"L'amour m'est tombé dessus quand je m'y attendais le moins"

Par Marie-Claude Treglia
crise de couple illustration
Il n’y a pas que le coup de foudre qui frappe sans crier gare. L’amour a toutes sortes de chemins de traverse pour nous tomber dessus aux moments les plus improbables. Quatre femmes qui se sont laissé surprendre racontent.

C’est souvent lorsqu’on n’y pense plus, qu’on n’en veut plus ou qu’on s’en serait bien passée que le grand amour déboule. Sans doute est-on particulièrement disponible quand on est tout entière occupée sur d’autres fronts. Sans résistance. Au-delà des a priori  ? Les histoires qui suivent racontent comment l’amour peut être révolutionnaire.

Un vrai fauteur de troubles, incontrôlable, capable de saccager les équilibres apparemment les plus stables et de mettre à mal nos certitudes, nos repères, notre idée du bien et du mal. Les quatre femmes qui se sont confiées à nous n’ont pas de mots pour dire la force de la surprise, le bouleversement. Et la puissance de l’amour qui, même s’il ne fait que passer, peut nous libérer de vieux carcans qu’on ne voulait pas voir, révéler en nous une femme qu’on ne soupçonnait pas. Et parfois même, l’air de rien, nous sauver la vie. 

Hélène, 50 ans : "Deux ans après ce coup de foudre, je n'arrive toujours pas à y croire"

J’ai une passion pour l’Inde depuis plus de vingt ans. J’y vais une ou deux fois par an. Cette fois-là, j’y étais pour organiser un circuit touristique. Un mois avant mon départ, j’avais rencontré le propriétaire des lieux à Paris  : un fils de maharadja, très distingué, la soixantaine, les cheveux gris blancs, les yeux bleus… La conversation avait été purement professionnelle. De toute façon, c’était mon ambiance de l’époque  : pro.

Vidéo du jour

Depuis trois ans, après une rupture cataclysmique, l’amour, je n’y croyais plus, je n’y pensais même pas. Je suis donc arrivée en Inde, un mois après, escortée de mon équipe. Un vrai choc visuel  : au milieu de la campagne, une muraille prolongée par des temples, avec le fleuve et des barques surélevées d’un dais. A l’intérieur, des courettes, des corridors, des vérandas, des fleurs… Rien des fastes du Rajasthan, mais de la simplicité et du raffinement. Ici, le propriétaire portait le jodh-pur, la tunique, des gilets brodés et un collier de pierres. Le matin, on l’apercevait qui prenait son thé sur sa terrasse. On lui apportait son bol à barbe, un miroir, et il se rasait au-dessus de sa table en acajou. 

Après tant d’erreurs de casting dans ma vie, je n’aurais jamais imaginé qu’un tel homme puisse exister

Après notre départ pour Paris, au bout d’une demi-heure de car, j’ai reçu son premier SMS  : très sobre. Mais mon cœur a chaviré. Comme par hasard, mon téléphone était bloqué, je ne pouvais pas lui répondre. De retour à Paris, j’ai trouvé son premier e-mail, puis le deuxième… Et tous les jours pendant trois mois, nous avons correspondu. Il me racontait sa vie, et moi je lui racontais la mienne. Le reste du temps, je surfais sur Internet pour en savoir plus sur son histoire.

Au bout de trois mois, il m’a invitée à l’accompagner à Londres, voir une expo dont une partie était consacrée à son père. Il passerait me chercher à Paris. Et il a débarqué chez moi un matin à 7 heures. Quand j’ai ouvert la porte, mon cœur palpitait. Nous nous sommes simplement enlacés… Notre première nuit ensemble a été une nuit de tendresse. Evidente. Magnifique. Et depuis on ne s’est plus quittés. 

Quand nous allons en Inde, je partage ses appartements. Je porte le sari… A Paris, lui s’est fait de la place dans l’un de mes placards, il a apporté des portraits de son père, un petit cavalier en or et un petit Ganesh. Après tant d’erreurs de casting dans ma vie, je n’aurais jamais imaginé qu’un tel homme puisse exister  : il est à la fois esthète, attentionné, généreux, élégant et délicat. Ni qu’une relation comme la nôtre, mêlant respect, confiance et complicité, puisse perdurer. Aujourd’hui encore, après deux ans, il m’arrive de me pincer pour y croire.

