Il semblerait que nous soyons plusieurs à difficilement faire la différence entre le vert et le rouge, et plus particulièrement entre les “green flags” et les “red flags”, ces petits signaux qui, si on leur prête attention en début de relation, vous indiquent si la personne que vous venez de rencontrer est, en raison de ses comportements un brin problématiques, une personne à fuir ou non.

C’est du moins ce que suggère cette expression d’origine anglo-saxonne, qui sous la forme de mêmes humoristiques ou d’hashtags accompagnant des publications de développement personnel, vient redéfinir les contours de la rencontre et du rapport amoureux.

“Les red flags, ce sont des signes qui montrent que vous ne pourrez pas avoir de relations saines avec cette personne car s’y engager pourra se révéler émotionnellement dangereux”, confirme la psychologue clinicienne Wendy Walsh sur Very Well Mind.

Selon le site américain dédié la santé mentale, il existerait ainsi une dizaine de “red flags” incontournables à garder en tête lorsque l’on part en date : une forme d’alcoolisme ou d’addiction à des substances (généralement) illicites, des manifestations de violence physique ou psychologique (voire un manque d’empathie), un passé d’infidélités (très) assumées, une tendance à la jalousie et à la possessivité (un chouïa) extrêmes, un besoin de vous contrôler et vous surveiller en permanence, une absence étonnante d’ami.e.s dans son entourage, une dévotion complète 24h/24 à votre petite personne, quelques histoires de soi-disant “crazy ex”, ou encore le refus de s’engager dans une forme d’intimité émotionnelle.

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“Si les red flags relèvent de votre sécurité, il est forcement recommandé de consulter un thérapeute. Cela vous permettrait de partager vos émotions en toute sécurité et d’accéder aux outils nécessaires pour prendre une décision saine pour vous-même", enjoint la psychologue britannique Kalanit Ben-Ari, dans un article du magazine anglais Stylist.

Mais à en croire une étude menée par l’application de rencontres Badoo, les red flags les plus répertoriés par les utilisatrices seraient en réalité la mauvaise foi et les “cachoteries”, suivies de près par les commentaires négatifs sur l’apparence physique.

Des signes extérieurs de relations foireuses

"Sur Grindr, un mec me reproche un jour qu’on ne voit pas assez mon corps sur les photos, sous-entendu que je suis potentiellement gros. Je l’ai supprimé immédiatement de mes “matchs” !”, raconte Pierre*, 28 ans qui y a vu dans cette discrimination sous-jacente un sens interdit cramoisi.

"Quand j’ai rencontré T., il m'avait bien fait comprendre qu'il n'aimait que les filles en talons. Je m'acharnais donc à porter des talons toujours plus hauts et fins. Un jour où j'ai une paire d'escarpins de 12 cm, on décide de monter sur un toit. Évidemment j'enlève mes talons (histoire de ne pas mourir...). Et là le mec me dit très sérieusement "oh non, c'est dommage... Tu étais jolie !". J’aurais dû le quitter à cette minute là", abonde Flora*, 30 ans, qui a attendu pourtant plusieurs mois et quelques infidélités avant de le faire.

Des injonctions sexistes à se soumettre à des diktats de beauté stéréotypés au nom sacro-saint du simple plaisir de leurs partenaires, auxquelles Marion, 35 ans, a du également faire face lors de sa dernière relation."Est-ce que j’aurais dû partir quand il m’avait dit d’acheter des lentilles car il me préférait sans mes lunettes ? Quand il m’avait demandé pourquoi je me maquillais pas pendant ce 1er confinement car ça me rajoutait un truc ? Ou encore quand il m’avait dit que je pourrais m’habiller de manière plus féminine quand même, arrêter avec mes Dr. Martens de festival et porter des talons car ça me donnerait plus d’allure ?", s’interroge-t-elle quelques semaines après la rupture, relatant ses tribulations personnelles sur son blog Derrière Les Stories.

Est-ce que j’aurais dû partir quand il m’avait dit d’acheter des lentilles car il me préférait sans mes lunettes ?

Parfois, ce sont des prises de position idéologiques qui vont venir mettre la puce à l’oreille, d’une passion assumée pour un candidat fasciste à la présidentielle au militantisme anti-vaccin en passant par la défense inconditionnelle d’agresseurs sexuels présumés.

"Lors d’un date, un garçon m’emmène visiter les catacombes tout en me racontant qu’un mec est connu pour y emmener des filles et les agresser. Deux d’entre elles ont porté plainte et il me dit qu’il ne compte pas témoigner en raison d’un 'code entre les cataphyles'. Je me suis énervée en lui disant qu’il était très con. Et après notre rupture, seulement quelques mois plus tard, je me suis rendu compte que, à l’époque, deux semaines après, il avait commencé à se taper une de mes meilleures amies dans mon dos. Comme quoi…", se souvient encore Valentine*, 28 ans, près d’une décennie après les faits.

Pour d’autres témoins, le red flag sera le refus de leur partenaire de mettre un préservatif (“Car c’est quand même vachement moins agréable pour moi, tu comprends ?)”, l’absence de compassion face à un deuil d’un proche (“C’est pas en faisant la gueule que ça va le faire revenir, hein?) ou la tendance à légèrement oublier sa carte bleue quand il s’agit de payer les courses, l’addition ou encore les factures. (“Ah oui pardon ! Je dois encore gérer ce problème avec ma banque”).

