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EXCLUSIF. Sophie Marceau se confie sur le cinéma, Cannes, sa popularité et les polémiques

Discrète ces dernières années, Sophie Marceau se confie avant son retour en pleine lumière à Cannes avec un film bouleversant, "Tout s'est bien passé". L'actrice s'explique aussi sur sa popularité intacte, ses étonnants souvenirs cannois, son repli des réseaux sociaux.

Stéphane Joby , Mis à jour le
L'actrice Sophie Marceau.
L'actrice Sophie Marceau. © Elsa Trillat

Mercredi soir, pour la première fois de sa déjà longue carrière, elle montera les marches du Palais des festivals de Cannes en tant que compétitrice. Tout s'est bien passé, de François Ozon, fait partie des 24 films en lice pour la Palme d'or. C'est l'adaptation du roman éponyme d'Emmanuèle Bernheim racontant comment son père lui avait demandé de l'aider à mourir. Dans cette chronique simple, universelle et bouleversante, mais qui tient toujours le pathos à bonne distance, Sophie Marceau incarne avec une justesse empathique la romancière, qui fut aussi coscénariste de trois films d'Ozon. À ses côtés, André Dussollier, paternel charmeur et autoritaire affaibli par un AVC, sera sans aucun doute candidat au prix d'interprétation.

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Comme elle nous l'explique pudiquement, le sujet a forcément touché Sophie Marceau, qui a perdu son père en octobre dernier, après sa mère fin 2016. Pour la femme préférée des Français, selon le Top 50 annuel du JDD, ces dernières années ont été celles du repli sur soi et les siens. Depuis l'échec de Mme Mills, une voisine si parfaite, sa troisième réalisation, elle était quasiment invisible. Elle revient aujourd'hui en pleine lumière. Elle a bouclé le tournage d'Une femme de notre temps, de Jean-Paul ­Civeyrac, dans lequel elle est une policière découvrant la face sombre de son mari, interprété par Johan Heldenbergh (l'inoubliable joueur de bluegrass d'Alabama Monroe). D'autres projets suivent. L'occasion de rompre le silence.

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Pourquoi cette longue absence? Par manque de propositions intéressantes?
Non, c'est plus lié à moi qu'aux propositions. Je n'étais pas dans un désir de cinéma. Il s'est passé beaucoup de choses dans ma vie ces dernières années. Autant je ne fais pas les mises à jour sur mon téléphone, autant j'ai un besoin régulier de me recentrer. C'était le moment. C'est ce que mon agent m'a dit avec beaucoup d'élégance, même si ça ne l'arrangeait pas professionnellement : "Après quarante ans de travail, tu as le droit d'avoir ta petite crise !" J'avais besoin de temps pour moi, je me le suis octroyé. Ça ne m'a pas empêchée de m'intéresser à d'autres choses, de regarder autour de moi, de lire, de réfléchir à de nouveaux projets. J'ai retrouvé le plaisir de faire des films avec encore plus de bonheur.

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Qu'est-ce qui vous a plu dans celui de François Ozon?
D'abord j'aime ses films. Je lui avais déjà dit non deux fois, pour Huit Femmes [2001] et 5 × 2 [2004], je ne me voyais pas refuser une troisième ! Et puis surtout ce scénario m'a interpellée. C'est un vieil homme qui demande à ses filles de l'aider à mourir, avec une intrigue policière qui se greffe là-dessus. C'est un peu écrit comme un thriller.

À part des personnages historiques, c'est la première fois que vous jouez une femme bien réelle. Une pression particulière?
Oui, un petit peu, même si ­Emmanuèle Bernheim est peu connue du grand public. Moi, je me sens incapable de jouer une Édith Piaf, par exemple – j'ai été estomaquée par la performance de Marion Cotillard dans La Môme. Là, j'interprète une femme embarquée dans une mission qui lui pose un problème éthique. Mais finalement, ce n'est pas spécifique à l'histoire d'Emmanuèle, c'est quelque chose de plus universel que tous les êtres humains traversent dans leur vie.

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Il faut rendre honneur à ceux qui vont partir. Et accompagner la mort, ça aide à vivre son propre deuil

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Comment vous êtes-vous préparée?
On se nourrit de docs, de films, de lectures. Le livre d'Emmanuèle Bernheim m'a beaucoup aidée. Celui de son compagnon Serge Toubiana aussi, Les Bouées jaunes, dans lequel il raconte son histoire avec elle. Il m'a permis de la comprendre.

