Tribunes et ouvrages "coup de poing", témoignages chocs dans la presse... Ces derniers mois, la mise en lumière des violences obstétricales et gynécologiques a permis d'amorcer une libération de la parole chez les femmes. Par peur ou idées reçues, certaines ont pendant longtemps subi des traumatismes au coeur de leur intimité, jusqu'à une récente prise de conscience collective qui les mène aujourd'hui à se regrouper pour s'élever contre les violences médicales. 

C'est notamment le cas des femmes de l'Institut de Recherche et d'actions pour la santé des femmes (IRASF), qui met à notre disposition sur son site Internet (créé par Caroline Henrion) des conseils et outils pour prévenir et lutter contre ces violences. Basma Boubakri, fondatrice et co-présidente et Héloïse Modot, représentante de l'ISRAF, nous expliquent comment ses membres se battent et travaillent en ce sens tous les jours. 

Marie Claire : À quel besoin vouliez-vous répondre en créant votre association ?

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Basma Boubakri : Nous voulons prévenir, soutenir, informer, et aider les femmes victimes de ces violences obstétricales et gynécologiques. Pendant longtemps, nombre d'entre elles ont été soumises à un discours de la part de soignants - ou d’autres femmes et hommes - qui cherchaient à policer leur témoignages, en leur disant par exemple qu’un accouchement est intrinsèquement violent... Des arguments contradictoires qui pèsent aujourd’hui encore sur la révélation publique des conditions dans lesquelles les femmes accouchent et mènent leur parcours de soin tout au long de leur vie. C'est une lutte sociale.

Pour briser le tabou et le silence à ce sujet, nous avons donc créé un collectif en janvier 2015 sur Facebook (Stop à l’Impunité des Violences Obstétricales - SIVO) : un regroupement de femmes victimes de ces violences. L’idée était d’échanger entre pairs sur les traitements inhumains subis durant leur grossesse, leur accouchement et leur suivi gynécologique. En mars 2017, SIVO a évolué et est devenu une association : l’Institut de Recherches et d’Actions pour la Santé des Femmes (IRASF) qui se compose désormais de femmes victimes, d’usagères, de chercheurs et de soignants.

Comment aidez-vous les femmes victimes de ces violences ?

Les membres du groupe constituent un relais pour d'autres femmes : nous mettons à leur disposition des outils pour mieux comprendre les violences gynécologiques et obstétricales. Nous menons également un dialogue auprès des professionnels de santé pour mettre en oeuvre et respecter le consentement libre et éclairé. Notre soutien auprès d'elles s'étend aussi à l'accompagnement dans les démarches d’orientation vers des professionnels et/ou des associations pour un suivi dans le domaine de la santé et/ou de l’obtention d’une réparation (plainte, médiation…)

Nous avons également rédigé des préconisations (à télécharger ici) qui ont été présentées au Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes lors d’une audition. Ce dernier rédige actuellement un rapport qui sera remis le 29 juin 2018 à Marlène Schiappa, la Secrétaire d’Etat Chargée de l'Égalité Femmes Hommes. Depuis fin mai 2018, nous avons également lancé notre site Internet.

Concrètement, que trouve-t-on sur votre site ?

Notre site aide les femmes à disposer de leur corps. Il les informe sur la nature des violences obstétricales et gynécologiques et aide  celles qui en sont victimes à en prendre conscience. Il regroupe aussi des informations sur l’association, ses actions, passées ou en cours, des actualités, des témoignages, nos analyses, nos “coups de gueule” et même un formulaire de mise en relation des victimes. Il est aussi utile pour les soignants qui souhaitent comprendre ces violences et améliorer leurs pratiques. 

Et la suite ?

Nous développons actuellement un questionnaire pour enquêter au coeur des maternités. Aujourd’hui, nous n’avons pas de données chiffrées pour quantifier les violences obstétricales et gynécologiques. Combien de femmes victimes ? En Italie, 21% ont subi des violences obstétricales... Combien en France ? Nous voulons produire des données chiffrées à l’échelle nationale pour ensuite proposer des recommandations. Nous souhaitons aussi développer des groupes de parole dans différentes régions pour permettre aux femmes victimes de se rencontrer, d'échanger et de se soutenir.