hippocampe est utilisé pour encoder la mémoire, c'est là qu’on crée de nouveaux souvenirs. Mais c'est très débattu que le stockage de la mémoire y soit également", avertit Yoann Stussi. Des processus physiologiques complexes qu'il faudra encore déchiffrer pour, peut-être un jour, apprendre à dompter nos peurs. 

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