C'était le 25 mai 1999. Ce soir-là, Sophie Marceau a surpris l'assemblée. L'actrice française, alors âgée de 33 ans, avait été choisie pour remettre la Palme d'Or aux frères Luc et Jean-Pierre Dardenne pour leur film Rosetta.
Un discours lacunaire
Sur la scène du Grand théâtre des Lumières, elle délivre un discours confus et à rallonge, tandis que l'audience s'impatiente. L'actrice ne souhaite pas parler de cinéma, et refuse de lire les fiches qu'on lui a transmises. Elle évoque ses difficultés à rédiger ce discours et ne parvient pas à cacher son stress, malgré le fait qu'elle se dise "honorée" d'être là.
Je voulais vous parler d'autres choses que de cinéma, parce qu'il y a d'autres choses d'important que le cinéma.
"Il y a, il y a, enfin bon j’m’embrouille, mais…, j’vais y arriver, euh, il y a tous ces films, euh… qui sont… euh… qui sont là ce soir et qui ont été, euh… euh… vus... En tout cas, je serai, euh, très heureuse pour le bienheureux qui aura ce soir cette, cette Palme d’or et qui nous rappelleront, euh… (...) Je voulais vous parler d'autres choses que de cinéma, parce qu'il y a d'autres choses d'important que le cinéma et puis, et puis j'ai passé une journée avec des enfants gravement malades et je peux vous dire que le cinéma est une chose qui compte dans le monde, plutôt que de faire la guerre, on fait du cinéma et je vous dis que ça fait rêver les gens, et ça leur donne un... un but, un projet... à court terme et quelque chose qui reste pour toujours...", a-t-elle, en partie, raconté en bafouillant, avant d'être interrompue par Kristin Scott-Thomas.
"Monsieur le président, nous vous… oh ! pardon je vous ai interrompue...", a lancé l'actrice britannique, naturalisée française. Ce à quoi Sophie Marceau a demandé : "Si je vous ennuie, dites-le-moi !". Cruelle, une partie du public se met à huer et siffler la star qui est alors l'une des actrices préférées des Français. Une scène douloureuse, qui marquera la carrière de l'actrice pour toujours.
L'interprète de La Boum (1980) revenait des Alpes, où elle séjournait en compagnie de Nicolas Hulot en faveur de l'association Arc-en-ciel, dont elle est marraine, et qui réalise les rêves des enfants gravement malades. L'actrice semblait perturbée par le décalage entre cette réalité difficile et les paillettes du festival de cinéma.
Malaise chez les célébrités
Dans le public, son entourage aussi ressent le malaise. Dominique Besnehard célèbre ex-agent de stars et producteur de la série Dix pour cent était revenue sur la scène gênante auprès du magazine Télé Loisirs en mai 2019. "Sur scène elle a perdu pied, je trouvais ça interminable. J’étais assis à côté de Johnny Hallyday et il me disait : 'faut que tu montes sur scène, faut la sortir de là !'. C’était un cauchemar", s'est-il souvenu trois décennies plus tard.
Au dîner officiel qui a suivi, note Dominique Besnehard, "tous les gens détournaient la tête". Une seule personne est venue la soutenir, se rappelle-t-il, "l'Américaine Anjelica Huston, qui lui a dit : 'Ce soir, vous étiez comme tout le monde. Ce n'est pas grave.'"
Le 3 juillet 2021, elle s'est confiée sur sa tirade incomprise dans le Journal du Dimanche : "Je n'étais pas dans le mood. Je revenais d'une après-midi avec mon association Arc-en-Ciel, qui s'occupe d'enfants malades. La transition a été un peu difficile... On m'avait donné des textes absurdes que je n'ai pas voulu lire. Normalement, je prépare bien les choses. Là je me suis embrouillée, j'ai eu un trou. Je l'ai senti venir... Ça arrive, c'est juste chiant quand c'est à Cannes."
Dominique Besnehard précisera que l'actrice ne souhaitait pas venir à Cannes cette année-là, mais qu'elle avait été un peu contrainte par Canal + et Michel Denisot. "Quand elle est arrivée, je voyais qu'elle n'était pas là", a-t-il remarqué.
Des années plus tard, Sophie Marceau continue de faire des apparitions au festival de Cannes et de gravir, fièrement, les marches mythiques pour y présenter son travail apprécié.