Je suis HPI et voici ce qu'il se passe dans ma tête

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Sarah Zitouni a 32 ans. Diagnostiquée surdouée à l'âge de 6 ans, elle a navigué toute sa scolarité dans une mer remplie de personnes qui ne réfléchissaient pas comme elle. Vraie caméléon, celle qui est aujourd'hui la plus jeune directrice de la stratégie dans l'automobile appuie qu'être HPI, ce n'est pas qu'une partie de plaisir. Voici ce qu'il se passe dans sa tête.

"À l’époque de mon diagnostic, on parlait de surdoués. C'est l’école qui a d'abord suspecté que je l’étais. Ils en ont parlé à mes parents et ont recommandé une psychologue pour que je puisse passer les tests. J’avais 6 ans. 

Je me souviens à tel point de ces tests que ça m’épuise de les voir de partout aujourd’hui. C’était stressant pour moi d’être toute seule dans une pièce avec une dame que je ne connaissais pas, alors que ma mère ne me laissait jamais seule nulle part. Je ne savais pas vraiment pourquoi j’étais là, si c’était une punition ou non. La seule chose qu'on m'a dite, c'était que ces évaluations allaient être chronométrées.

Depuis, j’ai un vague résidu de stress autour de cette situation. Ça m'est déjà arrivé de passer les mêmes tests de logique lors d'entretiens pour de grandes boîtes. Ça m'angoisse instantanément, j’ai l’impression que si je me plante, ça va être une cata. Même les grands tests du QI à la télé, ça réveilledes choses chez moi. 

Penser constamment en arborescence

À 6 ans, je ne me rendais pas compte que j’étais différente des enfants de mon âge car j’étais trop jeune, mais les personnes autour de moi en avaient conscience. J’étais harcelée par mes camarades dès le CP et ma famille m'a aussi avoué plus tard avoir compris que je n'étais pas 'comme les autres'.

Pour autant, rien n’a changé pour moi. Je n’appartenais pas à un milieu social où il a été possible de changer d’école pour aller dans un établissement qui n’était pas déjà débordé. On m’a fait sauter une classe en primaire, puis au collège. Ça me permettait d’être challengée pendant quelques mois, le temps que je rattrape le programme. Puis une fois rattrapé, je continuais à m'ennuyer. 

Je ne réfléchis pas de façon linéaire, tout est en arborescence dans ma tête. 

Vidéo du jour

Au fur et à mesure, c’est moi qui ai changé pour m’adapter (masking) pour que je puisse me connecter au mieux au monde 'normal' autour de moi. J’ai même essayé d’avoir des moins bonnes notes en classe et de moins répondre aux questions des professeurs pour avoir des copines.

Quand on pense HPI, on pense que notre cerveau fonctionne comme celui des neurotypiques, mais plus vite. Sauf que ce n’est pas du tout ça. Si on arrive à une conclusion plus rapidement, c’est parce que notre cerveau ne fonctionne pas du tout comme le vôtre.

Moi, je ne réfléchis pas de façon linéaire, tout est en arborescence dans ma tête. Toutes les pensées que j’aies et les réflexions que je fais sur un sujet sont des liens qui sont créés en toile d’araignée et c’est ça qui me permet d’aller plus vite. 

De l'obligation de se camoufler pour se protéger

Pour me fondre dans la masse, j’ai appris comment les autres réfléchissaient et j’ai calqué mes explications sur ça. Par exemple, quand je donnais des cours particuliers, j'expliquais tout de façon linéaire. 

Mais il y a une limite à l’adaptationLa lumière passe dans les failles et ça finit toujours par interpeller. Ça m'apporte des avantages, notamment au niveau de la carrière - car je vais être perçue comme un élément qui va vite prendre le pli -, comme des inconvénients - tels que le harcèlement ou le fait de se sentir à part. 

Le coût émotionnel oublié du haut potentiel émotionnel 

Émotionnellement, ce n'est pas forcément simple d'être HPI.

Être atypique rend plus dur le fait de s’intégrer à un groupe. Nous sommes des animaux sociaux et c’est difficile parce qu’on veut être cool, entourés, mais des fois on ne peut pas plus s'adapter que ça.

Je suis toujours l’élément hétérogène dans un groupe.

Par exemple, j’ai fait carrière jeune et la plupart de mes collègues sont beaucoup plus âgés que moi. Je suis toujours l’élément hétérogène dans un groupe. Ça me coûte en fatigue et en énergie de toujours faire attention. Comme mon cerveau réfléchit un peu dans tous les sens (c'est une mindmap en trois dimensions) je ne sais pas éteindre mon cerveau. Donc maintenant je m’endors systématiquement avec du son, sinon je m'entends tout le temps.

Ça veut aussi dire, au quotidien avec des amis, comprendre et ressentir quelque chose plus que les autres, analyser une situation sociale plus que les autres... Tout ça affecte comment on interagit avec autrui. 

Nous ne sommes pas des bêtes de foire

Dans beaucoup de séries, le HPI est présenté sous deux angles : le héros de la série, brillant ou la personne absolument pas sociable qui est incapable d’avoir des relations normales. C’est tout ça qui invite au camouflage.

Quand je commence à perdre patience, si une personne ne me comprend pas mon explication au bout de plusieurs fois, je suis obligée de m'adapter. Parce que si je m'exprimais franchement, ça serait très mal perçu. Les gens trouvent ça génial que vous réfléchissez plus vite jusqu’à ce qu’ils ressentent que vous réfléchissez plus vite qu’eux

Aujourd'hui, tout le monde voudrait que son enfant soit unique. Et être HPI peut répondre à cette envie. Mais nous ne sommes pas des bêtes de foire. Il y a aussi des conséquences à être haut potentiel. Ce qui serait le plus utile, au-delà de tester les enfants, c’est d’inclure la diversité dans le groupe. Finalement, ça fait quoi que les gens pensent différemment ?".

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