Elle a disparu récemment et n'était pas si méconnue… Pourtant, bell hooks reste une pionnière, de celles qui ont révolutionné le féminisme.

Née au début des années 50 dans le Sud rural des États-Unis encore en proie à la ségrégation raciale, Gloria Jean Watkins (son vrai nom) est issue d'une famille de la classe populaire.

Une pensée visionnaire

Dès l'enfance, elle lit énormément. Puis fait de brillantes études. Devient professeure de littérature. Dès l'un de ses premiers ouvrages, Ne suis-je pas une femme ? (Éd. Cambourakis), une ode aux femmes noires américaines, elle décortique le féminisme d'alors (les années 70) : celui des femmes blanches de la classe moyenne ou supérieure.

Son œuvre se décline en recueils de poésie, essais, livres pour enfants ou mémoires, sous le nom de plume bell hooks (celui de son arrière-grand-mère), qui s'écrit sans majuscules, une manière de s'effacer derrière les mots. Mais sa pensée est précise et visionnaire.

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Elle démasque la prétention à "l'universalisme" des féministes blanches, qui ne prennent pas en compte le vécu des femmes noires et au-delà, de toutes celles qui se situent "aux marges du centre" : les pauvres, les lesbiennes, les ouvrières, les prostituées…

Le "black feminism"

Ses théories ouvrent la voie au "black feminism" et à cette intersectionnalité qui agace tant aujourd'hui et semble une évidence. Le fait d'être une femme ne s'apprécie-t-il pas à l'aune d'un ensemble de facteurs imbriqués – outre le sexe, la couleur de peau, la classe sociale et le genre ?

Mais bell hooks garde espoir. Pour déjouer la domination économique, sexuelle ou raciste, elle compte sur l'engagement politique et la poésie, la sororité et l'inclusion des hommes. Par-dessus tout, avance-t-elle, la meilleure manière de s'émanciper, c'est par l'amour.

À la suite de Martin Luther King et son fameux "j'ai décidé d'aimer", bell hooks délivre une conception du combat humaine et pleine d'espoir.

Cette grande dame meurt l'an dernier à 69 ans, ayant inspiré d'innombrables femmes, parmi lesquelles Roxane Gay, Rokhaya Diallo ou… la top model Emily Ratajkowski.

Ce papier a été initialement publié dans le numéro 837 de Marie Claire, daté juin 2022