D'abord spécialisée dans les souliers pour enfants, la maison parisienne fondée par Céline Vipiana s'est diversifiée au cours des années 1960 en proposant également des chaussures pour adultes, puis des accessoires et finalement une collection de prêt-à-porter sportif pour femmes.

Depuis, Celine est une devenue une marque incontournable : rachetée par LVMH en 1996, la maison a connu des années d’activité fructueuses grâce ses trois principaux directeurs de la création. Décryptage.

Entrepreneuse d’après-guerre

Fondée par Céline Vipiana et son mari Richard en 1945, la maison Céline a vu le jour au 52 rue Malte, dans le 11ème arrondissement à Paris, en tant que boutique de chaussures sur mesure pour enfants. Face au succès de la marque, les ambitions de Céline et Richard s'agrandissent et ils ouvrent trois autres magasins à Paris en 1948.

Plus d'une décennie plus tard, Céline Vipiana profite de ce succès comme tremplin pour se lancer dans le prêt-à-porter pour femmes, avec pour objectif de proposer une mode de tous les jours, qui prône la fonctionnalité du vêtement plutôt que la frivolité.

Le duo d’entrepreneurs lance donc une ligne de prêt-à-porter féminine axée sur le sport, qui s'articule autour de jupes en laine, de chemises ajustées, de gilets en cuir et de jeans de couleurs pastel. Depuis 1963, la marque confectionne également une ligne de chaussures pour femmes et lance, un an plus tard, Vent Fou, le premier parfum de la marque qui comporte des notes fleuries de jasmin et de rose. En 1966, Céline s’investit également dans la création d’une ligne de maroquinerie qui comprend des sacs, des ceintures et des gants pour femme.

Vidéo du jour

Déterminée à monter en gamme, la maison s’associe à un fabricant florentin pour la production de ses collections. Grâce à ce premier partenariat international, Céline a pu miser sur une expansion globale tout au long des années 1970 et 1980, qui aboutie à l'ouverture d’une poignée de boutiques à Monte-Carlo, Genève, Hong Kong et Rome. Convaincu par le potentiel de la marque, Bernard Arnault la rachète à son propre titre en 1987, et la gère sous la tutelle du groupe LVMH depuis 1996.

De Michael Kors à Phoebe Philo

Céline Vipiana est longtemps restée à la tête de sa maison éponyme, avant que le flambeau  ne passe à Michael Kors en 1997, qui est ainsi le tout premier directeur artistique de la maison et le directeur de la création et du prêt-à-porter féminin. Le designer new-yorkais réussi à perpétuer le succès de la maison en développant ses lignes de prêt-à-porter et collections d'accessoires, tout en ajoutant une touche d’élégance et de préciosité à l’ADN minimaliste des collections Céline.

En 2004, Kors cède les rênes de la maison au couturier italo-américain Roberto Menichetti afin de se concentrer sur sa propre marque, qui, à cette époque, est en pleine ébullition. Peu après, en 2006, la créatrice croate Ivana Omazic remplace Menichetti, qui n'a pas connu le succès espéré. Omazic, qui a fait ses griffes au sein des ateliers du couturier Roméo Gigli avant d’intégrer Miu Miu et Jil Sander, semble être la candidate idéale pour ce poste tant convoité.

Mais, hélas, la notoriété de Céline se dissipe depuis le départ de Michael Kors, et les nouvelles équipes ne réussissent pas à remettre la marque au goût du jour. En 2008, dans l’espoir de raviver la flemme de la maison, la jeune créatrice britannique Phoebe Philo est nommée nouvelle directrice de la création et dévoile sa première collection lors des présentations printemps-été 2010 pendant la semaine de la mode à Paris.

Les critiques accueillent ce nouvel élan créatif avec enthousiasme, et les créations de Philo parviennent à remettre la maison, récemment encore défraîchie, sous les feux des projecteurs. Il va sans dire que Phoebe Philo a réussi là où ses pairs ont échoué auparavant : la créatrice a su développer un style Céline bien précis, à partir de l’imaginaire collectif sportif et décontracté qui a toujours été la base même de l’identité de la marque. 

Trouvant un équilibre subtil entre minimalisme épuré et sophistication sans fioritures, ses collections signées Phoebe Philo offrent une expression articulée du luxe contemporain au quotidien, grâce à une panoplie de pièces essentielles et indémodables. Le nouveau style Céline témoigne ainsi d’un savant mélange d'énergies féminines et masculines, sans pour autant tomber dans la tendance unisexe.

Les silhouettes sont strictes, mais surtout imprégnées d’une élégance décontractée. L’ADN Céline est désormais plus proche d'une attitude personnelle que d'une image abstraite de marque de luxe - et c'est précisément cette force de caractère qui fait le succès des collections Céline par Phoebe Philo ; des collections imprégnées d’une nonchalance particulièrement féminine, mature et nuancée.

Renouveau disruptif sous Hedi Slimane

Lorsque LVMH nomme Hedi Slimane à la tête de Céline en 2018, il n'y a aucun doute que Slimane s’apprête à brusquement remanier le style que Phoebe Philo avait si soigneusement cultivé durant son mandat de directrice de la création. Slimane souhaite ainsi créer une nouvelle identité Celine dans son entièreté.

Si une chose est sûre, c’est que le créateur est le maître incontestable du renouveau : véritable touche-à-tout, sa vision holistique de la création a su faire exploser le chiffre d’affaires de chaque marque pour laquelle il a ouvré jusqu’à présent.

Cette vision disruptive se décline depuis toujours dans toutes les instances des maisons dont il reprend la direction, créant ainsi une image forte dans sa globalité, en veillant à ce que le design, ainsi que le marketing, mais aussi la publicité et le visual merchandising des boutiques représentent une union stable et inébranlable. Après avoir créé l’entité Dior Homme en 2000 et complètement remanié Yves Saint Laurent en 2012 - en irradiant le prénom du créateur du nom de sa marque - Hedi Slimane commence son activité de directeur artistique chez Celine en ôtant l’accent au nom de la maison.

Cette nouvelle dynamique est accueillie avec joie et anticipation, même si les Philophiles restent sceptiques dans un premier temps. Mais les chiffres parlent pour eux-mêmes : les collections aux influences tailoring résolument plus rock et juvéniles d'Hedi Slimane sont rentables, et contribuent au déploiement global de Celine.

La marque annonce ainsi la création d’une ligne dédiée à l’homme en 2018 - toujours chapeauté par Hedi Slimane, bien évidemment - tout en misant sur la capacité du directeur artistique à réinterpréter la maison, qui depuis 2019 se définit comme une "maison de couture" et poursuit également des projets artistiques avec des créatifs venus de tous les horizons ; parmi eux des musiciens, sculpteurs et peintres.

Prochaine étape ? À moyen terme, le lancement de nouveaux parfums au sein de la collection de Haute Parfumerie de la maison, sans parler de la volonté d’étoffer l'offre déjà existante afin de réaliser les prévisions financières tant attendues.