Detox émotionnelle, le livre(1) de Habib Sadeghi récemment traduit aux Editions Le Cherche Midi, a toutes les recettes du bestseller. Son titre, d’abord, croise le hit contemporain de la détox et la sphère tout aussi prisée des émotions. La préface, ensuite, signée par Gwyneth Paltrow. L’actrice star confie sa rencontre avec le médecin et révèle le diagnostic qu’il pose sur ses problèmes d’ovaires et de thyroïde. Ces troubles "suivaient le parcours du chakra de la gorge. (…) Une affection courante chez les femmes qui ne se sentent pas en mesure de parler, qui étouffent et refoulent les émotions douloureuses au lieu de laisser leur vérité s’exprime".

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Une autocensure dans laquelle bien des femmes se reconnaîtront. Au fil des premières pages, après les compliments du gotha hollywoodien (Demi Moore, Anna Hathaway, Javier Bardem…), viennent les promesses qui finissent de séduire. "J’ai vu des centaines de personnes guérir miraculeusement de maladies considérées comme incurables", s’enflamme le thérapeute qui a lui même soigné son propre cancer grâce à sa méthode. D’où son appel à "changer les conversations que nous entretenons avec nous-mêmes", lors de nombreux talks shows télévisés.

Pour saisir la teneur de ce dialogue intime, le médecin invite à un voyage quasi archéologique en nous-mêmes, avec des outils qui empruntent aussi bien aux traditions religieuses ou initiatiques (diètes, jeûne, prières déguisées, isoloir…) qu’au grand mouvement du développement personnel et de la pensée positive qui prospèrent outre Atlantique (travail sur les intentions, visualisations, écriture automatique etc..). La santé est ici la conséquence de l’hygiène de vie, des croyances inconscientes et des émotions.

A la source de la maladie, les émotions refoulées

Tout le propos du Dr Sadeghi est de faire le lien entre symptômes corporels et nœuds émotionnels. Sa cure en douze étapes invite à rétablir et cultiver notre clarté intérieure via une détoxification du corps et de l’esprit. Dans un monde occidental dépouillé des rituels essentiels pour naviguer dans nos vies émotionnelle et spirituelle, il s’agit d’en recréer d’autres, plus personnels, qui accompagneront la quête de lucidité intérieure. Celle qui permet d’assumer nos choix et de prendre le contrôle de notre existence.

Au menu de la boite à outils du Dr Sadeghi, d’abord différentes détox alimentaires. Les monodiètes de sardines, riz complet et pommes rouges, parfois agrémentées d’une journée de jeûne, visent à drainer et éliminer les déchets émotionnels, ces marques négatives laissées dans l’organisme par les expériences de la vie, la cigarette ou encore les opérations chirurgicales. Cette cure de "désaturation intentionnelle" permet aussi de décongestionner les organes les plus affectés par la rancœur ou la colère, comme le foie, la vésicule biliaire, les poumons, les reins ou le pancréas.

En mettant le corps au repos, la détox réduit la glycémie et l’inflammation et améliore la circulation des liquides organiques en les fluidifiant. La pensée gagne elle aussi en fluidité. La clarté intérieure augmente.

L’écriture, une puissante purge émotionnelle

En parallèle des cures métaboliques, la purge émotionnelle par l’écrit convoque le pouvoir des mots. Baptisé le PEE 12, l’exercice invite à coucher sur papier toutes nos pensées d’une traite, sans réfléchir, se corriger ou se relire, pendant douze minutes exactement. Passé ce temps, il suffit de brûler les feuilles pour neutraliser l’énergie négative ainsi purifiée par les flammes. L’exercice s’effectue plusieurs fois par jour pendant cinq jours.

Une fois les pensées négatives évacuées, il faut éviter de laisser de nouvelles mauvaises énergies s’accumuler à nouveau. Comment ? En identifiant les mécanismes qui nous amènent à réprimer, voire à nier ces émotions pénibles au lieu de les évacuer spontanément. "Personne ne peut guérir tant qu’il ignore ses émotions ou les considère comme des ennemis à combattre", affirme Habib Sadeghi, qui appelle à une phase d’observation de nos schémas de fonctionnement afin de les repérer et les modifier. 

Cette phase, qu’il appelle à appréhender comme une "chasse au trésor", est probablement l’une des plus délicates du processus. Elle implique une écoute des signes du corps et de l’esprit pour remonter aux émotions refoulées, comme un jeu de piste. 

Identifier les ressorts de nos émotions

"Identifier nos propres émotions peut s'avérer délicat car nous manquons parfois de recul", note Pauline Odin, psychologue clinicienne, psychothérapeute et sophrologue. "Les émotions peuvent en cacher d’autres. Derrière la colère, il peut y avoir de la honte, de la tristesse ou d’autres sentiments refoulés" décrit-elle. Ceux-là se travestissent, entraînent une somatisation – insomnies, ruminations, angoisse…- et donnent l’impression que le problème, c’est le symptôme. C’est le constat d’Anaïs, 42 ans, en clôture d’une décennie de psychanalyse.

