Que vous soyez “team réserves de papier toilette” ou “team calme olympien”, votre réaction face à la pandémie de coronavirus et ses conséquences en dit long sur vous. Certes, nous avons tous en nous une part de déni, de calme ou de déprime, faisant des réunions matinales dans notre cerveau, comme dans Vice-Versa, mais souvent une voix l’emporte sur les autres. 

Que signifient nos réactions par temps de pandémie ? Que disent-elles de nous ? Décryptage avec Laurie Hawkes, psychologue clinicienne auteure du Petit traité de lucidité sur soi-même et sur les autres (Ed. Payot & Rivages) et Camille Rochet, auteure de Ma boîte à idées pour un couple épanoui (Ed. Intereditions) et psychologue du couple et de la famille.

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La panique, être dans l'action pour garder le contrôle

L'heure du reconfinement a sonné, afin de faire face à la deuxième vague. Si votre première réaction a été un vent de panique désordonné qui vous a poussé à faire des réserves plus que de raison ou à prendre votre température toutes les 2 heures : vous avez peut-être besoin de contrôler l’incontrôlable.

“On voit cette réaction chez un certain type d’anxieux, qui parfois ne sont même pas conscients de paniquer, explique Laurie Hawkes. Ils cherchent un moyen de contrôler la situation : en contrôlant ses provisions par exemple.” 

Pour Camille Rochet, il s’agit aussi d’un “mécanisme d’adaptation, propre à chacun”. “La panique peut pousser à l’action, et cela a pour but de rassurer : lorsque j’agis, j’ai la sensation de maîtriser, même si mon action n’est pas rationnelle car elle est guidée par l’émotion.”

Cette attitude peut aussi concerner des personnes hypocondriaques dans cette situation précise. Leur besoin vital de maîtriser tout ce qui touche à leur santé et celle de leurs proches peut augmenter car ils se sentent impuissants.

Le déni, un rempart au stress de courte durée

Que l’on se préserve des informations anxiogènes en évitant les médias et les réseaux sociaux, ou que l’on sorte comme si de rien n’était, en dépit des injonctions à rester chez soi, le déni est “souvent la première étape face à une situation anxiogène”, rappelle Camille Rochet.

“C’est une protection du cerveau qui permet d’éloigner l’information, développe la psychologue du couple et de la famille. Il tente de canaliser l’agressivité ou la brutalité de cette information. Il diffère donc le stress.” Mais cette protection ne doit être que de courte durée.

Là où le déni est plus embêtant, c’est quand il met en danger la personne qui le vit et son entourage. “Un tel déni, ce n’est pas bon signe, préfère alerter Laurie Hawkes. Normalement, une personne qui va bien est capable de regarder la réalité en face. Parfois, s’affoler, c’est sain.”

“Une forme de déni avancé consiste à relayer des fausses informations, et se réfugier dans le complotisme. Ces personnes ont penchant paranoïaque assez fort”, analyse la psychologue clinicienne. “Ajoutons à cela qu’on remarque de plus en plus, et pas uniquement chez les Français, une grande méfiance envers le gouvernement.”

La déprime, chez les potentiels dépressifs

Entre les informations potentiellement anxiogènes et la contrainte de devoir rester chez soi, parfois dans la plus grande solitude, tout le monde n’est pas ravi de “Netflix and Chill” pendant le confinement imposé. “C’est un arrêt sur toutes les activités habituelles qui ponctuaient le quotidien, rappelle Camille Rochet. Ce changement brutal nécessite une adaptation qui n’est pas simple pour tout le monde. Pour peu qu’il y ait déjà un fond de dépression, la situation actuelle ne peut qu’accentuer ce phénomène.”

Et Laurie Hawkes de confirmer : “Cette réaction touche plutôt les personnes qui sont souvent déprimées à la base, ou avec une tendance dépressive.” Pour les deux psychologues, ces personnalités sont autant touchées par la solitude que par l’état du monde.

Qu’il s’agisse d'une consommation accrue des actualités, ou d'une anticipation des conséquences économiques et sanitaires : certains peuvent vite tout voir en noir. Pour Laurie Hawkes, ça peut aussi être le cas des grands positivistes, qui voient soudainement leur éternel optimisme ébranlé.

Et l’omniprésence des sources d’information dans notre quotidien est souvent un facteur aggravant dans le développement de cet état.

Vrais calmes et faux calmes

Mais alors que dire des personnes qui gardent le plus grand calme en cette période si déstabilisante ? Pour nos deux psychologues, il y a les vrais calmes, et les faux calmes. Les premiers, analyse Laurie Hawkes, “sont souvent des gens très résilients qui ont acquis une vraie solidité, et se disent ‘quoi qu’il arrive, je l’affronterai’”.

Les seconds peuvent cacher bien des émotions sous cette apparente sérénité. “Le calme apparent donne la sensation de maîtriser le fond d’angoisse que j’ai en moi, détaille Camille Rochet. Il masque le stress et permet, malgré tout, de continuer à avancer dans le quotidien.” 

Pour beaucoup de ces “faux calmes”, il s’agit de vouloir préserver l’entourage. “Ces personnes prennent sur elles pour protéger les autres, explique Laurie Hawkes. Mais trop refouler ses angoisses peut amener à développer des conséquences psychosomatiques.” Maux de ventre et compagnie peuvent être le lot de ces personnes sereines en surface, bouillonnantes à l'intérieur.

“Ce calme est efficace dans les relations sociales : il rassure", commente Camille Rochet. Cette attitude peut être celle de personnes qui souhaitent garder la face pour ne pas inquiéter leurs proches, notamment les plus jeunes ou les plus fragiles.

Des mécanismes d’adaptation propres à chacun

Il n’y a pas vraiment de bonne ou de mauvaise réaction. “Nous avons tous développé des mécanismes d’adaptation, propres à chacun, face à une situation de stress", remarque Camille Rochet.

Quel que soit le profil dans lequel vous vous reconnaissez : votre façon de réagir est tout à fait humaine vis à vis de la situation inédite que nous vivons actuellement, à l'échelle du pays mais aussi du monde. L’essentiel est de pouvoir de poser des mots sur ce que l’on ressent, ne pas laisser notre angoisse nous dominer ou notre déni nous pousser à faire n'importe quoi (comme braver les règles de confinement).

Et si besoin, trouver de l’aide en quarantaine, c’est possible. On peut tout à fait se tourner vers des psychologues qui donnent des consultations par téléphone ou par appel vidéo.