Olivia, 35 ans : "Enceinte de 6 mois j'ai eu un coup de foudre pour un autre homme" 

Quand Alfonso a déboulé dans ma vie, j’avais tout pour être heureuse avec Sébastien. J’avais 29 ans, on s’aimait depuis huit ans sans érosion apparente. Et j’étais enceinte. Un peu tourneboulée, certes, comme on peut l’être quand on n’a pour ainsi dire connu qu’un homme dans sa vie et qu’on s’apprête à franchir une nouvelle étape. Mais finalement ravie de commencer un nouveau chapitre. Sébastien, souvent absent pour son boulot, était alors en Argentine pour quatre mois. On s’appelait souvent, on se manquait mais on sortait pas mal chacun de son côté.

Bref, c’est au cours d’une soirée où j’accompagnais des amis que j’ai rencontré Alfonso. Un homme "hypermordant", aux yeux très noirs pétillants de malice, avec une bouche très charnue et un corps d’athlète. C’est lui qui m’a abordée, et on s’est marrés ensemble toute la soirée. Je n’ai pas craqué tout de suite. J’ai même tout fait pour arranger l’affaire avec une des copines qui m’accompagnaient. Mais c’est moi qu’il voulait.

Au début, ça me faisait juste plaisir, ça me rappelait que je pouvais séduire, mais il s’est accroché, et sa persévérance a fini par me troubler. 

On s’est revus, et à plusieurs reprises je l’ai repoussé. Mais à chaque fois il a réapparu. Toujours aussi drôle, incisif… et séduisant. Jusqu’au soir où j’ai flanché. Je ne sais pas si j’étais vraiment amoureuse à ce moment-là, mais c’était tout simplement irrésistible. Il était très doux, tendre et enveloppant. Et alors que j’étais enceinte de six mois, j’ai fait l’amour avec lui, en pleurant. Lui aussi a pleuré, mais il était fou d’amour, il voulait que je quitte mon mari, il disait qu’il reconnaîtrait mon enfant : "Je prends tout…" 

Il n’était pas question que je quitte Sébastien, mais on a continué à se voir jusqu’à l’accouchement. Il m’a même appelée à l’hôpital. Et pendant un an, ça a continué, dans l’ombre. Personne n’était au courant. Entre Alfonso et moi, il y avait un tru

c torride, un truc de peau, qui rend accro. Mais aussi quelque chose d’orageux. Régulièrement on s’engueulait, on se séparait puis je le laissais revenir. J’ai fini par quitter Sébastien, je ne pouvais plus mentir. Alfonso et moi nous sommes enfin installés au grand jour.

A ce moment-là, j’étais conquise et amoureuse. Lui était exquis, m’abreuvait d’e-mails, de SMS, il m’enveloppait d’amour. Mais bientôt les engueulades ont recommencé, les séparations, les retrouvailles. Notre amour n’a jamais réussi à devenir serein. La culpabilité que je ressens encore parfois lorsque je regarde mon fils et le fantôme de mon premier couple restent des éléments qui nous séparent. Je ne sais pas si on leur résistera encore longtemps…

Aude, 44 ans : "J'ai eu le coup de foudre pour Mathieu en plein deuil"

"Je venais de perdre mes deux parents, à quelques mois d’intervalle. Et je sortais d’une histoire d’amour clandestine de dix ans. Bref, en trois mois j’avais perdu trois pivots de ma vie. L’amour, ce n’était pas la préoccupation du moment, mais plutôt : " Comment je tiens debout  ? " Chaque jour était une victoire. C’est là que Mathieu est arrivé.

Nous avons une maison de famille dans le Lot, dont mon père avait entrepris de faire refaire le toit, mais la majeure partie restait à effectuer, et il m’avait passé le relais. Après sa mort, ma mère n’avait cessé de me répéter : "Il faut que tu fasses refaire le toit." Mathieu, c’était le couvreur, le fils de l’entreprise depuis toujours en charge de la maison. Le jour où il a débarqué, j’étais en plein chantier avec la femme de ménage  : espadrilles, tablier, balai à la main… C’est là qu’il est apparu, alors que je sortais secouer mon chiffon. Il est arrivé par l’arrière de la maison. J’ai juste entendu : "Bonjour  ! ", eu le temps de me retourner et de penser : "Mais c’est qui, cette bombe  ?" Lui aussi était en tenue de boulot, sans apprêt. 

Il dégageait une telle authenticité, une telle force, une telle gentillesse… Regard franc, beau sourire, belle poignée de main. Je l’ai regardé arpenter le toit, fascinée. Il grimpait avec une agilité de félin, élégant, souple. Quand il est parti, je lui ai juste glissé : "Ne m’assassinez pas avec votre devis, je suis toute seule avec ma fille… " Le soir même, je questionnais mon frère (" Il a quitté sa compagne, il a un garçon.") Et à compter de ce jour, je me suis prise de passion pour les tuiles de la maison  ! 