Le sujet a-t‑il remué des choses en vous, qui avez perdu vos parents des suites de maladies?
Que ce soit personnel ou pas, cette histoire nous interpelle tous. Après, évidemment que ça me touche. Je me suis identifiée à cette femme qui prend cette demande à bras-le-corps même si elle n'est pas d'accord. Je suis une accompagnatrice dans l'âme. J'ai besoin de protéger, de tenir la main de ceux que j'aime, d'être là jusqu'au bout. C'est la moindre des choses tant vivre plus de 80 ans n'est pas une mince affaire. Il faut rendre honneur à ceux qui vont partir. Et accompagner la mort, ça aide à vivre son propre deuil. ­Pendant le confinement, j'ai beaucoup pensé à ces gens qui sont partis tous seuls.

La fin de vie est très présente au cinéma actuellement, avec The Father par exemple…
Oui je l'ai vu, magnifique. Il y a eu ADN [de Maïwenn] aussi. Beaucoup de films tournent autour de ces questions. On ressort émus, mais pleurer comme ça, c'est du bonheur. Il y a des dialogues sublimes, des leçons de vie, d'humanité. Le cinéma est fait pour parler de ces choses.

Bizarrement, c'est la première fois en quarante ans de carrière que vous êtes en compétition officielle à Cannes.
Comme quoi, même à mon âge, j'ai encore droit à des premières fois! C'est formidable. J'ai l'esprit de compétition au sens où, gamine, j'aimais bien gagner à la course. Mais en dehors de ça, je m'en fiche. Je suis surtout très contente que le film soit à Cannes, avec d'autres grands films tous très différents. C'est ce qui fait la richesse du cinéma et de ce festival.

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J'imagine que je suis ancrée dans la mémoire collective d'une génération, qui est aussi la mienne

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Vous vous souvenez de votre première fois à Cannes?
Je crois que c'était dans l'ancien Palais des festivals, en 1981. J'y étais venue avec Claude Pinoteau [le réalisateur de La Boum et de La Boum 2].

C'est là que vous avez rencontré Andrzej Zulawski, votre futur compagnon?
C'est ce qu'Andrzej m'a raconté par la suite, en me disant qu'il a su à ce moment-là qu'on ferait un jour un film ensemble [L'Amour braque, en 1985]. Mais je ne m'en souviens pas… Pour moi, notre vraie ­rencontre date de 1984. Je tournais à Nice Joyeuses Pâques [de Georges Lautner, avec Jean-Paul Belmondo] et j'ai voulu aller voir son film La Femme publique, présenté à Cannes. On s'est rencontrés quelques jours après.

Quel souvenir gardez-vous de votre discours, ponctué de huées, alors que vous deviez remettre la Palme d'or en 1999?
Je n'étais pas dans le mood. Je revenais d'une après-midi avec mon association Arc-en-Ciel, qui s'occupe d'enfants malades. La transition a été un peu difficile… On m'avait donné des textes absurdes que je n'ai pas voulu lire. Normalement, je prépare bien les choses. Là je me suis embrouillée, j'ai eu un trou. Je l'ai senti venir… Ça arrive, c'est juste chiant quand c'est à Cannes.

En 2005, vous avez fait le tour du monde avec le "nipplegate", le sein sorti de votre robe sur le tapis rouge. On vous en parle encore?
La preuve! C'était pourtant avant la folie des réseaux sociaux. Ça n'a duré qu'un quart de seconde, heureusement. C'était un accident, c'est ce qui rend les choses émouvantes. Mais ça arrive tous les jours dans le monde.

Avez-vous apprécié votre participation au jury en 2015?
J'ai beaucoup aimé. Vous êtes là pour voir des films dès 8 heures du matin et parler de cinéma avec des gens d'une autre culture. Les discussions étaient savoureuses. J'ai adoré écouter ces professionnels. On avait tous une Palme d'or différente en tête. Mon choix, c'était Au-delà des montagnes, de Jia Zhangke, mais j'étais la seule. On a trouvé un consensus avec Dheepan, de Jacques Audiard.

Comment expliquez-vous que, dans le Top 50 Ifop/JDD, vous êtes la Française préférée des Français alors qu'on vous entend et voit si peu?
C'est peut-être ça, le secret! Mais même si je ne fais rien pour, ça fait plaisir. Ça montre surtout que les Français sont fidèles. J'imagine que je suis ancrée dans la mémoire collective d'une génération, qui est aussi la mienne. On vit les mêmes choses aux mêmes âges. Le paradoxe, c'est que je rappelle leur jeunesse aux gens alors que moi je n'en ai pas eu, de jeunesse.

