“On peut avoir l'impression que j’ai confiance en moi, parce que je suis à l’aise en public, je parle fort, je ris, je souris. Mais plus jeune j’étais une grande timide. Je me sentais limitée et impuissante dans certaines situations. J’avais l’impression d’être spectatrice de ma vie”, raconte Maud*, 32 ans, intermittente du spectacle débordante d’énergie, qui dit avoir réussi à dépasser sa timidité, du moins en partie.

Comme Maud, de nombreuses personnes sont affectées par ce tiraillement invisible. Stress, tétanie, anxiété, mains moites et joues rouge tomate, la timidité se dévoile de différentes manières. Retour sur cette étiquette galvaudée dont on sous-estime souvent les conséquences.

Comment s’installe la timidité ?  

“Petite, on me disait que ça passerait en grandissant. On insistait tellement sur le fait que j’étais timide que j’avais l’impression que rien d’autre ne me définissait”, se souvient Maud. Pour Jessica Caujolle**, ancienne grande timide à l’origine du projet ByeByeTimidité, “le problème, c’est que la timidité est très souvent discréditée, surtout dans l’enfance. Par ailleurs, dans une société qui a fait de l’exubérance et de la sympathie la norme, il est difficile d'expliquer aux personnes ce que nous vivons”.

D’autant que les origines de ce mal-être peuvent être multiples : une première expérience relationnelle qui a mal tourné, un complexe qui s'est installé, un déficit d'estime de soi. “C’est difficile de déterminer si la timidité relève de l’inné ou de l’acquis. Il n’existe pas de recette psychologique. On peut naître timide, mais l’environnement familial dans lequel on évolue nous influence aussi beaucoup”, explicite Carine Hahn***, psychanalyste spécialisée dans le management des émotions. “Si on ne se sent pas en sécurité, on peut se servir de la timidité pour se protéger”, ajoute l’experte.

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Il existe différentes formes de timidité

L’autre difficulté avec la notion de timidité, c’est qu’il en existe différents degrés. Certains ont par exemple des accès de panique ou de trac dans des situations inconfortables. “Encore aujourd’hui, quand je ne suis pas en confiance, il m’arrive de bégayer, de rougir. Je perds mes moyens, ma respiration s'accélère et je n’ai plus vraiment le contrôle de mon corps. Heureusement, ça ne dure qu’un temps”, détaille Maud.

D’autres, comme Sacha*, 21 ans, étudiante en littérature, sont totalement pétrifiées par la peur. Si la jeune femme n’a aucun problème à lier des amitiés, dans le cadre professionnel, elle perd tous ses moyens. "C’est handicapant, car j’ai développé une forme d’anxiété qui m'empêche parfois de prendre des risques ou d’oser frapper à certaines portes”, constate-t-elle. Un cas de figure ambivalent qui n’a rien d’étonnant pour Carine Hahn. “La timidité n’empêche pas d’être sociable”, précise-t-elle en expliquant qu’une trop grande conscience professionnelle ou une anticipation négative peuvent faire naître une hyper-anxiété improductive.

“Quand cette anxiété paralysante s’étend à tous les domaines de notre vie, elle peut entraîner une perte de confiance totale et même un isolement social”, alerte Jessica Caujolle. Ancienne timide, elle  évoque son cas personnel. “J’étais incapable de passer un coup de téléphone. Je ne pouvais même pas aller chercher le pain à la boulangerie. La timidité était une lutte de chaque instant”, se souvient-elle.

La timidité peut-être une force

“On souffre de notre timidité à cause de la société et du regard que portent les autres sur nous”, explique Carine Hahn, mais “ce n’est pas une tare d’être timide”, insiste-t-elle. Trop souvent assimilée à une faiblesse, on oublie de mentionner les qualités de ce trait de personnalité. “Je n'étais pas très avenante, mais j’ai quand même l’impression d’avoir développé une forme de sensibilité que n’ont pas d’autres. J’analyse beaucoup - parfois trop - les situations avant d’agir et je suis très sensible - peut-être trop encore une fois”, sourit Maud. Une analyse que partage Jessica Caujolle qui rappelle que “les personnes timides développent un grand sens de l’écoute de l’autre et de l’empathie.”

Lucie, 23 ans, étudiante en droit, acquiesce. “Je sais qu’on peut en faire un atout parce que je l’ai fait. Au départ, je forçais ma nature à la fac. Un peu comme si je me tenais au bord d’une falaise à chaque fois que j’allais parler à un inconnu. Mais, c’est devenu une grande satisfaction de réaliser que je pouvais le faire, que rien d’horrible ne se produisait et qu'interagir avec des gens me faisait du bien”, analyse-t-elle. Avant de conclure : “ finalement ma timidité me permet de me dépasser au quotidien".

Vaincre sa timidité, c’est possible

“Avec le recul, je me dis que pour vaincre sa timidité, il faut simplement être bienveillant avec soi-même”, explique Maud. “Être timide, c’est beaucoup de culpabilisation. J’étais la première à me critiquer. Mais j’ai fini par m’accepter et arrêter de me comparer aux autres. C’est vraiment libérateur”, poursuit-elle.

Pour reprendre le contrôle de votre corps et de votre esprit, Carine Hahn et Jessica Caujolle préconisent la thérapie, pour apprendre à identifier ses atouts et à prendre conscience de son plein potentiel. Des exercices de méditation et de sophrologie peuvent aussi être très utiles pour se recentrer sur soi. Pour les adeptes de la scène, le théâtre peut aussi être libérateur : “Au théâtre on joue un rôle, on se débarrasse de qui on pense être. Sous couvert d'un personnage, on ose tout. C’est extrêmement bénéfique”, indique Carine Hahn

“Faites la paix avec vous-même, car vous resterez sans doute timide toute votre vie”, philosophe Jessica Caujolle, qui conclut en souriant que subir sa timidité n’est vraiment pas une fatalité !

*Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des témoins

** Jessica Caujolle, auto-entrepreneuse et coach à l’origine du site byebyetimidité.

***Carine Hahn, psychanalyste spécialisée dans le management des émotions.