"On peut baver, uriner, convulser, c’est assez spectaculaire". Ces mots sont ceux de Catherine, 58 ans, qui fond en larmes après chaque crise d’épilepsie, "sans vraiment savoir pourquoi".

Vivre avec cette pathologie neurologique chronique et handicapante qu'est l'épilepsie s'apparente à un véritable combat que l’on ne soupçonne pas toujours, et qui ne se résume pas seulement aux crises qu’elle déclenche.

Les patients, qui rencontrent bon nombre de difficultés dans leur vie de tous les jours, souffrent d'une stigmatisation et d'une exclusion de la société aussi injuste que la maladie elle-même. Des difficultés que connaissent bien Catherine, Stéphanie, Capucine, et Coralie, quatre femmes qui ont acceptées de nous raconter "leur" épilepsie.

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Des crises d'épilepsie imprédictibles

Première conséquence de la maladie : les crises. Imprévisibles et soudaines, elles peuvent se manifester de diverses façons, allant de la simple absence de quelques secondes à des convulsions d’une extrême violence. Des moments compliqués à gérer, autant pour celui qui la subit que pour celui qui y assiste, et qui peuvent s’accompagner de leurs lots de blessures.

"Comme je tombe de ma hauteur, je me suis déjà cassée des dents, ouvert le menton, fracturée le bras", se souvient Catherine. Le regard des autres devient alors lourd à porter. "On m'a souvent montrée du doigt dans la rue ou fait des réflexions pas forcément sympathiques. On est stigmatisé, on a honte." Capucine, 29 ans, raconte quant à elle s'être brûlée toute la jambe avec un fer à repasser.

La difficile prise en charge thérapeutique

À l'époque où l'on a diagnostiqué son épilepsie, la jeune femme faisait près d’une trentaine de crises par mois. Elle avait alors testé plusieurs traitements, en vain. "Les cachets que je prenais ne fonctionnaient pas. Pire, j’avais tous les effets indésirables. Je souffrais de problèmes cutanés et de dépression. Aujourd’hui ma peau ne supporte plus rien, ni les crèmes ni le parfum, mais je suis obligée de prendre des médicaments si je veux réduire mes crises." Capucine, comme beaucoup d'autres patients, souffre de ce que l'on appelle une épilepsie pharmaco-résistante. Une situation qui complique grandement le traitement de la maladie.

Une opération chirurgicale peut également être envisagée "si la zone de départ des crises d'épilepsie dans le cerveau est localisable et localisée, mais c'est une intervention délicate, prévient Sophie Chouaki, développeuse associative au sein d'Épilepsie France.Il faut veiller à ne pas abîmer le cerveau car si l'on touche à la zone qui contrôle le langage ou la motricité par exemple, les conséquences peuvent être très graves." Coralie, 19 ans, en a subi deux. "Après la première j'avais moins de crises, mais ça n'a pas suffit donc j'ai été réopérée. Je me sens mieux, les crises sont moins violentes et je peux faire beaucoup plus de choses comme retourner au ski. Cela faisait quatre ans que je n'y allais plus."

Une vie pas tout à fait "normale"

À cause des crises à répétition, les personnes souffrant d'épilepsies peuvent difficilement mener une vie tout à fait "normale". L'interdiction de conduire les rendent dépendantes et les contraints à s'installer au plus proche des centres névralgiques des villes afin de pouvoir préserver un minimum d'autonomie. "Je ne me déplace qu'à vélo ou en bus", explique Capucine. Quant à Stéphanie, 36 ans, son compagnon lui a construit son propre institut de beauté à quelques mètres de leur maison. 

La maladie remet aussi en question certaines envies ou opportunités professionnelles. "Aucun employeur ne voulait de moi, se souvient Capucine. On n’a pas confiance en nous et les employeurs ont peur que l’on se blesse." Déterminée, la jeune femme a tout de même réussi à décrocher une mission de Service Civique à la Maison associative de la santé de La Rochelle. "Cela me redonne confiance et me motive à trouver un emploi en tant que secrétaire médicale." Stéphanie a de son côté travaillé pendant huit ans alors même que d'autres employeurs la disaient inapte.

Avant cela, l'école peut également être une période difficile. "J'ai subi des moqueries à cause de mes absences car j'étais souvent dans la lune", se remémore Catherine. "Au lycée, c'est compliqué, regrette Coralie. Épileptique depuis l'âge de 15 ans, elle a dû redoubler sa classe de Première. "À l'époque j'avais eu deux opérations, j'étais très fatiguée et j'ai raté beaucoup de cours." La jeune femme bénéficie aujourd'hui d'un emploi du temps aménagé pour la soulager, et espère pouvoir passer le Bac en deux ans.

Mères et épileptiques

Malgré le handicap que provoque la maladie, celle-ci n’empêche pas d’envisager une grossesse. Mais certains préjugés persistent. "Il y a une énorme culpabilisation des femmes épileptiques qui souhaitent devenir mères, s’indigne Sophie Chouaki. On leur demande si elles sont sûres de vouloir un enfant, comment elles vont pouvoir s’en occuper et gérer les crises sans le blesser. C’est lourd à porter et parfois tout est fait pour les décourager."Maman d’un petit garçon de 5 ans, Stéphanie avait ainsi mis en place des "stratégies" pour anticiper tout danger : "Pour le changer je le mettais sur le lit car si je faisais un malaise il avait moins de risques de tomber, et quand je sortais je prenais une poussette pour ne pas le porter."

Premiers spectateurs de la maladie, les enfants doivent aussi apprendre à vivre avec celle-ci, et ce dès leur plus jeune âge."Mes trois enfants m’ont toujours vu faire des crises, raconte ainsi Catherine, j’ai toujours essayé de dédramatiser la situation et je pense que ma maladie en a fait des enfants plus mûrs et responsables que les autres. Mais je pense malgré tout qu’ils sont traumatisés par les crises de leur maman. Ils ont vu des choses qu’ils n’auraient pas dû comme ce jour où mon fils m’a retrouvé en train de me noyer à cause d’une crise alors que je prenais un bain." Aujourd’hui, elle angoisse de voir apparaître cette maladie chez ses enfants et petits-enfants. "C’est le pire qu’il puisse m’arriver et je me sentirais extrêmement coupable. Je veux être la dernière."

Capucine et son compagnon, tous deux épileptiques et en couple depuis quatre ans et demi, savent quant à eux qu'ils pourront difficilement fonder une famille. "Nous avons très bien compris que faire un enfant était impossible. C’est frustrant, mais nous n’avons pas le choix, c’est comme ça", regrette la jeune femme qui explique avoir pour leur part déjà beaucoup de difficultés à s'occuper d'eux-mêmes. 

Face à tous ces obstacles, Catherine, Stéphanie, Capucine, et Coralie n'abandonnent pourtant pas l'idée de mener elles aussi une vie "comme tout le monde" un jour. Toutes sont unanimes : rien ne sert de s'avouer vaincu par l'épilepsie. Le plus important, insiste Catherine, "est de ne surtout rien lâcher."

Article initialement publié en février 2019 sur marieclaire.fr.