Oui, les préliminaires sont déjà du sexe

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Parce qu’il participe d’une vision phallocentrée et non-inclusive de la sexualité moderne, le terme de préliminaires suscite le courroux de ceux et celles qui - à juste titre - considèrent ces mises en bouches érotiques comme des coïts à part entière. Quitte à détrôner la sacro-sainte pénétration.

Les préliminaires ont-ils perdu la côté ? Après avoir paradé en tête de leurs revendications sexuelles, les femmes seraient moins en demande de ces préludes d’ordre intime. En effet, si plus de la moitié des françaises souhaitaient en 2019 les voir prendre plus de place au sein de leur ébats (Source : Le Monde), elles ne sont que 3% à mentionner le manque de préliminaires comme une source de déplaisir dans leur sexualité actuelle*.

Doit-on en conclure qu’elles ont obtenu gain de cause et que leurs partenaires prennent soin de préparer le terrain ? Ou, au contraire, qu’elles n’en ont plus rien à faire ?

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Ni l’une, ni l’autre, clameront sexologues et autres experts des relations physiques rapprochées, la raison d’un tel changement relevant en réalité d’une problématique terminologique, le terme de préliminaires tel qu’il est usité aujourd’hui recouvrant une réalité qui n’en est plus vraiment une. Ou du moins une réalité majoritairement phallocentrée, dans laquelle beaucoup ne se retrouvent plus, à considérer qu’ils ou elles s’y soient déjà un temps soit peu retrouvé.es.

Préliminaires, une terminologie discriminante

“Le problème avec le mot “préliminaire”, c’est qu’il sous-entend qu’il y a une action principale et une autre qui ne serait que ce qui précède cette action principale", résume Claire Alquier, sexologue et thérapeute de couple. “Or, dans nos modèles hétéronormatifs, même si on a commencé à déconstruire cette idée, l’action principale reste le coït pénétrant du pénis dans le vagin", déplore-t-elle.

Et si ce modèle reste encore et toujours aussi prégnant c’est en raison de son ascendance historique, culturelle et religieuse, aux forts relents patriarcaux. En effet, on ne vous apprendra rien en rappelant que, grosso modo, jusqu’à la libération sexuelle des années 60, les rapports coïtaux se devaient de remplir officiellement une mission procréative dans le cadre de relations officielles marquées du sceau du mariage religieux.

“La pénétration permettait donc de légitimer l’existence d’une sexualité,” confirme notre experte, qui rappelle combien la sexualité de plaisir a longtemps été sous la coupe de jugements moralisateurs et stigmatisants. Le fameux péché de luxure en somme, qui, de facto, excluait les sexualités solitaires et/ou homosexuelles du spectre (restreint) d’une sexualité acceptée par la société, en reléguant les préliminaires au rang de simples préparatifs, au profit d’une pénétration sacralisée.

Ainsi définis, ces actes sexuels de "seconde zone" légitimaient la faible importance qu’on pouvait leur consacrer, que ce soit en terme de temps et d’énergie, ou en termes de validité et de légitimité. Une dévalorisation d’autant plus commode qu’elle a longtemps permis au sexe fort de minimiser leurs efforts quant au plaisir de leur partenaire, ou encore de se dédouaner de tout acte d’infidélité lorsque ce dernier n’impliquait pas stricto-sensu une pénétration.

Ou, comme s’en était défendu très habilement un célèbre président américain (et bien d’autres hommes world wide), 'sucer' pendant des préliminaires, ce n’est pas tromper.

Mais, ça, c’était avant.

“Tout acte intime est un acte intime”

Nouveau siècle, nouveau paradigme. Après avoir longtemps insisté sur l’importance des préliminaires dans les rapports sexuels et les avoir dûment intégrés dans nos routines intimes, ces derniers tendent aujourd’hui à être définis et revendiqués comme des actes sexuels de premier rang !

Comme le souligne Claire Alquier, ce serait plutôt une très bonne nouvelle. “Une partie de la sexologie défend aujourd’hui le fait que tout acte intime est un acte intime, qu'il y a des actes intimes pénétrants, et d'autres pas. Qu’on peut pénétrer autre chose qu'un vagin. Qu'on peut le pénétrer avec autre chose qu’un pénis. Que, pour valider un rapport sexuel, on n'est pas obligé justement d'avoir une pénétration", explique-t-elle, défendant cette conception d’une sexualité aux aspirations plurielles et inclusives, libérées de ses normes phallocentrées.

Une partie de la sexologie défend aujourd’hui le fait que tout acte intime est un acte intime, qu'il y a des actes intimes pénétrants, et d'autres pas.

Et pour tou.tes celles et ceux qui s'offusqueraient, les experts leur répondront que, à l’image de nos manières de communiquer, de nous vêtir ou encore de (télé)travailler, nos manières de copuler évoluent et se font le reflet des besoins et envies de ceux et celles qui forgent ces usages.

Or, en matière de sexualité, beaucoup se sont rendu compte que le triptyque préliminaire-coït-jouissance ne leur convenait pas et, qu’en réalité, rien ne les obligeait à s’y soumettre. "Parce qu'il n'y a pas forcément de désir de procréation et, surtout, parce qu'il n'y a pas forcément de plaisir dans cette sexualité-là. De par les douleurs qu’elle provoque ou le manque de plaisir qu’elle suscite", rappelle Claire Alquier, qui souligne l’enjeu politique mais aussi de santé publique d’une telle dénomination qui, par définition, ne peut que perpétuer injonctions et discriminations.

La clef d’une nouvelle libération sexuelle ?

Et si ce changement de paradigme allègrement inclusif fut impulsé par les mouvements féministes et LGBTQ+, il contribue à libérer aussi les couples hétérosexuels des injonctions normatives parfois oppressantes qui pèsent sur leur intimité.

“Pour ceux qui ne peuvent pas, qui n'arrivent pas, qui n'ont pas de plaisir à avoir des rapports pénétrants, valoriser les préliminaires leur permet de considérer qu'ils n’ont pas juste une sous-sexualité, mais bien un rapport sexuel à part entière", abonde la sexologue, qui voit aussi ce changement de paradigme comme une manière de s’émanciper d’une sexualité tombée sous le joug d’une logique de performance, a fortiori chez les hommes.

“Ils seraient censés avoir une érection fonctionnelle et pouvoir pénétrer et éjaculer. Eh bien non, tous les hommes ne peuvent pas forcément faire ça. Tous les hommes n'ont pas forcément envie de faire ça. Ou, du moins, pas de manière systématique", ajoute-t-elle.

Cunnilingus, fellation, masturbation solitaire ou mutuelle, simples caresses ou baisers langoureux : tout serait bon pour apprivoiser sa propre sexualité et son propre plaisir au-delà des normes socio-culturelles imposées.

Mais aussi pour apprendre à comprendre son propre corps, celui de l’autre et la manière dont les faire entrer en communion, loin, très loin, des injonctions. Pour se faire enfin du bien.

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