"Petite fille je mettais ma mère sur un piédestal, mais à l’adolescence notre relation et l'image que j'avais d'elle s’est ternie, elle n’a pas accepté de me voir grandir". Ce que décrit Annabelle, 32 ans, est très courant selon Brigitte Alain Dupré, psychothérapeute et psychanalyste auteure de Guérir de sa mère : "Toutes les petites filles ont eu envie de ressembler à leur maman, c’était la plus jolie, la plus intelligente... En grandissant, elles sont nombreuses à piquer les chaussures de leur mère, son maquillage, il y a tout un processus d’identification qui se met souvent en place pour grandir en tant que fille, et qui repose sur la figure de la mère".

Mais à l’adolescence, les jeunes filles ressentent généralement un besoin de se différencier de leur mère : "Les filles sont à la fois pareilles que leur mère mais veulent par ailleurs devenir elles-mêmes, cela débouche souvent sur la crise d’adolescence : "je ne ferai jamais comme tu as fait, mes enfants ne recevront pas une éducation similaire, etc". Il s'agit là d'une crise de croissance efficace et nécessaire". 

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Comprendre sa mère pour dépasser la peur de lui ressembler

Ces sensations, venues tout droit de notre enfance, laissent souvent des traces à l’âge adulte. Pour Brigitte Allain Dupré, cette peur crée une ambivalence de sentiments : « On a peur parce qu’on lui ressemble et en même temps on est déchiré par le projet de devenir de plus en plus soi-même ». Cette peur peut également être apparentée à l'angoisse de vieillir : "On a tendance à considérer nos mères comme étant d’un temps passé, d’une génération précédente, et on a peur de leur ressembler car on a peur de se voir nous aussi appartenir à un autre temps".

Pour apaiser cette peur, il est essentiel, quand cela est possible, de se concentrer sur les bons côtés de cette mère : "Il est important de reconnaître les qualités, le courage, l’efficacité, qu’ont eu la majorité de nos mères. De se dire qu’elle a aussi été formidable, courageuse, pour des tas de choses". Face à la peur, il est important de rééquilibrer, de faire parler aussi la tolérance ou la bienveillance.

Mais que faire quand on a le sentiment de n'avoir en mémoire que du négatif ? Murielle, 42 ans, a souffert toute sa vie de sa relation avec sa mère : "Ma mère n’avait rien d’une maman. Elle criait beaucoup, nous rejetait, je ne sais même pas si elle nous a aimé un jour. C’est dur de se construire sur cette image maternelle" . Pour notre spécialiste, il est important, pour soi, de chercher à comprendre pourquoi sa propre mère a été dans ce schéma : "Il est très important de se dire que l’amour qu’on a pas reçu de la part de notre mère c’est un amour qu’elle n’a pas pu donner. Ce n’est pas adressé à nous en tant que personne, c’est son problème à elle, c’est le problème de son histoire. Il faut tenter de se faire une théorie de l’histoire de sa mère pour de comprendre dans quelles difficultés elle a été prise, tout en gardant en tête que comprendre ne veut pas dire que ça ne nous a pas fait souffrir".

Enfin, il est essentiel également de se défaire de ce regard maternel pour se créer une nouvelle perception de soi : "On a grandi sous le regard de notre mère, chargé du bon et du mauvais, mais à partir du moment où on devient adulte, on se met aussi en relation avec d’autres personnes. C’est important de sentir que quand on sort de l’emprise familiale, on accepte aussi qu’il y ait de nouveaux regards sur nous et il faut les cultiver, les entendre et les nourrir, s’en saisir pour les jardiner et se faire du bien". 

Ressembler à sa mère : faire l’identique ou le contraire ?

Pour Julia, son grand regret vis-à-vis de sa maman relève de la non-expression de ses sentiments : "Ma maman ne m’a jamais dit « je t’aime », pas une fois. Aujourd’hui à 28 ans je m’apprête à devenir maman à mon tour, et je me suis promis de dire chaque jour à ma fille que je l’aime".

Mais pour Brigitte Alain Dupré, appliquer le contre-exemple n’est pas toujours la meilleure façon de faire, tout particulièrement quand on cherche à se détacher du modèle maternel : "Faire le contraire c’est donner une place négative à sa mère, comme si elle était le modèle contre lequel on va se rebeller. D'autre part, en faisant le contraire, mère et fille seront tout le temps habitées par l’image de la mère, elles ne seront jamais séparées, car en voulant se détacher à tout prix on finit par créer un nouveau lien". Et de conclure : "Ne faites ni la même chose, ni le contraire, faites quelque chose de nouveau, quelque chose qui vous correspond".

 
Merci à Brigitte Allain Dupré, psychothérapeute et psychanalyste auteure de "Guérir de sa mère", Ed Eyrolles 18 euros