Stéphanie Fugain se bat depuis 2002, année du décès de sa fille Laurette Fugain pour que le don du sang ne soit pas une exception. Son association - qui a remporté le Grand Prix Des Deauville Green Awards en 2016 pour son film "Regarde-moi", met tout en œuvre pour trouver et sensibiliser les donneurs, mais également financer la recherche médicamenteuse pédiatrique encore trop confidentielle pour les enfants atteints d’un cancer.

Désirée de Lamarzelle : Où en est le combat de l’association Laurette Fugain ?

Stéphanie Fugain : Notre combat pour trouver des donneurs n'est jamais fini. Même s’ils sont plus nombreux ils ne s’inscrivent pas dans la durée : beaucoup de personnes oublient ou n’y pensent pas. La piqûre de rappel se fait grâce à la presse et à nos campagnes de communication (Regarde Moi). Il faut toujours rappeler que sans donneur, le malade va mourir car il ne peut pas poursuivre un traitement s’il n'a pas de sang.

Mais il y a aussi un autre combat, que l’on mène avec plusieurs associations, qui concerne le cancer chez l'enfant.

Ces derniers sont soignés avec des traitements d'adultes qui ne sont pas adaptés aux enfants avec pour conséquences des séquelles graves : problème de croissance, développement de nouveaux cancers, handicaps physiques lourds.

Il semblerait que la recherche en médicaments pédiatriques n'intéresse pas les laboratoires pour des raisons de rentabilité. Il faut 10 ans pour trouver un médicament. Et puis il y a moins de «clients potentiels» d’enfants cancéreux face aux 250 millions d'adultes cancéreux. Pourtant c’est la première cause de mortalité chez les enfants. J’ai toujours envie de pousser un grand coup de gueule pour rappeler aux laboratoires, aux ministres et à l’État qu'on en a marre que les enfants soient soignés ainsi.

 association Laurette fugain campagne

Il y a beaucoup moins d’enfants malades que les adultes mais pourtant ils sont plus nombreux chaque année !

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Les enfants atteints d’un cancer sont de plus en plus nombreux. Et on risque de les laisser mourir parce qu'un jour on n'a pas fait l'effort de financer des projets de recherche. Pour agir nous avons – avec d’autres associations- l’aide de la député Martine Faure (dirige une groupe parlementaire sur ce sujet) qui a compris les enjeux de la recherche pédiatrique.

Qu'est-ce qu'on fait tous les jours ?

Au sein de mon association je travaille avec les laboratoires et les chercheurs. On s’investit dans certains projets de recherche que l’on finance en vérifiant que l'argent qu'on leur verse soit utilisé. A ce jour, on a plus de 6 millions d'euros qui ont été reversés, 160 projets qui tournent dans le monde, avec pour tous une publication. On crée des prix, comme le prix Isabelle, la bourse Nicolas pour encourager des étudiants à pouvoir se rendre aux congrès hématologiques à travers le monde.

Vous agissez à la source du problème ?

Notre postulat est : qu'est ce qu'on peut faire ? Il y a quelques temps, avant Noël, un petit Mateo qui était soigné, à l'hôpital en France était considéré comme « condamné ». Les parents ont trouvé sur Internet un protocole aux Etats-Unis qui pourrait peut-être le sauver. Pour l’envoyer ils doivent récolter 300-400 mille euros : le gamin a fait un message sur internet, sur France 2, magnifique. En deux jours, ils ont récolté leurs fonds et il a pu recevoir son traitement. La dernière fois que j'ai eu des nouvelles de lui, il était en rémission.

Vous dans dix ans dans l'idéal ?

Dans 10 ans on n'aura pas réglé le problème de la leucémie mais il faut que chaque enfant ait un traitement adapté à sa pathologie. Il faut que dans 10 ans il y ait plus d’ouverture encouragée par les institutions sur le don : nous sommes plus mauvais en terme de donneurs. L'EFS (Etablissement français du sang) décourage les gens, nous on leur donne envie d'y aller.

Pourquoi ils les découragent ?

Il y a des gens fantastiques à l'ESF mais il y règne aussi une espèce d'inertie. Nous –simples bénévoles- allons sur le terrain pour encourager les gens à donner, pourtant ces mêmes donneurs seront parfois démotivés par cet établissement :

Prenez l’exemple de mon fils de 20 ans qui est allé faire un don tout seul. Durant l’entretien la médecin lui demande s’il a eu des relations sexuelles dans les trois derniers mois. Comme il lui a répondu en avoir eu plusieurs mais parfaitement protégé, elle lui a dit de revenir quand il en aura eu une seule. Il m'a dit ensuite :"je veux juste rappeler qu'on a 20 ans et qu'on baise ! Donc si elle comprend pas qu'on peut être sérieux et qu'elle peut aussi nous faire confiance et bien elle n'aura jamais de jeunes." Voilà, ça c'est la France.

Votre association a été soutenue par l’opération Glisse en cœur il y a deux ans, quels ont été les bénéfices ?

Comme pour toutes les associations qui ont eu la chance d’être soutenues par Glisse en cœur une superbe collecte de fonds (259 000 euros). Et une expérience humaine incroyable durant cette course à ski qui a duré 24 heures sans interruption qu’il vente, qu’il neige ou qu’il fasse beau. Il y régnait une émulation positive. Quelque chose de très fort nous relie tous, entre malades, bénévoles, et skieurs !