Tout devenait urgent, et je passais de plus en plus de week-ends là-bas.

Cela dit, il m’a fallu des mois pour me rendre à l’évidence. Au début, ses SMS étaient juste un rayon de soleil dans ma vie. Mais dès qu’il s’est emballé (j’étais " la femme de sa vie "), j’ai été prise de panique. Je suis devenue glaciale, désagréable. Mais ses messages restaient drôles et spirituels, subtils, poétiques. C’est comme ça qu’il m’a apprivoisée, peu à peu.

Un jour de novembre, il est venu m’attendre à la gare. La porte du train s’est ouverte juste devant lui. Il a écarté les bras. On n’a pas dit un mot. On s’est embrassés. Et cela fait deux ans et demi que ça dure. Pour la première fois de ma vie je me suis laissé choisir. Je crois que ce qui m’a conquise, c’est sa volonté, sa certitude que nous étions faits l’un pour l’autre. Notre lien n’a rien à voir avec la passion stérile, c’est une histoire qu’on construit. Les toits de la maison sont terminés depuis fin juillet. Désormais nous en sommes les piliers. 

Chloé, 41 ans : "J'ai eu le coup de foudre en pleine chimio"

Christophe, je le connaissais depuis quelques mois à peine quand j’ai appris que j’avais un cancer. Il est ostréiculteur dans le patelin où je passe mes vacances depuis que je suis enfant. On se croisait régulièrement, et depuis peu on se parlait, il avait pris de l’importance dans ma vie. C’est lui que j’ai appelé en premier. Il m’a dit : "J’arrive, il faut que tu parles. " Il avait l’ouverture, la profondeur pour tout entendre, et la force de me porter. Le lien a commencé à se tisser. Mais tout a basculé plus tard, après une opération et en pleine chimio. J'avais un cathéter, un sein rafistolé, le crâne rasé, plus de cils ni de sourcils.

Ma vie de famille s’effondrait, le père de mon fils était absent… Et là, un matin, au bord de la plage, on est tombés dans les bras l’un de l’autre. Je sentais bien depuis quelque temps le trouble s’installer. Mais comment y croire, dans l’état où j’étais ?

Christophe, c’est un colosse d’1,85 m, avec une gueule cassée comme j’adore. Et moi, avec mon foulard… Les questions se pressaient : "Dans quoi je m’embarque  ? Et mon fils  ?". Mais très vite les sensations ont pris le dessus. Comment pouvais-je résister à un tel cadeau de la vie après tout ce que je venais de traverser  ? Lui disait qu’il ne me voyait pas comme je me voyais. Que ma séduction, c’était ma lumière intérieure, pas mes cheveux. Puis un jour il m’a retiré le bandeau.

Face à une telle puissance, j’ai lâché moi aussi, et j’y suis allée à fond.

Je n’ai jamais mis autant de moi dans une histoire d’amour. Tout ce que je vivais c’était peut-être pour la dernière fois… On faisait l’amour comme des dingues. Je n’imaginais pas avoir encore une telle force physique. Et jamais je n’étais allée aussi loin dans la symbiose psychique et charnelle. On aurait pu me poignarder dans ces moments-là, je n’aurais rien senti. Ce type m’a sauvé la vie. Il n’avait peur de rien  : ni de la maladie, ni des traitements. Il était capable de me faire rire, même dans les pires situations. Il m’a donné la force de me surpasser. De faire parfois 150 km en voiture, en m’arrêtant trois ou quatre fois en route pour vomir, pour le rejoindre et manger des huîtres.

Très vite j’ai quitté le père de mon fils, et lui a quitté femme et enfants. Mais cette passion ne laissait de place à rien ni personne entre nous, or j’avais un fils. Non, je ne pouvais pas partir faire le tour du monde en bateau, comme il me l’avait proposé  : " Et si tu dois, en route, mourir sur une plage, je serai là jusqu’au bout ", m’avait-il dit.

J’ai finalement dû renoncer à lui, au bout de trois ans. Mais il est en moi pour toujours. Il m’a laissé des clés, que je sors dès que j’ai un coup dur. Comme des passeports pour passer toutes les douanes. Grâce à lui je n’ai plus peur de la mort. 

[Dossier] Avoir un coup de foudre - 7 articles à consulter

La Newsletter Égo

Bien-être, santé, sexualité... votre rendez-vous pour rester en forme.

Les avis des internautes

Tous les avis

De anonyme
Attention petite coquille dans le titre après le témoignage d'olivia,ou alors humour potache d'un stagiaire. Cela n'enlève pas le plaisir de lire ces témoignages.