C’est comme si mon mental m’avait bloquée sur certains aspects de ma vie pour ne surtout pas toucher à ce qui me faisait vraiment mal

"Des années durant, je pensais savoir exactement ce que je n’arrivais pas à digérer de mon histoire personnelle. J’ai tâtonné de thérapies alternatives en diètes macrobiotiques dès l’âge de vingt ans. A l’orée de mes trente ans, j’ai entamé une analyse car plus rien ne me soulageait de mon mal être. Pendant les six premiers mois, j’ai pleuré à sanglots irrépressibles… sur des choses que je ne soupçonnais pas ! C’est comme si mon mental m’avait bloquée sur certains aspects de ma vie pour ne surtout pas toucher à ce qui me faisait vraiment mal", récapitule-t-elle. L’analyse lui a permis de levé le voile opaque qui la séparait d’une certaine vérité intérieure.

Cherchez le thérapeute !

Un phénomène commun, à en croire Pauline Odin. "Les gens viennent souvent avec un malaise, un manque de confiance en soi qui influent sur l’humeur et la perception des choses. Ces états agglomèrent plusieurs biais de pensées différents, difficiles à conscientiser seul". Le thérapeute nous aide à y voir plus clair dans cette confusion émotionnelle. "Celles qui identifient précisément leurs émotions sont souvent passées par un travail introspectif auparavant", évoque Pauline Odin. Un constat partagé par Catherine Lerot-Singer.

D’après cette psychanalyste spécialisée dans les thérapies brèves et instructeur en méditation, le psychisme humain nourrit de milliards de pensées, d’influences qui appartiennent au présent, au passé (éducation, sentiments jugés par un conditionnement social, histoire) et au futur qui éveille nos anticipations, espoirs ou craintes. Cet écosystème génère des émotions très variées que les individus n’arrivent pas forcément à identifier ou même à nommer.

C’est pour cela que l’analyste met à disposition de ses patients une liste de mots, pour les y aider. "Je leur propose aussi un exercice concret, simple, ludique et efficace : quand vous ressentez quelque chose qui vous déstabilise, posez-vous la question : qu’est ce que j’éprouve ? Comment le nommer ? Pourquoi je ressens cela maintenant ? Cela peut prendre dix minutes. Et si ça ne vient pas toute suite, le cerveau trouvera à un moment ou un autre, le lendemain !"

Donner du sens à la souffrance

Dernière ligne droite de la cure : contenir les sentiments qui ne font pas sens en y réfléchissant suffisamment pour pouvoir les identifier et comprendre ce qui nous arrive. Exercice proposé : un passage à l’ »isoloir » pour faire le point par écrit avec soi-même, avec l’aide de notre "moi authentique", convoqué pour l’occasion. Cette étape, valable uniquement si les émotions négatives ont été bien traitées en amont, permet de transformer définitivement le traumatisme. "Hors contexte, tout peut être "mauvais" écrit Habib Sadeghi, qui appelle à sortir du jugement pour élargir notre vision du monde : une fois mature, on peut accueillir l’épreuve, la comprendre, la traiter et en extraire ce qui pourra nous permettre d’avancer.

Des études récentes insistent sur le fait qu’un certain ratio d’émotions négatives est nécessaire à notre équilibre.

Affleure alors dans l’ouvrage la conception chère au New Age et à plusieurs traditions initiatiques : derrière toute émotion négative se cacherait de l’amour. Dans le magazine Psychologies, le psychiatre Christophe André présente les choses autrement : "Des études récentes insistent sur le fait qu’un certain ratio d’émotions négatives est nécessaire à notre équilibre. Le bon fonctionnement psychologique repose sur trois à quatre émotions positives pour une émotion négative." En bref, toutes les émotions ont leur utilité.

Conscientiser, cela s’apprend

Sur la méthode Sadeghi, Catherine Lerot-Singer reste positive. "C’est l’un des nombreux chemins dessinés pour aller du désagréable vers le mieux-être, un processus que l’on effectue en réalité plusieurs fois par jour, inconsciemment. Il est important d’apprendre à connaître et reconnaître les émotions négatives. On devrait l’enseigner aux enfants à l’école", avance la thérapeute qui estime que l’époque n’est plus aux psychanalyses qui durent vingt ans. "Mieux se comprendre, déverrouiller des problèmes, mettre en lumière notre fonctionnement, faire des liens peut se faire de manière très dynamique aujourd’hui, à condition de savoir comment faire. Cela implique généralement d’avoir appris avec quelqu’un".

Quand on se penche sur les cas des patients du Dr Sadeghi exposés dans son livre, tous sont guidés par le médecin qui les écoute, les aiguille, etc... Un accompagnement difficilement transmissible dans un livre

Quand on se penche sur les cas des patients du Dr Sadeghi exposés dans son livre, tous sont guidés par le médecin qui les écoute, les aiguille sur les aspects refoulés de leur discours ou leur comportement, les aide à débloquer les nœuds. Un accompagnement difficilement transmissible dans un livre. "Articles dans la presse, émissions télé, conférences Youtube et autres ouvrages de développement personnel aident à acquérir des connaissances. Il restera toujours quelque chose de ces contributions, à commencer par le credo que l’on peut évoluer, qu’il n’y a pas de fatalité", décrit la psychanalyste. "Le patient comprend parfois qu’il peut trouver un thérapeute qui l’aidera à avancer s’il se sent coincé."

Un livre, une consultation. Le compte est bon.

(1) Pour aller plus loin :