Témoin stylistique de son époque, la mode s’est employée depuis la préhistoire (ou presque) à extirper le vêtement de ses attributions purement fonctionnelles pour lui assigner des velléités socio-culturelles jouxtées de préoccupations purement esthétiques.

Définie par le Larousse comme "l’aspect caractéristique des vêtements correspondant à une période bien définie", la mode est en effet passée à travers les siècles d’ostentatoire faire-valoir d’une condition sociale (coucou la noblesse & co) à un véritable art appliqué au service de l’élégance féminine (merci Charles-Frédéric Worth), pour devenir dès le XXe siècle un outil d’expression et d’émancipation identitaire, aussi bien individuel que collectif.

Car avec la révolution industrielle, la mode devient résolument populaire. Exit les robes home made confectionnées par une mère au foyer aguerrie, les vêtements s’invitent dans les vitrines des grands magasins citadins qui, avant l’ère du prêt-à-porter, se font les chantres de ce qu’on appelle alors la confection.

Des tendances s’esquissent portées par des couturiers, mais surtout des couturières aux coups de crayons révolutionnaires à l’image de Jeanne Lanvin puis Gabrielle Chanel qui chacune à leur façon redéfinissent les contours du vestiaire féminin, contribuant alors à l’émancipation de celles qui les portent.

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Les tendances sont le symbole d’une époque

Emprunts au vestiaire masculin, petite robe noire libératrice et tailleur en tweed néo working-girl, le deuxième sexe se voit ainsi offrir ce qui lui servira d’uniforme de combat pour l’accession à ses droits. Et si dans les années 40, son vestiaire est à l’image de l’austérité socio-économique ambiante, elle verra - faute de tissu - ses jupes raccourcir et sa créativité augmenter. Vive le système D ! Synonyme de renaissance, la décennie suivante sera, à l’inverse, marquée par l’opulence vestimentaire avec une résurgence de l’élégance et du raffinement féminin premier degré.

Taille cintrée, poitrine soulignée, lingerie libérée, bikini naissant : la mode se fait le reflet d’une population qui, après avoir remplacé les hommes partis au front, entend bien réaffirmer son sens de la  coquetterie. C’était sans compter la jeunesse, nouveau groupe socio-culturel à l’identité émergente, qui dès les années 60, fait passer ses idées révolutionnaires par une nouvelle conception du vêtement téléscopant ses revendications libertaires.

C’est l’arrivée du blue jean américain - genderless, stylé et indestructible - mais aussi de la mini-jupe, emblème stylistique des luttes féministes et cauchemar des tenants du patriarcat. Les femmes se réapproprient leur corps et la manière de le vêtir, dégainant jambes nues et décolletés sans soutiens-gorge. C’est la révolution sexuelle… et vestimentaire. 

La mode est un outil idéologique

Les années 70 prolongeront le mouvement à coups de pantalon d’eph, de robes bohèmes et de blouses fluides, célébrant des formes et des matières aux antipodes des mantras de la société consumériste. Le vêtement devient un signe d’appartenance socio-idéologique, mais aussi le vecteur d’un "cool" qui s’érige en nouvel arbitre du bon goût vestimentaire. C’est ainsi que la mode se définit alors par sa capacité à bousculer pertinemment l’ordre établi, de préférence avec audace et originalité.

Un changement de paradigme dont les années 80 seront un témoin fondamental, la mode de cette décennie embrassant avec créativité les contradictions de son époque. On note ainsi l’émergence de contre-cultures vestimentaires, marginales et rebelles (punk, new wave, gothique…) en parallèle d’un culte pour le tailoring urbain et corporate, symbole d’empowerment et de réussite financière.

Les années 90 sonneront ainsi l’heure de gloire du bling, des créateurs stars et des supermodels aux mensurations de rêve, sur fond de mode sulfureuse. La jeunesse affiche son nombril à grands renforts de cropped-top et de jeans taille basse évasée, tout en revisitant certains codes stylistiques de leurs parents baba-cool auxquels on pique impertinence et rêves de liberté.

 Fast-fashion et Insta-mode

La mode, un éternel recommencement ? Pas forcément. Les années 2000 sonneront l’entrée dans l’ère de la fast-fashion, de l’apologie des marques et de leurs vertus claniques et, surtout de la surconsommation textile permettant à tout à chacun de s’habiller moins en fonction d’une mode donnée que du style qu’il se sera approprié. Du jogging Juicy Couture aux Louboutins en passant par les it-bags de Céline ou Balenciaga, le 21e siècle place la mode sous le signe des best-sellers, certains pièces s’érigeant en véritables Graal à se procurer impérativement.

Clés d’un sentiment d’appartenance tant convoité, les sorties de must-have griffés, puis copiés-collés par les enseignes de prêt-à-porter, s'enchaînent à toute vitesse en vitrines et couvertures de magazine, avant d’inonder les feeds des réseaux sociaux, Instagram donnant aujourd’hui le fameux "la" de ce qui, demain, se portera ou ne se portera pas.