De Jacques Chirac et "notre maison brûle et nous regardons ailleurs" à Emmanuel Macron et "Make our Planet great again", un chef d'État français a-t-il agi suffisamment contre le réchauffement climatique ? Au-delà des slogans ? Du tout, ou alors, bien insuffisamment, pour quatre organisations non-gouvernementales, qui ont décidé, "au nom de l'intérêt général", d'assigner l'État français en justice pour qu'il respecte ses engagements climatiques. Et pour qu'il cesse d'être "obnubilé par les enjeux à court termes et d'être "sourd aux innombrables cris d'alarmes des plus fragiles, des scientifiques, des associations." Pour elles, il s'agit de "l'Affaire du siècle". 

2 millions de signataires

Pour créer un élan, elles ont aussi lancé une pétition, à la mi-décembre 2018, avec l'objectif du million de signatures. Il a été atteint en moins de deux jours. Mars 2019 : plus de 2 millions d'internautes ont signé la pétition, faisant d'elle la plus signée en France, devant celle contre la loi travail qui cumule 1,3 million de signatures.

Le collectif y voit le signe que les citoyens sont prêts à s'engager, prêts à changer leurs habitudes, pour "vivre durablement dans une planète durable". Cécile Duflot, ancienne ministre et directrice générale d'Oxfam France, l'une des quatre associations engagées, a salué cet exploit sur Twitter : "C'est déjà un événement inédit." 

Le gouvernement a montré que les États ne sont pas à la hauteur

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"Les discours, les débats, c'est bien, mais il faut passer au stade supérieur, a défendu l'actrice Marion Cotillard, investie dans cette action. À part Nicolas Hulot, en qui j'ai cru, le gouvernement a montré que les États ne sont pas à la hauteur, qu'ils pensent à court terme et cela mène à un immobilisme dangereux".

Quatre associations plaignantes

La Fondation pour la Nature et l'Homme, fondée par Nicolas Hulot, GreenpeaceOxfam France, qui lutte contre les inégalités et les causes de la pauvreté dans le monde, et Notre Affaire à Tous, qui défend la « justice climatique » se sont réunies pour faire front.

La justice est un véritable levier, elle peut contraindre à l'action

"La justice est un véritable levier, elle peut contraindre à l'action" plaident-elles dans un communiqué. Le gouvernement néerlandais a été contraint, par la justice des Pays-Bas, de revoir à la hausse ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En Colombie, 25 jeunes ont fait reconnaître par la Cour suprême la nécessité d’agir contre la déforestation, et au Pakistan, un fils d’agriculteurs a demandé aux juges de contraindre son État à adopter une législation climatique capable de protéger l’exploitation de ses parents... Ces exemples précis ont inspiré et motivé les quatre associations à saisir la justice et attaquer l'État français. 

Épisode 2 : dépôt du recours au tribunal

"Il y a trois mois, nous étions plus de 2 millions à demander à l’État français d’agir MAINTENANT pour tenir ses ambitions en matière climatique. Leur réponse ? Les citoyen.ne.s ne seraient pas prêt.e.s à accepter un changement et une transformation profonde de notre société pour sauver notre planète", déclare Oxfam France, via ses réseaux sociaux. L'ONG annonce publiquement :  "Puisque notre gouvernement ne nous entend pas, (...), nous déposons officiellement le recours contre l’Etat Français pour inaction face au changement climatique."

Le "recours indemnitaire en responsabilité" a été déposé en ligne ce jeudi 14 mars, au matin, auprès du tribunal administratif de Paris contre l'État pour manquements à son obligation d'action, par les quatre ONG, décidées à passer à l'étape suivante car insatisfaites des premiers réponses - plutôt de l'absence de réponses - de l'État. Et demandent aux juges de reconnaître les " manquements " de l’État en matière d’action climatique et " d’enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents d’y mettre un terme". Édouard Philippe, justement, a rapidement reçu les ONG, mais en février dernier, le gouvernement a rejeté l'accusation d'inaction. "Je comprends qu'on ait envie d'agir plus vite, plus fort,

"Je comprends qu'on ait envie d'agir plus vite, plus fort, plus loin sur le dérèglement climatique, je suis le premier à le vouloir, le président Macron aussi", a réagi ce jeudi 14 mars le ministre de la Transition écologique François de Rugy en direct de Public Sénat. Il regrette la méthode : "Après, (...) dans aucun tribunal on ne réduira les émissions de gaz à effet de serre. C'est avant tout une affaire politique."

Comme le Pakistan, la Colombie ou les Pays-Bas avant elle, la France fait donc à son tour l’objet d’une procédure en justice. Les ONG à l'initiative de "l'Affaire du Siècle" appellent maintenant à une mobilisation dans les rues. Elles donnent rendez-vous aux millions de Français signataires samedi 16 mars, pour la "Marche du Siècle". 

Soutenues par des artistes et des Youtubeurs

Dans une vidéo de 2min50 postée pour le lancement de l'action, le 18 décembre, et visionnée, en moins de 24 heures, plus de 100.000 fois sur Youtube, et 5,4 millions de fois sur Facebook, Marion Cotillard, Juliette Binoche, le trio L.E.J, le co-réalisateur engagé de "Demain" Cyril Dion, Elie Semoun, mais aussi les youtubeurs Carlito&Mac Fly ou Max Bird... racontent la situation gravissime, détaillent et soutiennent l'initiative face caméra.