Bref, autant de signes extérieurs de relations foireuses dont la liste non-exhaustive appelle bien entendu à la nuance et à la contextualisation. 

Une déclinaison de drapeaux, façon drapeaux de plage

"Les red flags peuvent varier d’une personne à l’autre dans la mesure où ils sont liés à nos propres valeurs", commente la docteur Ben-Ari au magazine Stylist, pour qui la définition de red flag peut s’élargir aux indicateurs d’incompatibilité en dépit des affinités avérées.

"Pour certaines personnes, cela va se restreindre à la potentielle agressivité de leur partenaire, pour d’autres ce sera le refus de leur partenaire d’avoir des enfants quand eux/elles ont envie de fonder une famille", conclut-elle.

C’est ainsi que certains expert.e.s établissent au côté des red flags ce qu’ils appellent les "yellows flags" ou encore les "amber flag", déclinant une typologie de signaux façon drapeaux de plage autorisant (ou non) à la baignade.

Le but ? Faire la distinction entre ce qui peut être effectivement potentiellement dangereux pour notre intégrité physique et émotionnelle…et ce qui ne correspond pas tout simplement à nos ambitions, nos valeurs ou nos goûts.

Et pour s’y retrouver, les coachs en relations amoureuses conseillent d’établir, au préalable de toute entreprise affective, ce que l’on veut soi-même, ce sur quoi on est prêt à faire des compromis ou, au contraire, ce sur quoi on refuse de transiger. Il est aussi généralement conseillé de prendre conscience de son propre bagage émotionnel et autres casseroles hérités de nos précédentes relations, tout en acceptant sa propre part de responsabilité dans l’évolution du couple.

"Les problèmes de relations peuvent être aussi le fruit de deux individus aux expériences et ressentis différents, et pas seulement la conséquence des actions d’une seule et même personne" relève Jacqui Gabb, experte en couple pour le site Paired, dédié au bien-être conjugal, pour qui une classification figée et arbitraire de red flags peut s’avérer problématique.

Sa solution ? Communiquer sur ce qui nous dérange tout en restant ouvert à d’éventuels compromis face aux yellows flags.

Se fier à son instinct 

Les experts s'accordent à dire que pour poser les bases d’une relation saine, se reconnecter à son intuition est la clé. Pas toujours facile de la suivre néanmoins en cas de conflits intérieurs, la peur d’être (de nouveau) seul.e, "l’envie d’y croire" ou l’intériorisation d’une forme de syndrome du sauveur qui peuvent nous conduire à ignorer inconsciemment d’évidents red flags.

"En tant que femme, je trouve qu’on trouve toujours des excuses à tout, on justifie des choses qui ne devraient pas l’être", commente Anne-Charlotte, 32 ans, conscientes des biais genrés qui affectent les femmes, plus souvent conditionnées à faire passer leurs besoins après celui de leur partenaire. "La faute aux histoires parfaites des dessins animés de l’enfance ? Aux comédies romantiques à la noix ? Possible aussi", analyse celle qui reconnaît a posteri être passée à côté de multiples red flag qui étaient pourtant sous ses yeux tout au long de sa vie sentimentale.

J’ai compris le rôle protecteur de ma colère. Quand on a ce sentiment qui gratte, qui monte et explose, ce n’est pas qu’on est dingue, qu’on est trop sensible ou ingérable. C’est juste qu’une limite a été franchie.

Dans d’autres cas, les red flags se noient dans un quotidien somme-toute heureux conduisant à relativiser leur gravité ou leur impact sur notre santé mentale. "C’était 10% de la relation, à peine. Cela parait rien 10% au milieu de 90% géniaux !", se souvient Marion, dont les émotions - parfois explosives - ont fini par se muer en lanceuses d’alerte face aux tentatives de son ex-compagnon de la contrôler ou de la déprécier.

"J’ai compris le rôle protecteur de ma colère. Quand on a ce sentiment qui gratte, qui monte et explose, ce n’est pas qu’on est dingue, qu’on est trop sensible ou ingérable. C’est juste qu’une limite a été franchie. Ma colère, c’est la partie de moi qui veut me protéger, c’est la partie de moi qui m’aime", écrit-elle, tout en prévenant qu’à l’avenir, elle souhaite apprendre à repérer ses red flags en amont et à exprimer ses limites d’un simple "non" catégorique, sans pleurs, ni rage.

Et de suivre son instinct quand ce dernier tente de lui indiquer le (bon) chemin.

Apprendre à reconnaître les red flags 

Liste non-exhaustive

  • Il/Elle ne me prête pas attention à moi, sauf quand il/elle a besoin de moi
  • Il/Elle me demande sans arrêt des photos de moi
  • Il/Elle ne parle que de lui 
  • Il/Elle n'a jamais son porte-feuille
  • Il/Elle annule tous nos rendez-vous
  • Il/Elle nous offre jamais de cadeaux
  • Il/Elle montre des signes de violences 
  • Il/Elle fait des remarques sur notre physique
  • Il/Elle use de violence psychologique
  • Il/Elle me rabaisse tout le temps
  • Il/Elle discute via une plateforme mais refuse que l'on se retrouve en vrai
  • Il/Elle répète qu'il/elle a peur de s'engager 
  • Il/Elle file systématiquement après le sexe
  • Il/Elle essaye de contrôler mon image (ou mon corps)
  • Il/Elle parle mal de son ex

*Certains prénoms ont été changés sur demande.