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Je suis quelqu'un qui doute, qui ne se sent pas toujours légitime. Lire une mauvaise critique me fait du mal

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Vous vous êtes réconciliée avec cette popularité que vous fuyiez?
Ça a été très violent au départ, mais maintenant ça fait partie de ma vie. Ce qui ne vous tue pas vous renforce.

Prêtez-vous attention à ce qu'on pense de vous?
Si je commence à écouter tout ce qu'on dit sur moi, je ne sors plus. Je suis quelqu'un qui doute, qui ne se sent pas toujours légitime. Lire une mauvaise critique me fait du mal. Pour ne pas être fragilisée, je préfère ne pas savoir, ne pas regarder les commentaires sur mes réseaux sociaux.

Et vous, quelle est votre personnalité française préférée?
Jean-Jacques Goldman! Mais aussi Sempé, Houellebecq. Il y a plein de gens super en France.

Vous êtes aussi très populaire en Chine. Vous n'avez jamais eu de projet là-bas?
J'ai fait un petit truc il y a deux ans. C'est un minuscule rôle dans une très grosse production chinoise façon Tigre et Dragon qui n'est pas encore sortie. J'adore ! Je joue une reine avec de longs cheveux blancs, à la Peau d'âne. Ils voulaient que je reste une figure féminine et délicate alors que j'avais envie de me pendre à des fils et de me battre ! Vincent Perez joue mon mari. On reconstitue en quelque sorte notre couple de Fanfan [1993], qui avait beaucoup marché là-bas. Pour le reste, les projets avec la Chine sont toujours compliqués, entre la censure et les codes culturels. C'est dommage, parce que c'est un vrai pays de cinéma.

Avez-vous d'autres films en préparation?
Je vais retrouver Lisa Azuelos [qui l'avait dirigée dans LOL et Une rencontre]. Je suis très contente de travailler à nouveau avec elle. Elle m'a fait lire le scénario de son prochain film. J'ai beaucoup ri et pleuré. C'est pour Amazon et ça s'appelle I love America. On va tourner cet été entre la France et les États-Unis.

Comptez-vous réaliser un quatrième film?
Pas tout de suite. Je n'ai pas envie. C'est trop lourd. Et je suis assez lente, notamment pour le scénario. Je fais trop cavalier seul et ça me joue des tours. En attendant, j'apprends des autres. Quand je vois un François Ozon, par exemple, tout a l'air d'être simple et méthodique. J'aimerais avoir cette facilité…

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Les rôles qu'on donne aux femmes au théâtre ne me plaisent pas beaucoup. Les ingénues et les vieilles cocottes, ça ne m'intéresse pas

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On ne vous a plus vue au théâtre depuis dix ans. Par manque d'envie ou de propositions?
Ça fait un bail, oui… Il y a des projets. En fait, j'adore le théâtre mais je ne sais pas le lire. Je suis trop habituée au scénario de cinéma, très précis en didascalies. Au théâtre, j'ai du mal à me projeter seule à la lecture. Et puis les rôles qu'on donne aux femmes ne me plaisent pas beaucoup. Les ingénues et les vieilles cocottes, ça ne m'intéresse pas.

Pourquoi n'êtes-vous plus sur les réseaux sociaux?
J'ai arrêté un peu tout, c'est vrai. Instagram, c'est un support génial : il n'y a pas d'intermédiaire, vous ne pouvez pas vous sentir trahie ou mal interprétée. Mais en vérité, ça me saoule de me mettre en scène, ce n'est pas ma nature. J'aime la discrétion. Je suis tellement poursuivie depuis longtemps par les paparazzis que je ne me suis toujours pas habituée à l'exposition.

Votre dernier post, en novembre 2020, concerne la promotion du documentaire Hold-Up, qui évoque un complot mondial autour du Covid…
Je me doutais que ça créerait des controverses mais je ne regrette pas d'en avoir parlé. On a le droit de penser que parmi toutes les grandes instances ou entreprises pharmaceutiques qui mènent le monde, certaines sont davantage tournées vers le profit. Heureusement, pas toutes.

Vous êtes vaccinée?
C'est une drôle de question, très personnelle. Me l'auriez-vous posée il y a un an? Vous voulez en fait savoir si je suis pour ou contre la vaccination. Chacun doit faire en son âme et conscience. Évidemment, je ne suis pas contre les vaccins et il n'est pas question de mettre autrui en danger. Je trouve juste qu'en France on a tendance à prendre trop de médicaments. On ferait mieux d'apprendre aux gens à mieux se soigner naturellement et à se nourrir sainement.

Tout s'est bien passé
De François Ozon, avec Sophie Marceau, André Dussollier, Géraldine Pailhas. 1 h 53.
En compétition mercredi à Cannes. Sortie le 22 septembre.

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